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Le mal en littérature, aux cinéma et théâtre d’expression française (volume collectif rédigé par Katarzyna Gadomska et Tomasz Kaczmarek)

Le mal en littérature, aux cinéma et théâtre d’expression française (volume collectif rédigé par Katarzyna Gadomska et Tomasz Kaczmarek)

Publié le par Marc Escola (Source : Katarzyna Gadomska)

Volume collectif rédigé par Katarzyna Gadomska et Tomasz Kaczmarek

Bien que certaines époques et des esthétiques renommées qui leur soient associées (par exemple le classicisme français) aient perçu la littérature comme l'expression du bien, de la beauté et de la vérité, de nombreux écrivains et penseurs étaient et sont toujours fascinés par le mal. Les apologistes du mal les mieux connus sont par exemple de Sade, Baudelaire et Bataille. Le mal, sous toutes ses formes, semble avoir progressivement infecté la littérature, le théâtre et le cinéma.

Il existe des genres de littérature populaire inextricablement liés au mal. Ainsi, le fantastique d'horreur est dominé par de diverses formes de mal : commençant par un espace rempli d'horreur (motif du mauvais endroit, de la maison hantée), à travers des personnages maléfiques (vampires, démons), jusqu’à des motifs attachés au mal (malédiction, cultes païens, satanisme, cannibalisme). Dans les textes classiques (Mérimée, Maupassant) et contemporains (Brussolo, Pelot, Malosse), le mal triomphe toujours à la fin. Le néofantastique (Andrevon), quant à lui, inverse ces codes connus et présente l’homme comme l’incarnation du mal, néfaste pour la planète, tandis que la nature se venge de tout préjudice subi (fin de l’Anthropocène). 

Le cinéma gore est également une apothéose du mal : ce dernier se manifeste dans les variétés du gore, telles que « torture gore porn » ou « splat-pack ».

Le mal constitue un élément inséparable de l’opposition avec le bien, et c'est la lutte entre ces deux forces qui détermine de nombreuses histoires de fantasy, principalement épiques ou héroïques, ainsi que des textes antérieurs canoniques.  Le conflit entre le bien et le mal est de plus en plus souvent représenté sans frontières bien limitées ; de même, les intentions des côtés opposées ne semblent plus claires et nettes. Par conséquent, ce ne sont pas seulement les représentations de l’opposition entre le bien et le mal qui ont besoin d'être analysées dans la fantasy : il faudrait également se pencher sur des zones grises, des anti-héros et les forces qui déterminent les causes des actes répréhensibles (par exemple la fantasy de Mathieu Gaborit, Pierre Grimbert, Laurent Kloetzer). 

   La littérature mainstream n’est pas inférieure aux genres populaires dans l’exploration du mal. Comme le disait Georges Bataille, « si la littérature s'éloigne du mal, elle devient vite ennuyeuse ». Transcendant les frontières et angoissant le lecteur, la littérature ne nous laisse pas vivre dans l’ignorance des aspects les plus cruels de la nature humaine et de même nous permet de faire face au mal et au danger. Le mal exprime toujours une transgression, tandis que la construction de l'anti-héros souvent fascine et effraie simultanément le lecteur. Dans cette optique, les sujets de réflexion peuvent inclure : la relation entre le bourreau et la victime, comme dans Le sari vert d'Ananda Devi, la violence physique, mais aussi les violences plus « subtiles » : économique, sexuelle ou psychologique. Le mal est également associé à une discrimination fondée sur le sexe et la race, qui implique la déshumanisation et le discours de haine – ce type de mal et ses déterminants culturels sont visibles dans la littérature africaine francophone, par exemple chez Fatou Diome ou Ken Bugul. L'interprétation de ce type de littérature entraîne également-t la question de l’influence du mal sur la vie de personnages (traumatismes individuels et collectifs), ainsi que des rôles thérapeutique et cathartique de l'écriture dans le processus de guérison.

