Écrire à la croisée des savoirs : l’interdisciplinarité dans les lettres françaises (Ottawa, Canada)
Écrire à la croisée des savoirs : l’interdisciplinarité dans les lettres françaises
Université d’Ottawa, le vendredi 1er mars 2024
Ce colloque propose d’étudier la manière dont la littérature de langue française s’articule et interagit avec diverses autres disciplines.
Au sens large, l’interdisciplinarité est définie comme une approche qui « relève les relations entre plusieurs disciplines et plusieurs sciences » (Larousse, 2023). Pour sa part, Denys de Béchillon (1997) décrit l’interdisciplinarité dans un contexte académique comme « une réarticulation des savoirs, qui entraîne, par approches successives, comme dans un dialogue, des réorganisations partielles des champs théoriques en présence » (p. 186). L’intérêt pour l’interdisciplinarité dans les lettres françaises repose sur le fait que la littérature nous rappelle continuellement les croisements de savoirs qu’elle constitue. Elle est en ce sens une source inépuisable de partage entre les diverses connaissances sur lesquelles elle s’appuie.
Trois axes principaux sous-tendront notre exploration de l’interdisciplinarité : la littérature, la création littéraire/recherche-création et la linguistique/l’étude de la langue.
Axe 1 — Littérature
Dans ce premier axe, on invite les participant.e.s à explorer les liens entre la littérature et divers autres domaines. Que ce soit à travers le partage des savoirs à même le texte ou par l’intégration d’autres médiums artistiques, la littérature sait brouiller les frontières disciplinaires.
Une association entre la littérature et la philosophie peut mener à un questionnement sur la manière dont « les discours philosophiques se laissent […] interroger à partir de la littérature » (Sabot, 2015, prg. 2). Dans cette optique, on peut penser entre autres aux philosophes des Lumières, qui se servaient de la littérature pour véhiculer leurs idées. Ou encore, l’association littérature-philosophie évoque le genre de l’utopie, à travers lequel un mariage de ces deux domaines permet d’assigner à la fiction « une fonction proprement réflective qui met au jour l’impensé de notre rapport à la technique, au temps ou même à l’humain » (Sabot, 2015, prg. 3).
De manière semblable à l’utopie, un rapprochement entre la littérature et les sciences peut mener à un questionnement sur notre société et ses avenirs possibles. On retrouve ce questionnement dans la littérature de science-fiction de Jules Verne, qui explore les quatre coins du monde grâce à de nouvelles technologies. Ou encore, l’intégration de la science dans la littérature peut prendre une tout autre allure, tel que dans les romans du XIXe siècle « où le genre romanesque se fait souvent le porte-parole de l’écrivain dans le domaine des idées médicales » (Minguet-Ollagnier, 2000, prg. 9). Dans la littérature contemporaine, l’intégration du savoir médical dans la littérature peut aussi servir à mettre en lumière des épisodes moins connus de l’histoire, tel que dans Le bal des folles de Victoria Mas (2019), où l’auteure explore la thématique de l’hystérie féminine au XIXe siècle.
Par ailleurs, Philippe Ségur souligne l’apparente contradiction entre les domaines de la littérature et du droit : « si la fiction fabrique de l’illusion, le droit semble plutôt fabriquer du réel » (Ségur, 2017, prg. 4). Or, le droit a souvent été une thématique exploitée en littérature. On peut penser entre autres aux Misérables d’Hugo (1862), à L’Étranger de Camus (1942), ou encore au Procès de Kafka (1925).
Axe 2 — Création littéraire et recherche-création
Dans cet axe, on invite les participant·e·s à s’intéresser à la façon dont l’interdisciplinarité s’inscrit dans le processus de création littéraire ainsi que dans le processus de recherche-création.
Par exemple, on peut penser à la pratique essayistique qui propose de mêler à l'écriture des opinions ou des savoirs qui relèvent de tous domaines. En ce sens, l’intégration de connaissances ou d’enseignements dans la littérature pour la jeunesse ainsi que l’inclusion du savoir historique dans le roman peuvent servir de modèle aux communications proposées.
