La violence dans les théâtres d’enfance : une écriture singulière aux XVIIe et XVIIIe s. ? (Arras)
« La violence dans les théâtres d’enfance : une écriture singulière aux XVIIe et XVIIIe siècles ? »
Journée d’étude, le 8 décembre 2023,
Arras, université d’Artois,
org. Béatrice Ferrier et Isabelle de Peretti
Dans l’anthologie L’Enfant rêvé parue en 2022, Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval souligne qu’en dépit de leur diversité, les théâtres d’éducation – théâtre scolaire, théâtre des familles – se rejoignent par l’apport moral décisif qu’implique le dénouement. Cette dimension moralisatrice, associée à un objectif social, n’exempte toutefois pas ce théâtre, destiné à l’enfance, des représentations de la violence.
Cela est particulièrement marqué dans le théâtre pour les scènes scolaires où les sujets historiques, bibliques, mythologiques n’épargnent pas les thèmes de la guerre, des massacres (liés à la religion), des vengeances, des luttes fratricides. Ces pièces s’inspirent des règles de la tragédie – témoins en sont Esther et Athalie écrites par Racine pour les demoiselles de Saint-Cyr – mais aussi des pièces de martyre ou du théâtre de la cruauté des XVIe et XVIIe siècle, pour reprendre les réflexions de C. Biet et M.-M. Fragonard, que l’on trouve notamment sur les scènes des jésuites. Dans les recueils de théâtre pour les familles, ces violences sont traitées de manière différente en raison de la matérialité des représentations et de l’influence du drame ou des valeurs familiales. Sans doute la violence se place-t-elle davantage à hauteur d’enfant, prenant par exemple la forme du rejet du fils par le père, de bagarres entre jeunes gens, de cruautés à l’égard des animaux, etc. Le thème de la guerre y est également abordé, notamment chez Berquin, en vue du public adolescent et de l’entrée dans les écoles militaires.
L’âge, le sexe, le cadre pédagogique, la langue choisie (français ou latin), le contexte historique et géographique conditionnent indéniablement ces représentations de la violence. Nous pourrons ainsi en répertorier les formes, en étudier les jeux de dissimulation ou d’édulcoration, en interpréter les enjeux en fonction de la réception adulte et/ou enfantine, en observer l’impact de la représentation scénique (chants, danses, décors). Comment le sacrifice d’Abraham, par exemple, est-il traité par le P. Brumoy, par l’abbé Aunillon ou par madame de Genlis ? Qu’en est-il de la trahison et des exactions d’Absalon sur la scène des oratoriens au XVIIe siècle, sur celles de madame de Maintenon (à Saint-Cyr et à Versailles) sous la plume de Duché de Vancy ou encore sur les tréteaux des jésuites, en France et en Italie, grâce aux versions du P. Marion au XVIIIe siècle ?
Il s’agira donc d’interroger les formes que revêt la violence selon les scènes et les contextes de création et de réception dans les pièces des XVIIe et XVIIIe siècle écrites et jouées par des enfants pour en analyser les enjeux.
Parmi les objectifs de cette journée, dont les réflexions sont amenées à se poursuivre, nous commencerons à dresser un inventaire en vue d’explorer les répertoires des pièces enfantines dans le cadre d’un projet à plus long terme.
Les propositions sont attendues pour le 30 septembre 2023 (beatrice.ferrier@univ-artois, isabelledeperetti@univ-artois).
Bibliographie sélective et indicative
Biet, Christian (dir.), Théâtre de la cruauté et récits sanglants en France (XVIe-XVIIe siècle), Paris, Robert Laffont, 2006.
Biet, Christian et Fragonard, Marie-Madeleine (dir.), Tragédies et récits de martyres en France, fin XVIe début XVIIe, Paris, Classiques Garnier, 2009.
Brucker, Nicolas (dir.), Le Théâtre de collège au XVIIIe siècle, Études sur le XVIIIe siècle, n° 50, Université Libre de Bruxelles, 2023.
Chevalier, Jean-Frédéric, « La violence dans le théâtre jésuite en France », Le Théâtre, la violence et les arts en Europe (XVIe-XVIIe s.), dir. Christian Biet et Marie-Madeleine Fragonard, Littérature classiques 73, 2010, p. 215-227.
Ferrier, Béatrice, « La décollation d’Holopherne mise en scène au XVIIIe siècle (1695-1797) : de la sainte terreur à l’horreur sublime », dans Le Livre de Judith, dir. Jean-Marc Vercruysse, Graphè, n° 23, Arras, APU, 2014, p. 139-158.
Marchal-Ninosque, France, Images du sacrifice 1670-1840, Paris, Champion, 2005.
Pelckmans, Paul, « La violence et le sacré dans les deux premières tragédies de Houdar de La Motte », dans Le Sacré en question. Bible et mythes sur les scènes du XVIIIe siècle, dir. Béatrice Ferrier, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 59-74.
Plagnol-Diéval, Marie-Emmanuelle, « Catéchisme ou théâtre ? Quelques figures bibliques sur scène au XVIIIe siècle », dans Bible et littérature, dir. Olivier Millet, Paris, Champion, 2003, p. 163-181.
Plagnol-Diéval, Marie-Emmanuelle, « Introduction générale », dans L’Enfant rêvé. Anthologie des théâtres d’éducation du XVIIIe siècle, dir. Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Paris, Classiques Garnier, 2022, t. I, p. 7-68.
Soulatges, Magali, « La dramaturgie de l’horrible au XVIIIe siècle : épuisement ou réinvention du spectacle tragique ? », dans Le Spectateur de théâtre à l’Âge classique : public réel, destinataire supposé, représentations, dir. Bénédicte Louvat et Franck Salaün, Montpellier, L’Entretemps, 2008, p. 129-147.