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Appels à contributions
L'engagement à Coppet (Cahier staëlien, n °74)

L'engagement à Coppet (Cahier staëlien, n °74)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Stéphanie Genand)

"L'engagement à Coppet"

Appel à contributions pour le Cahier staëlien n° 74,

sous la direction de John Clairborne Isbell.

(in English below)

Le terme d’engagement désigne, au XVIIIe siècle, l’ « introduction d’une unité dans la bataille ». Il faut attendre 1945 pour qu’il prenne son sens moderne d’ « acte ou attitude de l’intellectuel, de l’artiste qui […] met sa pensée ou son art au service d’une cause » (Le Grand Robert de la langue française), sens rendu célèbre par Sartre. La notion a récemment fait l’objet de plusieurs études : sous la plume d’Emmanuel Bouju (L’Engagement littéraire, PUR, 2005), qui analyse l’engagement au sens sartrien sur le plan théorique et textuel, ainsi qu’à une échelle européenne – chez Voltaire, Zola, Celan. Alexandre Gefen quant à lui (L’Idée de littérature, de l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Corti,2021) situe la notion sartrienne d’engagement littéraire ou de « littérature d’intervention » dans un panorama plus large, allant de l’affaire Bob Dylan à la World Literature et passant par le comparatisme et le roman réaliste. Pour tous, l’engagement définit aujourd’hui une position politique.

Le Groupe de Coppet, qui prend naissance autour de Staël en exil et qui compte, parmi ses figures marquantes, Constant, A.W. Schlegel ou Sismondi, nourrit lui aussi un programme d’action qui commence avant la Révolution française et dont les échos se prolongent, deux générations plus tard, jusque sous la Monarchie de Juillet. C’est vrai de la famille immédiate de Staël, depuis ses parents Jacques et Suzanne Necker jusqu’à son beau-fils Victor de Broglie, comme de ceux qui partagent ses idéaux, de Prosper de Barante à Lamartine en passant par Ludovico di Breme et Lord Byron. L’engagement, au sein du Groupe de Coppet, passe d’abord par une longue liste de publications, du Compte rendu au roide Necker en 1781 aux Souvenirs de Broglie en 1886 ; il se traduit aussi par plusieurs ministères, de Necker à Narbonne, Broglie ou même Guizot qui visite Coppet en 1807. Depuis son apparition au tournant des Lumières, le Groupe de Coppet n’a jamais été étranger ni à l’exercice du pouvoir, ni à la résistance silencieuse des articles et des livres. Le Cahier staëlien n°74 se propose d’analyser l’engagement politique du Groupe de Coppet : celui de ses textes et celui de ses membres. Une bibliographie conséquente existe déjà sur le sujet[1]. Mais les approches récentes et les outils actuels de la recherche en sciences humaines et sociales invitent à reprendre la question pour l’examiner à nouveaux frais.

Plusieurs pistes pourraient être envisagées avec profit : 

-  Le genre : le Groupe de Coppet est essentiellement masculin et pour plusieurs raisons, l’engagement politique entre 1780 et 1830 est beaucoup plus facile pour les hommes que pour les femmes. Que dire pourtant de l’engagement de Suzanne Necker, de Germaine de Staël ou d’Albertine de Broglie ? Y a-t-il d’autres femmes du Groupe qui méritent une attention nouvelle, comme Friederike Brun, ou à ses marges si l’on songe à Julie de Krüdener ou Isabelle de Charrière ? Comment analyser l’héritage européen de Staël dans la lutte féministe, de George Sand à George Eliot et Margaret Fuller ?

-  La politique : elle constitue, comme Staël et Constant en font l’expérience dès les années 1790, un territoire où les principes se heurtent parfois aux circonstances et les alliances aux inimitiés. Il peut donc être intéressant de comparer les principes du Groupe de Coppet, tels qu’ils figurent dans leurs écrits, avec leur action politique directe ou indirecte durant ces décennies. Staël par exemple fait de la politique à travers les hommes qui l’entourent, Narbonne ou Bernadotte ; Constant, Sismondi ou Schlegel prennent quant à eux position dans les eaux troubles des années 1813-1815 ; enfin la frontière qui sépare l’opposition et l’exercice du pouvoir mérite d’être explorée plus avant dans la vie du Groupe.

