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Images, mots et signes : distinguer le vrai du faux (Cergy)

Images, mots et signes : distinguer le vrai du faux (Cergy)

Publié le par Marc Escola (Source : Solène Hazouard)

 Journée d'étude des doctorants

CY Cergy Paris Université – UMR 9022 Héritages

5 février 2024

APPEL À COMMUNICATIONS

« Images, mots et signes : distinguer le vrai du faux »

Copies, reproductions, appropriations, pastiches, répliques, réinterprétations, imitations, contrefaçons… L’étendue du champ lexical associé au faux témoigne de la complexité que revêt, aujourd’hui plus que jamais, ce thème de recherche.

Rien de ce que l’on dit n’est véritablement inédit. Parler, c’est « se débrouiller dans les broussailles du déjà-dit[1] ». Un auteur ou un artiste s’inspire, imite ou transforme les œuvres de ses prédécesseurs. Parallèlement, il puise dans son patrimoine culturel et son univers quotidien la matière de sa création. Selon Roland Barthes, « la pratique littéraire n’est pas une pratique d’expression, d’expressivité, de reflet, mais une pratique d’imitation, de copie infinie[2] ». Le texte littéraire s’insère dans l’ensemble des textes. Cette écriture constitue la réplique d’un autre texte par son style, à partir d’un corpus littéraire antérieur ou synchronique. L’utilisation et le renouvellement heureux des œuvres premières « témoignent de leur survivance dans le temps, leur grand intérêt et leur richesse inépuisable[3] ».

D’un point de vue juridique, une œuvre d’art est par exemple aujourd’hui définie – entre autres critères – comme « une réalisation entièrement exécutée par la main de l’artiste[4] », tandis que la fraude constitue un « acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés […] à échapper à l'exécution des Lois[5]. 

Jusqu’au XIXe siècle, la qualité d’une œuvre artistique dans le monde occidental ne se mesure pas à la lumière de son authenticité, mais de ses qualités d’exécution, et les copies, réalisées avec une grande maestria, sont considérées au même titre que les œuvres originales. Puis, l’apparition de la photographie et, quelques décennies plus tard, celle du cinéma offrent aux artistes un terrain de jeu inattendu et une liberté de créativité qui vont redéfinir les frontières de la création artistique et s’incarner pleinement au siècle suivant. Aujourd’hui, les intelligences artificielles connaissent un développement exponentiel qui les rend désormais capables de réunir les Beatles sur un album posthume, de créer des peintures imitant le style de Velázquez, ou encore de donner naissance à des poèmes d’inspiration baudelairienne. Fruits d’algorithmes chaque jour plus performants, ces IA donnent lieu à une profonde remise en question de la notion d’authenticité d’une œuvre qui, comme nous l’avons vu, n’a eu de cesse d’évoluer. Revêtant une forme mouvante, elle constitue le reflet de l’histoire politique, religieuse, économique, culturelle et, désormais technologique, de l’époque dans laquelle elle s’inscrit.

Même si la valeur marchande d’une œuvre continue de se mesurer avant tout à l’aune de son authenticité, la question de la copie reste au centre des préoccupations des acteurs de la vie muséale et patrimoniale. Nombreuses sont les expositions organisées à travers le monde ayant trait à cette problématique, à l’image de celle qui se tient actuellement à la Gallery Courtlaud de Londres[6], dont l’objectif est de donner à voir au public des œuvres appartenant à sa collection dont l’authenticité est aujourd’hui remise en question. Dans une démarche similaire, le musée national du Prado de Madrid a ouvert, depuis le mois de juillet dernier, une salle au sein de laquelle sont exposées des copies de peintures de grands maîtres, abordant ainsi la question de l’authenticité d’une œuvre à travers les âges. Simulacre ou création artistique à part entière, la reproduction constitue-t-elle un crime esthétique ou relève-t-elle d’une véritable démarche artistique qui outrepasse le savoir de l’Homme ? Est-ce que, comme l’affirmait Debussy, l'art ne serait finalement voué qu’à être « le plus beau des mensonges[7] » ?

Sur le plan de l’archivistique, l’historien est globalement confronté à deux types de documents : les originaux et les copies, les faux existant dans ces deux catégories. S’il arrive que le contenu et le document en tant qu’objet puissent être de pair reconnus comme faux, ce n’est pas toujours le cas. Les reconstitutions d’originaux perdus peuvent, par exemple, présenter un contenu authentique, bien que le document constitue techniquement un faux. A contrario, l’archive en tant qu’objet peut se révéler authentique, la falsification résidant dans le texte[8].

Qu’il s’agisse d’écrivains, d’historiens de l’art, d’artistes, de conservateurs de musées, d’historiens, de juristes ou d’ingénieurs, chacun aborde la notion de faux à travers un prisme qui lui est propre. Force est de constater qu’un comportement ambivalent, mêlant fascination et répulsion, persiste à l’égard de la question du faux.

À travers cette journée d’étude, il s’agira d’offrir un espace d’échange au sein duquel les participants – doctorants, chercheurs et professionnels – pourront débattre afin d’apporter leur expertise et confronter leur point de vue face aux nombreuses facettes que revêt la notion de faux.

Bibliographie indicative

·       Expositions 

« Fakes and Forgeries » (11 juil. – 29 sept. 1973), The Minneapolis Institute of Art, Minneapolis, États-Unis.

« Vrai ou faux ? Copier, imiter, falsifier » (6 mai – 29 oct. 1988), sous le commissariat d’Irène Aghion. Bibliothèque Nationale de France, Paris, France.

« Fake? The Art of Deception », 1990, The British Museum, Londres, Royaume-Uni.

