Cinquante ans après sa mort, Pablo Neruda (1904-1973), Prix Nobel de littérature en 1971, s’impose encore en mythe monumental, en « témoin ardent » des événements politiques qui ont traversé le siècle : guerre d’Espagne, espoir (puis crise) communiste, lutte contre l’impérialisme nord-américain en Amérique latine, arrivée au pouvoir de Salvador Allende… Chaque fois présent, il a donné à entendre sa voix, tant par sa poésie - le Chant général en particulier - que par ses discours devenus célèbres.
En faisant de Résidence sur la terre le pivot central d’une œuvre foisonnante, cette édition propose de retracer la trajectoire poétique et intellectuelle de ce géant, au-delà de la légende, lui qui a participé aux principales mutations artistiques du XXe siècle - avant-gardiste de la première heure, compagnon de route des poètes espagnols de la Génération de 27 et précurseur de la poésie engagée. Son écriture originelle, d’une expression dense et sensuelle, célébrant la matière, basculera vers une simplicité marquée par une vision plus grave et ironique. À travers sa collaboration avec de nombreux artistes (Sergio Larraín, Antonio Quintana, Federico García Lorca, José Venturelli), qu’on découvrira ici, cette écriture se dote encore d’une autre facette, méconnue, tel un miroir tendu par l’auteur, refl étant sa façon d’habiter le monde, de résider sur la terre.
Ce volume contient les textes suivants : Crépusculaire - Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée - Tentative de l’homme infini - L’Habitant et son espérance - Résidence sur la terre - Troisième résidence - Chant général - Odes élémentaires - Les Pierres du Chili - Mémorial d’Isla Negra - Une maison sur le sable - Encore - Les Pierres du ciel - 2000 - Né pour naître (extraits) - « Neruda et ses masques », préface de Stéphanie Decante - Vie & Œuvre illustré.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Neruda, siempre presente !", par Maïté Bouyssy (le 23 septembre 2023).
Comme le dit Stéphanie Decante, maître d’œuvre de ce Résider sur la terre, on ne lit pas Pablo Neruda aujourd’hui seulement à cause de l’aura de son prix Nobel de littérature, du cinquantenaire de sa fin si politique, ni de la pertinence actuelle de bien de ses thèmes. Ce qui soutient l’attrait de cette poésie qui se voulut pour tous, c’est bien un rythme, des motifs, la couleur spécifique de celui qui fit un monde du Chili, et du Chili une partie indissociable du monde contemporain : « Le poète n’est pas une pierre éboulée, il a deux devoirs sacrés, partir et revenir », écrivait Neruda en 1954. C’est ce qu’il fit de bout en bout de la planète au fil des aventures du XXe siècle, sous le signe des errances et du sang. La mélancolie des Odes ne nie jamais les tragédies d’où émergent des réminiscences et des attachements au bois, aux pierres, aux lieux entrevus, revus, colligés, collectés, comme dans ses maisons emplies des traces du monde entier, le nôtre.