-  La postérité et l’histoire littéraire : le Groupe de Coppet est une sorte de think tank avant la lettre, promulguant des idées au service des autres. Sismondi, par exemple, reste le seul économiste cité dans le Manifeste communiste de Marx en 1848. À quel degré la pensée de Coppet nourrit-elle l’œuvre de La Fayette, de Talleyrand, de Mackintosh, de Jefferson ou du tsar Alexandre ? Le groupe a-t-il fait école ? Quelle est sa place dans la tradition libérale occidentale et dans le paysage politique aujourd’hui ?

-  L’unité et la notion de « Groupe » : N’existe-t-il aucune faille au sein du Groupe de Coppet ? Les valeurs de Necker ou de Staël diffèrent-elles de celles d’Auguste de Staël, qui édite leurs œuvres complètes ? Pourquoi Barante et Constant cessent-ils de se parler sous la Restauration, tandis que Sismondi et A.W. Schlegel s’opposent si souvent ? Envisager le Groupe comme totalité peut se révéler un défi.

- L’actualité : si le Groupe de Coppet a été politiquement engagé, où ses membres se situent-ils sur l’échiquier politique ? Où leurs idéaux les ont-ils menés dans les circonstances complexes de l’Empire et de la Restauration ? Pour reprendre enfin les notions devenues célèbres en Grande Bretagne depuis la parution de The Romantic Ideology de Jerome McGann (1983), à quel point cette autre histoire de Coppet contrebalance-t-elle le mythe nervalien de la « tour d’ivoire des poètes » et promeut-elle une nouvelle vision de l’art romantique en Occident ?

Les propositions – un titre provisoire, un résumé de l’article (300 mots max.), ainsi qu’une courte notice bio-bibliographique (150 mots max.) en anglais ou en français – sont à adresser avant le 10 décembre 2023 à John Claiborne Isbell à l’adresse suivante : jisbell00@gmail.com sous la forme d’un document unique intitulé : « nom_prénom_CS74_proposal.pdf »

Les articles retenus, d’une longueur de 50.000 signes maximum, devront être envoyés à la même adresse avant le 15 avril 2024. Ils feront l’objet d’une double expertise à l’aveugle par le comité scientifique de la revue. 

Le Cahier staëlien n° 74 paraîtra à l’automne 2024 aux éditions Garnier et sera disponible en ligne un an après. _______________________________________________________________________ 

 Call for Submissions

Cahier staëlien #74

Special Issue: “Engagement in Coppet”

Guest Editor: John Claiborne Isbell

Meaning in the 18th century “entry of a unit into battle,” the word engagement in French came in 1945 to signify “the act or attitude of the intellectual, the artist who puts their thought or art at the service of a cause" (Le Grand Robert de la langue française), a meaning made famous by Sartre. One finds it for instance in Emmanuel Bouju, ed., L’Engagement littéraire (2005), which reviews ‘engagement’ in the Sartrean sense both on a theoretical and on a textual level, and across Europe – in Voltaire, Zola, Celan – as in Alexandre Gefen, L’Idée de littérature de l’art pour l’art aux écritures d’intervention (2021), which situates the notion of engagement or “literature of intervention” within a panorama reaching from the Bob Dylan affair to World Literature and touching on comparative literature and the realist novel. Engagement is today a political stance.

In brief, the Groupe de Coppet that crystallized around Staël in exile and whose leading figures include Constant, A.W. Schlegel, and Sismondi reflects a dialogue and a program of action that began before the French Revolution and echoed on two generations later, under the July Monarchy. This is true of Staël’s immediate family, from her parents Jacques and Suzanne Necker to her son-in-law Victor de Broglie, as it is of those who came into contact with its ideals, from Prosper de Barante to Lamartine, from Ludovico di Breme to Lord Byron. Retracing the engagement of the Groupe de Coppet evokes a long list of publications, from Necker’s Compte rendu au roi in 1781 to Broglie’s Souvenirs, in 1886; it also evokes a series of ministerial appointments, from Necker through Narbonne to Broglie or indeed to Guizot who visited Coppet in 1807. The group was, from its inception in the 1780s, a stranger neither to political power, nor to the silent study that produces articles and books. Cahier staëlien 74 proposes to investigate to what extent the Groupe de Coppet, in which the term “l’art pour l’art” first entered French (in Constant’s journals, in 1804), is characterized by political engagement, in its texts as in its members. There exists a significant bibliography on the subject.[2]  But time has deepened our understanding of the group and the period, suggesting that a fruitful dialogue with those studies is possible.

