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Une « langue noëlle », Lectures de Marc Graciano (Sorbonne Nouvelle)

Une « langue noëlle », Lectures de Marc Graciano (Sorbonne Nouvelle)

Publié le par Marie Vigy

Une « langue noëlle ». Lectures de Marc Graciano

4 juin 2024 – Sorbonne Nouvelle (Maison de la Recherche)

 Journée d’étude organisée par Marie Vigy (Sorbonne nouvelle, Thalim) et Clara de Courson (Sorbonne nouvelle, Clesthia)

            Inaugurée il y a dix ans tout juste par Liberté dans la montagne (Corti, 2013), la production littéraire de Marc Graciano compte treize titres à ce jour, dont quatre ont paru ces derniers mois. D’abord exclusivement attachée aux formes narratives, elle s’ouvre en cet automne à la poésie : Noirlac (Le Tripode, 2023) confirme le caractère expérimental d’une écriture qui n’a jamais cessé de renouveler ses terrains d’exploration. La reconnaissance critique dont Graciano a bénéficié dès ses premiers textes va croissant[1], y compris de la part de ses pairs[2] ; alors que le rythme soutenu des parutions récentes commence de tracer les contours d’une œuvre, il est temps que la recherche académique lui accorde l’attention qu’elle mérite.

            C’est sous l’angle de la langue que nous proposons d’engager ce travail. Celle de Graciano se reconnaît entre mille et ses inclinations stylistiques, d’une singulière cohérence depuis Liberté dans la montagne, la démarquent nettement des productions contemporaines : archaïsmes lexicaux et syntaxiques, relance ininterrompue de la phrase, labyrinthe de subordonnées, retravail des formes anciennes de la négation, préférence affichée pour le discours indirect plutôt que direct… La liste peut bien entendu s’allonger à loisir.

            Il s’agira de dégager les constantes de cette langue sans pareille, mais aussi de décrire son évolution au long de ces dix années de production et les pistes stylistiques qui paraissent s’ouvrir à l’écrivain. Plusieurs axes pourront ainsi (sans exclusive) nourrir la réflexion :

            - une « langue à spectre large[3] » : l’écriture de Graciano garde mémoire de l’ancienne langue, sans pour autant se vouer à la recréation antiquaire de formes d’expression archaïques. Quels sont les marqueurs privilégiés – lexicaux, syntaxiques, stylistiques – de cette référence linguistique aussi insistante qu’indéterminée au plan chronologique (à l’exception notable de Johanne, dont on pourrait détailler le travail d’ancrage linguistique dans le siècle du personnage éponyme) ? Quelles sources littéraires et lexicographiques la nourrissent, quelles représentations de l’ancien et du moyen français la sous-tendent, et que suggère-t-elle des traces laissées par ces états de langue dans nos imaginaires linguistiques contemporains ? Comment l’attraction pour ces formes anciennes de la langue s’ouvre-t-elle à une rénovation inventive du français, transmuant comme par magie la vieillerie langagière en une « langue-enfant[4] » ?

            - « une phrase-flux ou une phrase-mouvement[5] » : l’unité privilégiée de l’écriture de Graciano est sans conteste la phrase ; de l’avancée heurtée de certains paragraphes de Liberté dans la montagne, à grand renfort de segments averbaux, à l’arc syntaxique parfois vertigineux des textes les plus récents, la trajectoire littéraire de Graciano témoigne d’un apprivoisement croissant de sa phrase. Comment la dynamique expansive de la phrase se construit-elle et comment se soutient-elle ? Quelles chevilles syntaxiques et quelles ressources stylistiques contribuent à son essor et garantissent sa cohésion ? Le caractère litanique de son écriture invite à détailler les formes qu’y prend la répétition (lexicale, syntaxique, prosodique) et le faible degré de variation stylistique à l’échelle d’un texte, mais aussi à trouver des précédents littéraires au travail de Graciano et à interroger son rapport à certains modèles avoués (Claude Simon, Charles Péguy) ou ses affinités parmi la littérature contemporaine (Michon, Quignard). L’envergure de la phrase de Graciano est aussi à l’image d’une écriture qui, en dépit de sa littérarité affichée, se refuse à tout élitisme esthétique. Comment la puissance de développement de la phrase veille-t-elle à ne pas mordre sur l’intelligibilité du texte ? Si concertée qu’elle soit, cette écriture est souvent caractérisée par la critique en termes de voix, et c’est le travail de la pulsation interne de la phrase qui autorise sa poussée irrésistible vers l’avant : quel lien les textes de Graciano entretiennent-ils avec l’oralité, comme imaginaire stylistique agissant mais aussi comme possible horizon de réception ?