« Art and Artifice: Fakes from the Collection » (17 juin – 8 sept. 2023), Galerie Courtlaud, Londres, Royaume-Uni.

« Close Examination, Fakes, Mistakes and Discoveries » (30 juin – 12 sept 2010), National Gallery, Londres, Royaume-Uni.

·       Ouvrages

ARON, Paul. (2008). Histoire du pastiche : le pastiche littéraire français de la Renaissance à nos jours. Presses universitaires de France, Paris. 

BAUDRILLARD, Jean. (1981). Simulacres et Simulation. Galilée. Paris.

BOULOUMIÉ, Arlette (dir.). (2009). L’Imposture dans la littérature. Presses universitaires d’Angers, cahier 34.

DECOUT, Maxime. (2017). Qui a peur de l’imitation ? Les Éditions de Minuit. Paris.

- (2018). Pouvoirs de l’imposture. Les Éditions de Minuit. Paris.

DELEUZE, Gilles. (1968). Différence et répétition. Presses universitaires de France. Paris.

DERRIDA, Jacques. (1978). La Vérité en peinture. Éditions Flammarion. Paris.

DI FOLCO, Philippe. (2006). Les Grandes impostures littéraires : canulars, escroqueries, supercheries et autres mystifications. Écriture. Paris.

EUDEL, Paul. (2001). Le truquage. Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées. Adamant Media Corporation.

FINNÉ, Jacques. (2010). Des mystifications littéraires. José Corti. Paris.

GAUVIN, Lise ; VAN DEN AVENNE, Cécile et al. (dir.). (2013). Littératures francophones. Parodies, pastiches, réécritures. Éditions ENS. Lyon.

GENETTE, Gérard. (1982). Palimpsestes. La Littérature au second degré. Seuil. Paris. 

JEANDILLOU, Jean-François. (1994). Esthétique de la mystification : tactique et stratégie littéraires. Éditions de Minuit. Paris. 

- (2001). Supercheries littéraires : La vie et l’œuvre des auteurs supposés. Librairie Droz. Genève.

LENAIN, Thierry. (1997). « Le faux en art et ses valeurs. Repères pour une archéologie », in LIBOIS Boris & STROWEL Alain (dir.), Profils de la Création. Presses de l’Université Saint-Louis. Bruxelles.

MECKE, Jochen ; DONNARIEIX, Anne-Sophie (dir.). (2023). Littératures du faux. Peter Lang.

OUY Gilbert (1961). « Les faux dans les archives et les bibliothèques », in SAMARAN Charles (dir.), L’histoire et ses méthodes. Gallimard. Paris, coll. Encyclopédie de la Pléiade, p. 1367 à 1383

SUEUR, Jean-Jacques (dir.). (2010). Le Faux, le droit, le juste. Émile Bruylant. Bruxelles.

UMBERTO, Eco. (2022). Reconnaître le faux. Grasset. Paris.

ZERI, Federico. (2013). Qu’est-ce qu’un faux ? Manuels Payot. Paris.

·       Revues scientifiques

DEHO, Roger Tro. (2009). « La littérature orale et la rhétorique du mensonge dans ‘Silence, on développe’ de Jean-Marie Adiaffi ». Trans, n°7. 

ELVIRA, Muriel. (2019). « Falsifications, polémiques historiographiques et création littéraire au Siècle d’Or », e-Spania, n°32, février 2029.

LEBEAU, Élodie ; MACHABERT, Coralie. (2020). « Introduction au dossier : ‘Le vrai et le faux. Élaborations et déconstructions’ ». Les Cahiers de Framespa e-Storia, n° 35

NOCE, Vincent. (2018). « Le Faux en art. Une législation inadaptée ? » La Gazette Drouot, n° 2, 12 janvier 2018.

MENGUE, Philippe. (2003). « Deleuze et la question de la vérité en littérature ». E-Rea, n° 1.2.

Modalités de soumission :

Les propositions de communications sont à envoyer à je.lefaux@gmail.com avant le 13 novembre 2023.

Publication des textes sélectionnés : le 27 novembre 2023.

Les propositions doivent inclure :

-       Les nom, prénom, adresse électronique, statut, discipline et affiliation du chercheur ou de la chercheuse. 

-       Le titre de la communication.

-       Un résumé d’un maximum de 300 mots, accompagné d’une notice bibliographique. 

La langue de travail de la journée d’étude est le français. Il n’y a pas de frais d’inscription pour participer à la journée d’étude. 


 
[1] Catherine Kerbrat Orecchioni, 1984. L’énonciation de la subjectivité dans le voyage, Colin, Paris, p. 167.
[2] Roland Barthes, Maurice Nadeau, 1980. Sur la littérature, PUG, Grenoble, p. 13.
[3] Jihad Bahsoun, 2020. Du sens et de l’utilité des réécritures dans la littérature comparée, Édilivre, Paris, p. 5.
[4] Article 98A du Code général des impôts, annexe III, 27 octobre 1995.
[5] Code de commerce, Art. L111-1 du code de la propriété intellectuelle.
[6] Exposition « Art and Artifice: Fakes from the Collection » (17 juin – 8 sept. 2023), Galerie Courtlaud, Londres, Royaume-Uni.
[7] Claude Debussy, 1987. Monsieur Croche et autres écrits, éd. Gallimard, Paris, p. 66.
[8] Gilbert Ouy, 1961. « Les faux dans les archives et les bibliothèques », in Charles Samaran (dir.), L’histoire et ses méthodes, Gallimard, Paris, coll. Encyclopédie de la Pléiade, p. 1367 à 1383.