Le mal se manifeste souvent par la violence, qui peut prendre de diverses formes, parfois moins évidentes, telles que: l’autodestruction – lorsque le sujet, en raison de ses blessures passées, mutile son propre corps ou se détruit mentalement ; l'agression contre une autre personne, le plus souvent une personne plus faible : violence contre les femmes, les enfants, les animaux, violence d’un groupe contre d'autres groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux – manifestée sous forme de guerre, de génocide, d'attaques terroristes (le courant algérien de l’écriture de l'urgence des années 1990, La Femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga). 

Dans le même sillage se situe le texte de théâtre. Le drame, qui selon ses prescriptions canoniques, n’existe pas sans conflit, illustre bien une confrontation et une opposition d’ordre intellectuel ou passionnel entre deux ou plusieurs forces morales, tout en symbolisant un antagonisme patent entre le bien et le mal. Dans ce contexte de l’affrontement qui est à l’origine même de toute action dramatique, peu nombreuses sont les pièces de théâtre qui évite un motif cruel. Que l’on pense au Théâtre des cruautés de Richard Verstégan (1588), où l’auteur exhibe sans ambages des persécutions à l’époque des guerres de religions, ou, au « théâtre de la catastrophe » de Howard Barker, on assiste à l’expression de la violence souvent physique que le bourreau inflige à ses victimes. Les scènes sanguinaires du théâtre du Grand-Guignol sont à ce sujet exemplaires. Ce théâtre se caractérise par la critique virulente de la société et de la nature humaine, et surtout, par la représentation graphique de la violence, de l’horreur et de l’érotisme ainsi que par la création d’une tension dramatique reposant en grande partie sur l’implication émotionnelle des spectateurs. De ce point de vue, le théâtre est véhiculaire du mal que l’on peut considérer comme un principe par excellence esthétique sans que l’aspect philosophique ou l’ancrage psychologique en soient complètement dépourvu. Ainsi, André de Lorde, qui écrivait pour le théâtre parisien d’épouvante, semble tourner le dos aux images effrayantes de tortures et de toutes autres sortes d’exactions physiques pour privilégier les scènes au cours desquelles le mal se déploie à un niveau moral et psychologique. C’est dire que, loin de mettre en avant une dimension spectaculaire de la cruauté qui se manifeste à travers l’affrontement corporel, le dramaturge français tente de bouleverser les nerfs du public par la volonté d’instaurer sur scène une atmosphère de plus en plus mystérieuse autant que sinistre, tout en provoquant des réactions de panique. Qui plus est, au tournant du XXe siècle, on est témoin des textes de théâtre qui se concentrent sur le mal se traduisant par le conflit intersubjectif censé démontrer la violence physique. Dès lors, on a affaire à une cruauté psychique qui est peut-être moins visible, mais qui est en réalité beaucoup plus sournoise et perverse. En lisant, à ce propos, les drames de Strindberg, force nous est de constater à quel point la parole devient l’instrument du viol et du « meurtre psychique » de l’autre dans son intimité. À part le conflit intersubjectif, il est aussi intéressant d’évoquer l’expression de la cruauté métaphasique (la cruelle fatalité de l’existence humaine) qui conduit inévitablement au conflit intrapsychique se déroulant, comme dans les œuvres de l’écrivain suédois ou les activités théâtrales d’Antonin Artaud, idéateur du « théâtre de la cruauté », sur le plan de l’âme détraquée et désarmée face à un monde aussi terrifiant qu’indifférent.  

Nous vous encourageons à réfléchir à ces sujets-là, ainsi qu’à explorer des questions non mentionnées ci-dessus, mais liées à la thématique mentionnée supra. Les propositions doivent concerner exclusivement le domaine francophone. 

Merci d’envoyer les propositions (250 mots au maximum) accompagnées de notes bio-bibliographiques (100 mots au maximum) sur les deux courriels : kagadomska@gmail.com et tomasz.kaczmarek@uni.lodz.pl 

Le calendrier de la publication : 

-        l’envoi des propositions – le 18 novembre 2023 au plus tard

-        l’acceptation des propositions – le 30 novembre 2023 au plus tard

-        l’envoi des articles – le 18 février 2024 au plus tard

-        la publication du volume – avant la fin de 2024. 

Les responsables du volume :

 Katarzyna Gadomska (professeure à l’Université de Silésie) et Tomasz Kaczmarek (professeur à l’Université de Lodz)