            Plus généralement, on pourra s’intéresser à certains régimes d’écritures structurants (formes et usages de la description, maniement des discours rapportés…), au traitement stylistique de certains motifs narratifs récurrents (représentations de la violence extrême, du soin, des perceptions animales…), ou encore aborder les textes de Graciano sous la forme de microlectures.

 

            Les propositions de communication (200-300 mots) pourront s’inscrire dans les axes proposés ci-dessus. Elles seront accompagnées d’une brève notice biobibliographique et envoyées par courriel avant le 15 janvier 2024 à Clara de Courson (clara.de-courson@sorbonne-nouvelle.fr) et Marie Vigy (marie.vigy@sorbonne-nouvelle.fr).

 

            La journée se tiendra le 4 juin 2024, à la Maison de la recherche de l’université Sorbonne nouvelle (salle Athéna, 4 rue des Irlandais, 75005 Paris), en présence de Marc Graciano ; elle sera ponctuée de lectures de ses textes par des comédiens, et clôturée par un entretien avec l’écrivain et son éditeur au Tripode, Frédéric Martin.

 

Bibliographie

Graciano, Marc, Liberté dans la montagne, Paris, Éditions Corti, 2013.

——, Une forêt profonde et bleue, Paris, Éditions Corti, 2015.

——, Au pays de la fille électrique, Paris, Éditions Corti, 2016.

——, Enfant-pluie, Paris, Éditions Corti, 2017.

——, Le Sacret, Paris, Éditions Corti, 2018.

——, Embrasse l’ours et porte-le dans la montagne, Paris, Éditions Corti, 2019.

——, Le Soufi, Saint-Clément, Le Cadran ligné, 2020.

——, Johanne, Paris, Le Tripode, 2022.

——, Le Charivari, Saint-Clément, Le Cadran ligné, 2022.

——, Shamane, Paris, Le Tripode, 2023.

——, Le Gyrovague, Loches, La Guêpine, 2023.

——, Noirlac, Paris, Le Tripode, 2023.

—— et Kopp, Jan, Ronce, Dijon, Les Presses du réel, 2023.


[1] Voir en particulier les dossiers « En compagnie de Marc Graciano », La Femelle du requin, n° 48, automne-hiver 2017, p. 56-90 et « Le feu sacré », Le Matricule des anges, février 2022, n° 230, p. 14-24, ainsi que de longs entretiens dans la presse spécialisée : Yann Étienne, « Marc Graciano : “Ne pas vouloir imiter mais mimer” (Johanne) », Diacritik, 18 mai 2022, en ligne : https://diacritik.com/2022/05/18/marc-graciano-ne-pas-vouloir-imiter-mais-mimer-johanne/ ; Sébastien Omont, « “J’écris comme un enfant joue” : entretien avec Marc Graciano », En attendant Nadeau, 8 mars 2023, en ligne : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2023/03/08/entretien-marc-graciano/.

[2] Graciano & co, Paris, Le Tripode, 2022.

[3] Marc Graciano, dans « Marc Graciano : “Ne pas vouloir imiter mais mimer” (Johanne) », Diacritik, 18 mai 2022, en ligne : https://diacritik.com/2022/05/18/marc-graciano-ne-pas-vouloir-imiter-mais-mimer-johanne/.

[4] Ibid.

[5] Ibid.