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Extended Deadline : La volonté d’horizon de Georges Henein. Littérature, art et politique 50 ans après (Rome)

Extended Deadline : La volonté d’horizon de Georges Henein. Littérature, art et politique 50 ans après (Rome)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Francesca Rondinelli)

La volonté d’horizon de Georges Henein. Littérature, art et politique 50 ans après

Colloque organisé par

Francesca Rondinelli (Université Grenoble Alpes)

Arturo Monaco (Sapienza Università di Roma-American University of Beirut),

Morad Montazami (Zamân Books and Curating)

Istituto per l’Oriente C.A. Nallino, Rome, 14 et 15 décembre 2023

Entre le 17 et le 18 juillet 1973 décédait à Paris Georges Henein, en clôturant la phase plus significative du surréalisme en Égypte. Écrivain, polémiste, journaliste, importateur d’avant-gardes, pamphlétaire, tisseur d’échanges entre les deux rives de la Méditerranée, poète, mécène, critique d’art et animateur de la scène artistique égyptienne pendant la Deuxième Guerre Mondiale, Georges Henein est un intellectuel qui reste cependant méconnu sous divers aspects.

Fils de pacha grandi entre plusieurs capitales européennes dans un monde d’élection en français, italien par sa mère et “exilé” à Rome dans les années soixante, profondément égyptien et arabophone tardif, apparenté à Aḥmad Chawqī, cosmopolite avant tout, Georges Henein est un auteur dont les activités et les écrits, en partie encore inédits, ont marqué le monde culturel égyptien à partir des années trente. Ses multiples engagements ont été importants pour le développement des avant-gardes en Égypte, ainsi que pour l’ouverture internationaliste et le renouveau du surréalisme dans sa deuxième phase.

Libertaire et ardemment antifasciste, le groupe égyptien “Art et Liberté / al-Fann wa l-Ḥurriyyah”, fondé en janvier 1939 par Georges Henein avec Ramsès Younane (Ramsīs Yūnān), Fouad Kamel (Fuʾād Kāmil) et Kamel el-Telmisany (Kāmil al-Tilmisānī), proche d’intellectuels comme Salama Moussa (Salāmah Mūsà), Anwar Kāmil et Henri Calet, procède d’une ferme prise de position en défense de l’art européen outragé par le régime nazi. Le manifeste “Vive l’art dégénéré / Yaḥyā al-Fann al-Munḥaṭṭ” se lève aussi, sur le front intérieur, comme un rempart contre le canon réaliste ou la mode orientaliste en vigueur au Salon du Caire, l’institution de la “Société des Amis de l’Art” dirigée par le Ministre Maḥmūd Ḫalīl. L’association artistique, politique et littéraire devient bientôt un vivier d’expérimentation pour des jeunes intellectuels égyptiens et pour des résidents étrangers bloqués par la guerre toujours plus proche aux portes de l’Égypte.

Des conférences, des débats dans la presse allophone et arabophone, des happenings, des revues comme Don Quichotte et al-Taṭawwur, ponctuent l’action du groupe qui culmine dans les annuelles expositions de l’Art Indépendant/ al-Fann al-Ḥurr, à partir de 1940. Les collaborations entre des artistes et des écrivains comme Albert Cossery, Edmond Jabès ou Horus Schénouda se multiplient et enrichissent d’éléments littéraires la recherche artistique, ainsi que politique, du groupe, qui en 1942 fait son entrée dans la rédaction de la revue avant-gardiste de Salāmah Mūsà al-Maǧallah al-ǧadīdah. Les collaborations avec le groupe antifasciste italien “Giustizia e Libertà”, actif au Caire dans la militance de Paolo Vittorelli, Stefano Terra, Fausta Cialente, Marcella Biagini, Umberto Calosso, se concrétisent entre autres par des textes de Henein en italien parus dans les publications destinées aux internés italiens d’Égypte, auxquels s’adressait également une propagande “défascisante” sur les ondes radios.

Un tel réseau de relations et de collaborations permit aux multiples actions entreprises par Henein en Égypte – les cahiers et les éditions de La Part du Sable en sont un témoignage exemplaire – d’avoir une grande résonance internationale, en jetant les graines du développement des avant-gardes culturelles du pays, ainsi que du renouveau du surréalisme même. En effet, «  une même révolte contre l’ordre établi en général – moral, poétique et politique –, le refus de tout cadre contraignant l’expérience poétique1 » animeront les mouvements d’avant-garde des années soixante et soixante-dix, à partir de “Gallery 68”. L’exemple de Henein représentera aussi le catalyseur pour la reconstitution d’un mouvement surréaliste arabe à Paris, mené par le poète irakien Abdel Kader al-Janabi (ʿAbd al-Qādir al-Ǧanābī). La revue Le Désir libertaire, organe de ce groupe, s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de l’auteur de Déraisons d’être, et en publie des textes au moment même de la parution du numéro spécial de Le Pont de l’épée qui lui fut consacré, en 1981. A la même époque paraissent aussi des traductions en arabe des textes de Henein, publiés dans des revues ou en forme d’anthologie2.

