Université de Kairouan, Faculté des lettres et sciences humaines de Kairouan, Département de français
Colloque international pluridisciplinaire
Langue, cultures et identités
Les 30 et 31 octobre 2023
Appel à communications
La relation entre la langue, la culture et l’identité repose sur des interactions complexes. Plusieurs colloques et travaux de recherche se sont intéressés à ces concepts mais les a-t-on, un jour, réunis pour en examiner les rapports ? Les a-t-on appréhendés dans leurs dimensions plurielles et interdépendantes ? Le choix délibéré du pluriel dans le titre reflète justement cette intention de reconnaître la diversité et la pluralité de ces entités dont nous nous proposons d'explorer les diverses facettes et interactions qui, semble-t-il, n’ont pas été, jusqu'à présent, explorées de manière exhaustive et approfondie. Or, l'étude conjointe de ces relations multiples pourrait éclairer de manière significative la compréhension de la manière dont les langues façonnent les cultures et les identités, et vice versa.
En effet, la langue est bien plus qu'un simple « instrument de communication selon lequel l’expérience humaine s’analyse différemment dans chaque communauté » (Martinet : 1960)1 ; une langue maternelle, si nous pouvons encore en parler, est le reflet profond de nos cultures et le fondement même de notre identité en tant qu'individus et en tant que communautés. C’est pourquoi la langue détermine la culture et constitue par là même un enjeu aussi bien pour les linguistes que pour les sociologues et les didacticiens. Elle se maintient au-delà de l’individu qui n’a pas directement prise sur son évolution due à des processus variés. Comme elle véhicule une représentation du monde à la fois réelle et imaginaire, la langue fonctionne corrélativement avec la culture et devient, ainsi, l’incarnation d’une identité : celle de la communauté autochtone, celle de l’utilisateur natif et/ou étranger, ou celle de la société où on évolue ?
Cette identité culturelle qui se manifeste dans chaque coin de la vie de l’être humain, dans sa façon d’être et de paraitre façonne notre mode de vie, engage nos intérêts et détermine nos orientations. Mais existe-t-elle encore à l’ère du numérique, de la mondialisation et du brassage culturel. En effet, au-delà de la diversité des contextes dans lesquels il évolue, l’individu est, constamment, condamné à reconnaître les cultures qui l’entourent, qui le traversent et qu’il partage avec les autres membres de la communauté.
Compte tenu de toutes ces considérations, le rapport entre langues, cultures et identités occupe une place privilégiée dans le champ de la création littéraire et dans les domaines de la linguistique et de la didactique où les mots deviennent les vecteurs de la diversité culturelle et des expressions identitaires. Un dynamisme qui s’inscrit dans l’évolution de la pensée2 dans la mesure où « la langue est l’organe qui donne forme au contenu de la pensée» (Humboldt : 19743).
De nombreux écrivains ont exploré cette relation complexe et ont souligné l'impact profond que la littérature peut avoir sur la manière dont nous comprenons et percevons le monde. L'écrivain afro-américain James Baldwin a développé cette idée dans son essai Le langage de la montagne (1957).
1 André Martinet, 1960, Éléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, p. 20.
2 Cf. entre autres Mortéza Mahmoudian, 2011, « Langage, pensée et signification », in Cahiers de l’ILSL, n° 29, pp. 51-66.
3 Humboldt, 1974, Introduction à l’oeuvre sur le Kavi et autres essais, Seuils, p.53.
Selon lui : « La langue est aussi importante que la vie » ; elle est même « le foyer du peuple. Aussi la littérature devient-elle l'un des moyens les plus puissants dans la constitution (ou la destruction) d’une identité collective en contribuant à forger (ou effacer) les symboles de l’identité. La littérature devient cet espace intermédiaire, un point de rencontre, ou de confrontation voire de clivage de la culture de l’auteur et celle du lecteur. Plusieurs écrivains intègrent dans leurs oeuvres littéraires des passages en dialectal et en d'autres langues, créant ainsi un tissu linguistique riche qui reflète la complexité de l'identité de leurs sociétés. C’est ainsi que le concept de "translinguisme", ou l’hybridité linguistique, introduit par la chercheuse Steven Kellman, met en évidence la manière dont les auteurs utilisent délibérément des éléments de différentes langues pour exprimer une réalité culturelle plus complexe, ne peut-on pas parler de mondialisation culturelle ? La littérature francophone est un exemple de cette approche translinguistique, où les langues se mêlent pour créer une atmosphère littéraire multidimensionnelle, reflétant la réalité de la modernité ou de la post-modernité.
