Fantasmes de France : une exploration des malentendus transatlantiques du XVIIIe siècle à nos jours (Univ. Paris Cité)
Journée d'étude
19 janvier 2024 – Université Paris Cité
« Fantasmes de France : une exploration des malentendus transatlantiques du XVIIIe siècle à nos jours »
“La compréhension est un cas particulier du malentendu.” - A. Culioli
Mots-clés: circulation transatlantique, cosmopolitisme, réception, traduction, expatriation
Le LARCA (Laboratoire de recherches sur les cultures anglophones, UMR CNRS 8225, Université Paris Cité) a le plaisir d’inviter les doctorant·es et jeunes chercheur·euses spécialistes de littérature d’Amérique du Nord, de littérature d’expression française, et de littérature comparée à une journée d’études portant sur les malentendus transatlantiques.
Nous proposons aux communicant·es de s’intéresser à la façon dont le malentendu, qu’il soit linguistique, politique, idéologique, culturel, esthétique, ou de tout autre nature, a modelé les relations littéraires transatlantiques qui se sont tissées entre l’Amérique du Nord et la France depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Par malentendu, nous faisons référence aux divergences de compréhension qui se logent entre un phénomène, un événement, un objet et/ou la personne qui en est à l’origine et celle qui les interprète. Le terme de malentendu peut également renvoyer à la situation de désaccord, à la mésentente, qui résulte parfois de cette divergence. Cette journée d’étude propose d'aborder ce ou ces malentendus selon trois axes : celui de la critique littéraire, par l’émergence d’un « fantasme de France » (et des désenchantements et surprises qui lui sont corollaires) dans l'œuvre des auteur·ices nord-américain·nes ; celui de la réception française de ces mêmes auteur·ices ; et enfin celui de la traductologie.
Il s’agirait par exemple d’examiner la façon dont ces malentendus sont à la fois initiés par et constitutifs des fantasmes que les auteur·ices nord-américain·nes ont nourri vis-à-vis de la France, espace culturel et géographique qui ne se limite pas à sa capitale, mais aussi envers la langue française et les Français·es. En sondant les attentes de ces auteur·ices et les malentendus qui les ont forgées, nous espérons susciter une discussion sur ce qui a servi de ferments au processus de sédimentation d’un fantasme de France en Amérique du Nord. Les participant·es pourraient envisager d’explorer ce que des écrivain·es comme T. S. Eliot, Claude McKay ou W. S. Merwin ont entendu (ou voulu entendre) de la France qui les a poussé à écrire sur cet ailleurs, voire à traverser l’océan Atlantique pour s’y rendre et, parfois, s’y installer. Quelles étaient les attentes de ces auteur·ices qui étaient porté·es et emporté·es par des dynamiques aussi variées que les affairements diplomatiques (Benjamin Franklin, Thomas Jefferson, John Adams), la recherche d’origines familiales (Jack Kerouac), la puissance des affrontements géopolitiques internationaux (Edith Wharton, Janet Flanner, E. E. Cummings), ou même l’internationalisation de leurs activités littéraires (Ralph Waldo Emerson, Margaret Fuller, Harriet Beecher Stowe) ? Quels aspects de leurs attentes, et donc de leurs fantasmes, peuvent être lus au prisme du malentendu ?
Le revers de cette question tient à la façon dont ces écrivain·es ont été plus ou moins bien entendu·es par les membres de la sphère littéraire française. Auteur·ices, éditeur·ices, traducteur·ices, critiques, etc. n’ont pas toujours été à leur écoute (notamment quand les États-Unis travaillaient à forger leur indépendance littéraire et langagière au XIXe siècle). Iels ont parfois choisi de prêter une oreille sélective à cette littérature venue de l’autre côté de l’Atlantique, ou de l’écouter indirectement via des échos britanniques. De plus, iels n’avaient pas toujours les compétences linguistiques nécessaires à l’entente et à la traduction d’une langue qui n’était pas la leur. À terme, ce que ces Français·es ont entendu de ces auteur·ices nord-américain·nes était médié par leurs propres fantasmes sur l’Amérique du Nord, qui n’ont cessé d’évoluer au cours de l’histoire. Qu’est-ce que ces malentendus français disent des récepteur·ices français·es de ces œuvres ? Surtout, que révèlent-ils des œuvres elles-mêmes ?
