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La plume savante : écrivains-chercheurs contemporains (Nicosie, Chypre) (extention du délai)

La plume savante : écrivains-chercheurs contemporains (Nicosie, Chypre) (extention du délai)

Publié le par Marc Escola (Source : Iulian Toma)

Colloque international

 

La plume savante : écrivains-chercheurs contemporains

 

Université de Chypre (Nicosie), 23-24 mai 2024

            

Conférencière invitée : Tiphaine Samoyault (EHESS)

 

Le monde des lettres a toujours eu ses savants et ses érudits, nonobstant le tenace et scrupuleux a priori, né avec l’idée moderne de littérature, qui voudrait priver ceux-ci du statut d’écrivains à part entière. Nul besoin de remonter jusqu’aux lointaines époques où science, poésie et philosophie s’entremêlaient ou se complétaient de manière encyclopédique pour trouver des noms relevant à la fois de l’histoire de la littérature et de celle d’autres champs de savoir. Plus proches de nous, un historien comme Mérimée, un spécialiste de l’art de la faïence et de la caricature comme Champfleury, un inventeur et auteur de textes scientifiques comme Charles Cros, un astronome comme Camille Flammarion, un ethnologue comme Michel Leiris sont des exemples de polymathes qui attestent, à l’aube de l’hyperspécialisation et de la ségrégation des disciplines, de la persistance de cette figure intellectuelle à part.

Depuis quelques décennies, les chercheurs sont de plus en plus nombreux à pratiquer en parallèle le discours positif et l’écriture littéraire. Franchissant le seuil de leur discipline, des experts en sciences humaines, sociales, naturelles ou formelles frappent aux portes de la cité des Lettres en tant qu’écrivains à leurs heures ou bien s’y installent durablement lorsqu’ils choisissent de mener de front les deux carrières. L’élargissement de cette catégorie d’écrivants-écrivains (pour associer les deux termes de la dichotomie proposée par Barthes) constitue un phénomène dont la recherche littéraire doit se saisir si elle veut comprendre de quoi il est le signe. Et que traduit-il ? Une affection de notre époque pour le poeta doctus tenant l’art d’écrire pour un objet de savoir et s’opposant en cela au prodigieux poeta vates ? Un relâchement des mentalités précautionneuses que l’on a coutume d’associer à la communauté des chercheurs ? Une vague de non-conformisme dans un contexte culturel où la vérité apparaît comme une valeur que la métaphore et la fiction peuvent revendiquer au même titre que le logos scientifique ?

Quoi que cette affluence d’écrits littéraires émanant de chercheurs de tous domaines traduise, une chose est sûre : elle ne saurait passer inaperçue. Certes, les noms que l’on citerait spontanément sont essentiellement ceux des auteurs dont les travaux ont eu un impact considérable dans leurs disciplines respectives, voire au-delà de ces frontières, ou ayant acquis une notoriété en tant que figures publiques et/ou comme écrivains. Cette catégorie, qui ne représente en réalité que la partie la plus visible d’un tout bien plus ample, regroupe anthropologues et ethnologues (Marc Augé), sociologues et historiens (Philippe Artières, Azouz Begag, Robert Escarpit, Max Gallo, Ivan Jablonka, Jean-Noël Jeanneney, Régine Robin, Michel Zéraffa), psychanalystes, psychologues et sémiologues (Julia Kristeva, Tobie Nathan, Jean-Jacques Nattiez, Jean-Bertrand Pontalis), linguistes, philologues et historiens de la littérature (Serge Doubrovsky, Michel Collot, Henri Meschonnic, Michel Zink, Paul Zumthor, Michael Edwards), théoriciens de la littérature (Antoine Compagnon, Thomas Pavel), historiens de la philosophie (Roger-Pol Droit), géographes (Michel Bussi), physiciens et astrophysiciens (Aurélien Barrau, Jean-Pierre Luminet), médecins-chercheurs (Jean Hamburger)…

La liste exhaustive des écrivains-chercheurs contemporains de langue française atteindrait des dimensions considérables. Dans un texte récent – pour n’évoquer que cet échantillon –, l’historien Dominique Le Page, qui s’astreint à ne citer que « quelques noms » de confrères romanciers, mentionne une vingtaine d’auteurs appartenant à cette catégorie (« Historiens et romanciers », introduction au dossier spécial « Historiens et romanciers », Territoires contemporains, no 12, 2020). Ce chiffre laisse deviner toute l’étendue du continent littéraire auquel le colloque entend être consacré, mais dont on ne saurait pourtant dire qu’il est inexploré. Des titres comme Les Écrivains‑critiques : des agents doubles ? (L. Gauvin, dir., Études françaises, vol. 33, no 1, 1997), Le Savant dans les Lettres (V. Cangemi, A. Corbellari et U. Bähler, dir., Presses universitaires de Rennes, 2014), Historiens et romanciers (mentionné plus haut), Les Vérités du roman (F. Dosse, Paris, Cerf, 2023) désignent des initiatives qui l’ont déjà partiellement cartographié. Mais il reste encore des territoires insuffisamment connus…

Quel regard porteraient sur les écrivains-chercheurs la sociologie de la littérature et la sociologie des sciences ? Comment interagissent, si tant est que cela se produise, les mondes si dissemblables où évoluent ces esprits protéiformes ? Les champs de savoir dont ils sont spécialistes ont-ils une incidence sur les genres littéraires qu’ils pratiquent ? Peut-on à cet égard observer des tendances ? Ces érudits mettent-ils la science au service de l’art ou plutôt l’art au service de la science ? Autant de questions, et bien d’autres encore, non formulées, auxquelles sont invités à répondre les participants au colloque. 

Les propositions de communication (titre, résumé, notice bio-bibliographique), rédigées en français, sont à envoyer avant le 04 févier 2024 à Iulian Toma (itoma001@ucy.ac.cy). 

 

Comité scientifique :

May Chehab (Université de Chypre)

Panagiotis Christias (Université de Chypre)

Serge Martin (Université Sorbonne Nouvelle)

Patrick Moran (Université de la Colombie-Britannique)

Iulian Toma (Université de Chypre)