D’un point de vue linguistique, chaque langue possède sa propre structure, ses règles grammaticales et son vocabulaire spécifique qui reflètent le mode de pensée et la vision du monde de la communauté qui l’utilise. Ainsi, l'apprentissage d'une langue étrangère, par exemple, ne se limite pas à la maîtrise d'un code linguistique, mais constitue également une ouverture sur une autre culture, permettant de mieux comprendre les valeurs, les croyances, les coutumes et les traditions qui en découlent. En explorant la culture associée à une langue donnée, les apprenants développent également leur sens critique et leur ouverture d'esprit envers les autres cultures, contribuant ainsi à la formation de citoyens du monde conscients et respectueux de la diversité linguistique et culturelle. C’est pourquoi, il est important de reconnaître que les langues, les cultures et les identités sont en constante évolution. Les migrations, les échanges interculturels, les avancées technologiques et les mouvements sociaux contribuent à entretenir la vivacité des langues à travers plusieurs processus et mécanismes comme la composition, l’emprunt et le figement.
Cependant, alors qu’autrefois les chercheurs supposaient que l’identification culturelle était évidente et stable, la plupart la considèrent, aujourd’hui, comme contextuelle et dépendante des changements temporels et spatiaux. Dans un monde en perpétuel effervescence et essentiellement marqué par l’interculturalité, l’identité culturelle est constamment négociée et remise en question par des mouvances politiques et sociales.
Aujourd’hui, le progrès technologique et la mobilité géographique nous placent forcément dans l’interculturel et mettent en question la notion d’« identité ». Si les uns parlent « de guerre des langues », de « batailles des langues », de « crise identitaire » et de « choc culturel », pour des raisons idéologiques et politiques, d’autres parlent au contraire de « rencontres des cultures », de « dialogues de civilisations », d’invitation à l’altérité et d’acceptation de la différence. L’interculturel « semble flouter les frontières en les amalgament en une seule unité multidimensionnelle » et en affaiblissant le concept d’« identité ».
Plusieurs questions demeurent en suspens :
La diversité linguistique implique-t-elle une diversité et/ou un conflit culturel ?
La représentation ou la représentativité d’une langue exige-t-elle une compétence culturelle ?
L’approche interculturelle évite-elle l’aliénation culturelle en classe de langue étrangère ?
Quand le texte littéraire se prête-t-il à la démarche interculturelle et dépasse-t-il son contexte civilisationnel ?
la dimension culturelle est-elle toujours présente dans les créations littéraires ? Quelles en sont les manifestations et les finalités ?
N’y a-t-il pas des textes littéraires qui défient l’identité linguistique et concrétisent l’identité plurielle ?
La littérature est-elle le meilleur et le seul moyen pour défier l’identité et servir l’altérité ?
—
Ce colloque, organisé par le département de français de la FLSHK, vise à promouvoir une compréhension approfondie des liens entre les langues, les cultures et les identités, en examinant leur rôle dans les domaines suivants (mais sans s'y limiter) :
1er axe : La littérature et l’expression artistique
• Identité culturelle et expressions artistiques ;
• Le rôle des oeuvres littéraires dans la préservation du patrimoine culturel ;
• Littérature, migration, exil et construction identitaire ;
2ème axe : La linguistique
• Langues en contact et multilinguisme ;
• Langues et réseaux sociaux… ;
• Mécanismes linguistiques contribuant à la régénération des langues : néologie, figement, emprunt…etc.
3ème axe : La didactique
• Enseigner une langue / enseigner une culture ;
• Le rôle de la phraséodidactique dans le processus-apprentissage des langues étrangères ;
• Éducation plurilingue et interculturelle : défis et opportunités.
4e axe : Ouvertures :
• Politiques linguistiques et identités nationales ;
• Langues et cultures menacées.
—
Les propositions de communication doivent être soumises sous forme d'un résumé structuré (entre 300 et 500 mots), incluant les objectifs de la recherche, la méthodologie utilisée et les principaux résultats attendus tout en veillant à préciser les informations suivantes
• Titre de la communication
• Nom, prénom, statut de l'auteur(e) et adresse e-mail de contact
• Affiliation institutionnelle
Calendrier :
Date limite de soumission des résumés : le 20 Septembre 2023 ;
Notification d'acceptation : 30 Septembre 2023 ;
Date du colloque : 30 et 31 octobre 2023 ;
Langues du colloque :
Les communications pourront être présentées en français, en arabe et en anglais.
Les résumés doivent être soumis par voie électronique à l'adresse suivante : contactcolloquekairouan@gmail.com
—
Comité scientifique :
Un comité scientifique composé d’éminents chercheurs dans les domaines cités évaluera les propositions soumises.
Comité d’organisation :
Les enseignants du département de français.
Partenaires :
Le groupe de recherche ACPC & Le laboratoire IDEMREPS.
Coordinateurs :
Anissa Zrigue et Lazhar Aydi.