Enfin, une troisième facette de la question tient à la façon dont ces malentendus, qu’ils proviennent de l’Amérique du Nord ou de la France, s’entendent dans les textes produits des deux côtés de l’Atlantique. Pour ce qui est des textes produits par des auteur·ices nord-américain·nes, il serait par exemple possible de s’intéresser au genre du compte-rendu de voyage ou du guide touristique (Henry James, A Little Tour in France ; Grace Greenwood, Haps and Mishaps of a Tour in Europe ; Harriet Beecher Stowe, Sunny Memories of Foreign Lands ; Mark Twain, Innocents Abroad, etc.), à des œuvres de fiction dont les intrigues sont situées en France (Tender is the Night de F. S. Fitzgerald, Giovanni’s Room de James Baldwin, A Moveable Feast d’Ernest Hemingway, etc.), à des textes journalistiques commentant l’actualité politique et artistique française (comme les dépêches européennes de Margaret Fuller pour le New York Tribune) ou même des mémoires à l’image de Exile’s Return de Malcolm Cowley. En ce qui concerne les textes français, on pourra notamment se pencher sur les articles critiques écrits par les récepteur·ices français·es de ces textes pour des revues littéraires, comme par exemple ceux de Philarète Chasles ou d’Émile Montégut pour la Revue des Deux Mondes au XIXe siècle. En tant qu’exercice d’interprétation, la critique littéraire, en plus de faire œuvre de médiation culturelle, peut être investie d’un désir de clarification du sens de l'œuvre discutée afin d’éviter les malentendus. Mais dans quelle mesure ces mêmes tentatives d’explicitation ont-elles pu se faire l’écho de malentendus ? En quoi faire œuvre de critique était-ce aussi se confronter à ses propres fantasmes, au risque d’être déçu·e ? De manière plus générale, les participant·es sont invité·es à étudier les tentatives de commentaire ou de vulgarisation dont nombre des auteur·ices nord-américain·nes ont pu faire l’objet (conférences, cours publics au Collège de France, préfaces, etc.). L’entente du malentendu dans les textes implique aussi de prendre en compte les traductions françaises d'œuvres nord-américaines. Comment le processus de traduction et de mise en livre de ces textes a-t-il pu donner lieu à des malentendus ? De quelles manières ce processus a-t-il participé à sédimenter des fantasmes américains depuis la France?
Les communicant·es pourront s’inspirer des points de départ suivants, qui ne sont qu’indicatifs :
- Quelle France, quel français et quel·les Français·es ont modelé le désir/fantasme de France de ces écrivain·es nord-américain·nes ? À l’inverse, à quelle France, quel français et quel·les Français·es ces écrivain·es ont-iels été confronté·es ? Quel a été l’impact des voyages transatlantiques que certain·es ont entrepris sur leurs fantasmes ?
- Par quelles incarnations le malentendu s’est-il manifesté dans la réception française de ces œuvres nord-américaines ?
- Ces malentendus servaient-ils des intentions quelconques (littéraires, esthétiques, politiques, culturelles, etc.), que ce soit en Amérique du Nord ou en France ? Dans quelle mesure sont-ils le fruit des fantasmes de ceux qui les ont initiés puis relayés?
- En quoi ces malentendus ont-ils renforcé l’étrangeté des auteur·ices nord-américain·es et/ou de leur récepteur·ices ? Au contraire, ces malentendus ont-ils contribué à aplanir des différences ?
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Les propositions de communications, d’une longueur de 300 mots, rédigées en français ou en anglais et accompagnées d’une courte note bio-bibliographique, sont à envoyer à Lise M. Chenal (lisedesiree.chenal@gmail.com) et Pascale-Marie Deschamps (pascalemariedeschamps@gmail.com), d’ici le 31 juillet 2023.
Chaque proposition de communication recevra une réponse d’ici le 1er septembre 2023.
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Comité scientifique :
Lise Chenal, LARCA, Université Paris Cité
Pascale-Marie Deschamps, LARCA, Université Paris Cité
Abigail Lang, LARCA, Université Paris Cité
Édouard Marsoin, LARCA, Université Paris Cité
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