Plus encore, la création hybride et la transmédialité sont des incontournables de la littérature contemporaine. En effet, Claire Cornillon (2018) affirme que la transmédialité est l’une des facettes « fondamentales des fictions contemporaines qui tendent à dépasser les frontières des formes, des genres et des supports » (s.p.). Nous pouvons penser au processus créatif et aux œuvres comme celles de Chloé Delaume qui incluent des disciplines comme la musique, l’informatique, ou encore des formes d’arts comme la mode pour saisir les possibilités infinies de la création littéraire. De même, le théâtre documentaire, en vogue au Canada comme en France et en Belgique, se mêle à l’entreprise interdisciplinaire. Enfin, l’écriture de Marie-Pier Lafontaine dans Chienne (2019) et Armée la rage : Pour une littérature du combat (2023) constitue un exemple intéressant d’interdisciplinarité qui évoque le sujet de la violence physique et sexuelle par l’entremise d’une écriture sensible à la pratique de la boxe.
Axe 3 — Linguistique et étude de la langue
Ce troisième axe invite les participant·e·s à interroger les liens entre la linguistique et les autres disciplines. L’interdisciplinarité est au cœur même de l’étude de la langue, dans la mesure où celle-ci se nourrit « constamment des apports des autres domaines pour alimenter [ses] problématiques et affiner [ses] analyses » (Dervin et Clark, 2023, p. 37).
De nos jours, les études interdisciplinaires liant les sciences sociales et la linguistique, telles que la sociolinguistique et la psycholinguistique, gagnent en popularité. D’une part, la sociolinguistique perçoit « le langage comme une porte d’entrée pour l’étude des phénomènes sociaux » (Boutet et Costa, 2021, p. 12) et s’intéresse à des questions telles que l’influence du statut socio-économique sur l’usage de la langue. D’autre part, la psycholinguistique est « à la croisée de la linguistique (l’étude du langage) et de la psychologie expérimentale (l’étude des comportements et processus mentaux observables) » (Gygax, Zufferey et Gabriel, 2021, p. 10) et souligne par exemple l’importance d’une langue plus inclusive pour promouvoir une vision égalitaire de notre société.
Les communications peuvent aussi explorer le lien entre la linguistique et ses disciplines connexes dans les arts et les humanités. La langue est intrinsèquement liée à l’histoire, comme le montre bien le mouvement de standardisation de la langue française depuis la création de l’Académie française en 1635, de même qu’à la géographie, si on regarde les spécificités linguistiques régionales (ex : l’utilisation localisée du nous/vous autres au Québec).
Modalités de soumission
Les propositions de communication seront rédigées en français et comprendront un maximum de 250 mots. Celles-ci devront inclure le titre de la communication, un résumé du projet et une brève notice bio-bibliographique précisant l’institution d’attache.
Les propositions devront être envoyées avant le 22 décembre 2023 à l’adresse suivante : aecs@uottawa.ca
Une réponse sera donnée aux participant·e·s sélectionné·e·s le 8 janvier 2024.
Nous acceptons les propositions d’étudiant·e·s de tous les cycles (baccalauréat, maîtrise, doctorat).
Les communications inédites et en français ne devront pas dépasser les vingt minutes allouées à chaque participant·e.
Ce colloque sera uniquement offert en mode présentiel.
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Comité d’organisation :
Eve Bilodeau (Université d’Ottawa), Pascale Couturier-Rose (Université d’Ottawa), Alyssia De Pauw (Université d’Ottawa), Nikita Kamblé-Bagal (Université d’Ottawa), Noël Kavaka (Université d’Ottawa)
Ce colloque est subventionné par le Fond de l'expérience étudiante de la Faculté des arts de l'Université d'Ottawa, le Département de français de l'Université d'Ottawa et l'Association étudiante du Département de français de l'Université d'Ottawa (AÉDF).