Various approaches might profitably be investigated here:

Gender. The Groupe de Coppet is largely male, and for a variety of reasons, political engagement in the period 1780-1830 was easier and less risky for men than for women. What then is the case of Suzanne Necker, Germaine de Staël, or Albertine de Broglie? Are there other female members of the group deserving of new attention, such as Friederike Brun; or on its edges, such as Julie de Krüdener or Isabelle de Charrière? And what of Staël’s legacy to the women’s struggle that follows her, from George Eliot to Margaret Fuller?

Politics. As Staël and Constant both knew by the 1790s, politics is a territory where principle and vision meet circumstance and the luck of alliances and enmities. It is perhaps interesting to compare the group’s principles, as enunciated in their writings, with their direct or indirect political action over these decades. Staël for instance effected policy through the men around her, from Narbonne to Bernadotte; Constant, Sismondi, and A.W. Schlegel took a stand in the troubled period 1813-1815; and there is a gap between being in opposition and being in power which bears exploring throughout the lifetime of the group.

Echoes. If the Groupe de Coppet represents a portfolio of ideas, principles, and direct actions, it also seems worthwhile to consider the extent to which that portfolio is reflected in the work of, say, La Fayette or Talleyrand, Mackintosh, Jefferson, or Tsar Alexander. The group was after all a sort of early think tank, promulgating ideas for others to make use of. Sismondi for instance remains the only economist cited in Marx’s 1848 Communist Manifesto. And furthermore, if the group has a portfolio, did it generate a lineage beyond its immediate members? Is it reflected, for example, in the conflicted Western liberal tradition? Does its legacy remain relevant in today’s political landscape?

Fault Lines. Where also do the Groupe de Coppet ’s fault lines lie? Are the values of a Necker or a Staël radically different from those of Auguste de Staël, who edited their complete works? Does it matter that Barante and Constant stopped speaking under the Restoration, or that Sismondi and A.W. Schlegel were often vehemently opposed? Seeing the group’s totality is a worthwhile challenge.

Activism. Finally, if the Groupe de Coppet is indeed politically engaged, one may ask where the group’s members and agenda stand on the political spectrum. The terms right and left in politics date from the French Revolution: where might the group’s members have sat, where did they sit, in France’s revolutionary assemblies? Where did their leanings take its members under the changed circumstances of Empire or Restoration? Did they stand, in short, with the people or against them? Then in more global terms, made famous for Britain with McGann’s The Romantic Ideology in 1983, to what extent does this question allow us an activist counterweight to Nerval’s “ivory tower” story, a new and more universal vision of Romantic art in the West?

Proposals – a tentative title, an abstract (max. 300 words) as well as a mini-bio (max. 150 words) in English or in French – should be sent by December 10th, 2023, to John Claiborne Isbell at the following address: jisbell00@gmail.com in a single document titled 

name_firstname_CS74_proposal.pdf

Articles selected (max. 50,000 characters) should be sent to the same address by April 15th, 2024. They will be submitted to a double-blind review process by the journal’s editorial board. 

The special issue will be published by Éditions Garnier in Fall 2024 and available online the following year.

 

 


 
[1] Voir les « lectures politiques » de l’œuvre staëlienne proposées par Simone Balayé, les articles d’Axel Blaeschkhe (« Littérature et liberté : l’engagement selon Madame de Staël et Benjamin Constant », 1977), de François Rosset (« Le Groupe de Coppet : pratique et critique de l’engagement », 2006), les Cahier staëliens n°64 (« Le Groupe de Coppet face à l’esclavage ») et 65 (« Despotes et despotismes dans les œuvres du Groupe de Coppet ») ainsi que les actes du 10e colloque international de Coppet, Comment sortir de l’Empire ? Le Groupe de Coppet face à la chute de Napoléon (2016).

 
[2] See Simone Balayé’s series of lectures politiques of Staël’s works, the articles of Axel Blaeschke, “Littérature et liberté: l’engagement selon Madame de Staël et Benjamin Constant” (1977), and François Rosset, “Le Groupe de Coppet: pratique et critique de l’engagement” (2006), Cahiers staëliens 64 and 65, Le Groupe de Coppet face à l’esclavage (2014) and Despotes et despotismes dans les œuvres du Groupe de Coppet (2015), and the conference proceedings Comment sortir de l’Empire ? Le Groupe de Coppet face à la chute de Napoléon (2016).