Colloque « Le temps et le moment. Poétiques temporelles de la météo en littérature »,
28-29 Mars 2023, Logis du Roy, Université de Picardie-Jules Verne (Amiens, France).
University College London - Department of English Language and Literature, Institute of Advanced Studies, « Writers of the Anthropocene » / Université de Picardie-Jules Verne, Centre d’Etudes des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires, Equipe « Roman et Romanesque »/ Institut universitaire de France.
Organisation :
Anne Duprat (UPJV/IUF) et Julia Jordan (UCL).
Le temps, au sens météorologique du terme, entretient une relation particulière avec l’interprétation. C’est un phénomène ou un ensemble de phénomènes interdépendants que l’humanité tente depuis toujours de lire et d'analyser, pour prévoir ce qui va arriver ou pour tenter de comprendre ce qui s'est déjà produit. Les représentations littéraires ont toujours accompagné cette interrogation, dans la mesure où elles modélisent le rapport en pleine évolution que nous entretenons avec notre environnement.
Le projet « Météorologies du roman/ Weather Fictions » réunit des spécialistes d’histoire, de littérature, d’art, d’écocritique et d’études climatologiques, de l’Antiquité à nos jours pour réfléchir aux rapports entre la fiction, notamment romanesque, et le temps. Un premier colloque, « Weather Fictions I » s’est tenu le 13 janvier à UCL en collaboration avec l’Institute of Advanced Studies (IAS), consacré à la poétique de l’orage et des nuages au théâtre, en poésie et dans le récit romanesque, du XVIe siècle à la littérature et l’art contemporains.
Le deuxième colloque, intitulé « Le temps et le moment. Poétiques temporelles de la météo en littérature » qui se tiendra à Amiens les 28 et 29 mars 2024 (Université de Picardie-Jules Verne/University College London/ Institut universitaire de France) sera consacré aux rapports entre le temps météorologique et le temps chronologique en littérature.
Tandis que les langues anglo-saxonnes possèdent toutes une notion spécifique pour le temps météorologique, une particularité de l’évolution des langues romanes fait que le français, l’italien ou l’espagnol au contraire utilisent le même terme [Fr. temps, It. tempo, Esp. tiempo] pour désigner les deux. Le latin distinguait pourtant bien le temps chronologique [Lat. tempus, exclusivement affecté à ce sens] du temps météorologique [Lat. tempestas, utilisable dans les deux cas]. Souvent écartée par les philosophes du temps comme une simple équivoque ou une « dérivation aisément explicable » de la langue (Barreau 2009) le lien du temps météorologique avec la temporalité apparaît peut au contraire être compris comme un élément majeur dans la configuration langagière et culturelle des représentations de notre rapport au climat. C’est sur cet impensé d’une éco-poétique du temps [weather] que ce colloque propose de revenir, dans la mesure où elle engage plusieurs dimensions essentielles de la pensée du temps [time], et de son lien avec la fiction.
La perception occidentale du temps global (physique et cosmique) a toujours été médiatisée par des représentations fictionnelles, que ce soit dans l’œuvre des poètes mythographes (Hésiode, Ovide, Virgile), ou par l’insertion de chronomythes essentiels à la structuration dans le discours historique, philosophique et religieux. Or, la fonction de ces fictions – représenter de façon anthropomorphique un temps par définition non humain —reçoit depuis trente ans une nouvelle attention dans le cadre de l’éco-critique (Glotfelty 1996, Schoentjes 2015). Celle-ci invite à réarticuler ensemble les différents aspects temporels de notre rapport au climat, en partant du plus humain d’entre eux : le temps comme durée, comme déroulement perçu par le sujet.
Le temps a longtemps été perçu, et modélisé dans la littérature, comme le contraire immuable et permanent d'une histoire humaine emportée par la flèche du temps, à l'évolution de laquelle il servait par contraste de toile de fond immuable, marquée seulement par le retour cyclique des saisons. Le début de l'Anthropocène a marqué l'entrée du climat dans cette histoire humaine, à laquelle il est désormais irrémédiablement lié. La prise de conscience de l'évolution du temps météorologique lui-même, en tant que manifestation locale et subjectivement perçue de ce changement, accompagne désormais la représentation fictionnelle du cours des choses humaines. Après être entré dans l’histoire, le temps météorologique est désormais capable de mettre fin à celle-ci, non seulement sous l’aspect de l’événement catastrophique ponctuel, mais aussi sous la forme d’une globalisation des phénomènes localisés qui définissaient jusqu’ici le « temps » par rapport au climat. Il s’agira d’interroger le rôle dévolu à la fiction dans la modélisation de cette évolution, et dans l’exploration de nos attitudes vis-à-vis d’elle.
Cette exploration, qui pourra également porter sur d'autres aspects de la relation entre temps et météorologie, et sur d'autres supports (séries, littérature numérique, journalisme), s'inscrira ainsi dans une critique écologique de la vocation et de la capacité de la fiction à réintervenir dans le monde en tant qu'écosystème.
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Les propositions de contribution (200-300 mots) pourront être envoyées à Julia Jordan (julia.jordan@ucl.ac.uk) et Anne Duprat (anne.duprat@u-picardie.fr), en anglais ou en français, jusqu’au 30 octobre 2023.