Un travail de recherche des textes épars en diverses et rares publications en Égypte et en Europe a été commencé par Nicolas Fargues dans les années 90, continué par Pascale Roux, auteure d’une magistrale thèse de doctorat sur l’écriture polémiste de Henein. Dans le domaine académique, l’œuvre heneinienne a été l’objet de travaux en Espagne (Cristina Boidard-Boisson), en France (Marc Kober), en Égypte (Adel Sobhi Takla), pour ne citer que les premiers. Plusieurs textes de Henein furent publiés posthumes par la volonté de sa veuve, Ikbal al-Alaily, animée jusqu’au bout par la volonté de diffusion de l’œuvre de l’auteur de Pour une conscience sacrilège. Le premier essai qui lui fut consacré, signé par le surréaliste d’origine irakienne Sarane Alexandrian, date de 1981, année de la publication de la correspondance avec Henri Calet, la première à voir le jour. En 2000 le volume Entre Nil et sable3 permet d’inscrire Henein dans le contexte culturel égyptien de l’entre-les-deux-guerres, et de souligner la résonance universaliste de ses textes. La publication de l’œuvre (quasi) complète Georges Henein. Œuvres, en 2006 par Denoël, avec les préfaces d’Yves Bonnefoy et Berto Farhi, donne accès à l'œuvre de l’auteur de Prestige de la terreur à un public plus large.

Plusieurs domaines et ressources restent pourtant à être enquêtés concernant cette figure remarquable de lettré et sa contribution à la littérature, à l’art et au rapport de ceux-ci à la politique du XXe siècle. Plusieurs perspectives de réflexions peuvent inclure, entre autres :

- Henein et l’art (par exemple : le rapport texte-image, ses textes de critique, ses activités dans les groupes Art et Liberté, L’Atelier, La Palette…)
- Henein et la politique (les luttes en Égypte, les rapports avec les partis politiques, la question palestinienne…)
- Henein et le journalisme (son rôle comme rédacteur en chef de Jeune Afrique à Rome et de L’Express à Paris ; son activité journalistique au Caire dans divers organes de presse…)
- L’inscription dans le surréalisme international (les échanges épistolaires, par exemple avec André Breton, Benjamin Péret,… à reconstituer)
- Les rapports de Henein avec le contexte littéraire égyptien et arabe à lui contemporain (les débats, les rapports avec les autres intellectuels égyptiens et arabes, les connexions avec d’autres surréalistes, en Syrie ou au Liban ; sa préface à l’Anthologie de la littérature arabe contemporaine - la Poésie, Seuil, 1967…)
- Ses rapports avec d’autres écrivains, artistes et intellectuels (Albert Cossery, Ramsès Younane, Nicolas Calas, par exemple)
- Son héritage dans le panorama culturel égyptien et arabe contemporain (les avant-gardes égyptiennes, le surréalisme contemporain arabe/ égyptien).

1 Richard Jacquemond, Entre scribes et écrivains. Le champ littéraire dans l’Égypte contemporaine, Arles : Actes Sud, 2003, p. 153.                      
2 Ǧūrǧ Ḥunayn, Aʿmāl muḫtārah, Iḫtiyār wa-tarǧamat Bašīr al-Sibāʿī, Kūlūniyā: Manšūrāt al-Ǧamal, 1996.
3 Entre Nil et sable. Écrivains d’Égypte d’expression française (1920-1960), sous la direction de Marc Kober avec Irène Fenoglio et Daniel Lançon. – Paris : Centre National de Documentation Pédagogique, 1999.

Des contributions originales, en anglais, en français, en italien et en arabe, qui traiteront de ces domaines de l’activité de Georges Henein et d’autres, sont les bienvenues. Ces approches, dont on privilégiera la variété, l’interdisciplinarité et le plurilinguisme, seront présentées lors d’un colloque international organisé à l’Institut pour l’Orient C.A. Nallino les 14 et 15 décembre 2023, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition de l’auteur. Les communications feront l’objet d’une publication après la sélection par le comité scientifique.

Les propositions de communication (d’environ 400 mots), accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique (100 mots), sont attendues au plus tard le 5 septembre 2023 aux adresses : 

maria-francesca.rondinelli@univ-grenoble-alpes.fr

arturo.monaco@uniroma1.it

Comité scientifique

Isabella Camera d’Afflitto, Sapienza Università di Roma
Dominique Combe, École Normale Supérieure de Paris
Francesca Rondinelli, Université Grenoble Alpes
Arturo Monaco, Sapienza Università di Roma-American University of Beirut

Bibliographie des ouvrages de Georges Henein

Georges Henein. Œuvres : poèmes, récits, essais, articles et pamphlets, éd. établie par Pierre Vilar, avec la collaboration de Marc Kober et Daniel Lançon, préface de Yves Bonnefoy et Bertho Farhi, Paris : Denoël, 2006, 1062 p.
Suite et fin, Le Caire : [s.n.], 1934.
Le Rappel à l’ordure, en collaboration avec Jo Farna, Le Caire : [s.n.], 1935.
Déraisons d’être, illustré par Kamel Telmisany, Paris : José Corti, 1938.
Pour une conscience sacrilège, Le Caire : Masses, 1944.
Prestige de la terreur, Le Caire : Masses, 1945.
L’Incompatible, Le Caire : La Part du sable, 1949.
Deux effigies, Le Caire : La Part du sable, 1953.
Le seuil interdit, Paris : Mercure de France, 1956.
Préface à Norin, Luc et Tarabay, Édouard, Anthologie de la littérature arabe contemporaine. T.3 : La Poésie, Paris : Éditions du Seuil, 1967.
Hommage à Georges Henein : Dernier cahier de littérature appliquée, Yves Bonnefoy, Henri Michaux, Michel Fardoulis-Lagrange, Claude Moënis Taha-Hussein et al., Le Caire : La Part du sable, 1974.
Le signe le plus obscur : poèmes, Paris ; Genève : Puyraimond, 1977.
Notes sur un pays inutile, Paris : Puyraimond, 1977.
La force de saluer, préface de Patrick Waldberg, dessins de Philippe Labarthe, Paris : La
Différence, 1978.
L’Esprit frappeur : Carnets 1940-1973, Paris : Encre Éditions, 1980.