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Des communautés aux communs : musiques et littératures de l’Afrique et de ses diasporas (Neuville-sur-Oise)

Des communautés aux communs : musiques et littératures de l’Afrique et de ses diasporas (Neuville-sur-Oise)

Publié le par Marc Escola (Source : Marion Coste)

Journée d’étude de l’Association pour l’étude des littératures africaines (APELA),

8 novembre 2024, Maison internationale de la recherche de Neuville-sur-Oise (95). 

Organisée par : 

- Francesca Aiuti (université de Rome)

- Sylvie Brodziak (CY Cergy Paris Université)

- Marion Coste (CY Cergy Paris Université)


L’association de la musique et de la littérature dans les arts d’Afrique et des diasporas africaines n’est plus à démontrer : outre les écrivains qui affirment l’importance de la musique dans leur écriture, à l’instar de Léonora Miano, Koffi Kwahulé ou Daniel Maximin, outre la prégnance des personnages de musiciens ou de mélomanes, dans Mirage de Paris d’Ousmane Socé,  Le Lys et le Flamboyant d’Henri Lopès ou La Polka de Kossi Efoui, force est de constater que les genres musicaux de l’Atlantique noir[1] entremêlent littérature et musique. 

Il est remarquable que la musique, telle qu’elle est présentée en littérature ou telle qu’elle s’autodéfinit dans le rap, apparaît souvent comme un moyen de renforcer, voire de fonder, les liens communautaires : pensons à Ady qui écoute de la musique antillaise à Paris pour renouer avec son île, dans Ady de Gisèle Pineau, ou à l’enterrement en musique de Kolélé au début du Lys et du Flamboyant d’Henri Lopès, à propos duquel le narrateur écrit « Comment lui savoir gré de nous avoir fait mesurer, à l’occasion de son départ, la taille de notre famille[2] ? »). Dans le rap, ce sont les différentes façons de nommer le groupe d’appartenance, à travers le lexique de la famille (la Fonky Family, ou toutes les mentions des frères/reufs ou de la famille/mifa), ou d’autres termes (« That’s my People » est un titre de NTM). 

Pourtant, Paul Gilroy a montré que la musique, telle qu’elle se construit dans l’Atlantique noir, est fondamentalement ouvertes à des influences multiples : il démontre, exemples issus du reggae, de la funk, du jazz ou du rap à l’appui, que les genres musicaux circulent et s’enrichissent au contact des cultures diverses de l’Altantique noir. Ainsi, la rumba congolaise, musique congolaise par excellence, reprend un rythme cubain ; l’album de jazz Afro blue de la chanteuse afro-américaine Dee Dee Bridgewater dans lequel elle met à l’honneur des instruments traditionnels africains et collabore avec des musiciens japonais ; le rap dakarois qui s’approprie certains sons afro-américains. Loin d’être un repli sur des traditions entérinées, la musique est toujours ouverture, et enrichissement par le contact avec l’Autre. En littérature, la musique permet souvent de traduire la rencontre des cultures et leur dialogue harmonieux : on pense par exemple au rôle du jazz dans la construction du territoire mental que Léonora Miano nomme « Afropéa », ou à l’air de jazz « Ishmaël », du jazzman sudafricain Dollar Brand, qui lie la méditerranéenne Ariel au guadeloupéen Adrien dans Soufrières. 

Pour résoudre ce paradoxe, nous voudrions, durant ce colloque, étudier la musique de l’Atlantique noir et les références musicales de la littérature de l’Afrique et de ses diasporas à l’aune du concept de « commun », compris ainsi : 

Par « communs », on entend donc un ensemble de pratiques instituantes et d’institutions constituées répondant au principe selon lequel un groupe plus ou moins étendu s’engage dans une activité collective productrice de biens tangibles ou intangibles mis à la disposition des commoners ou d’une collectivité plus large, selon des règles démocratiques d’auto-organisation[3]. 

En effet, penser la musique comme un commun, qui contribue à générer, d’après Christian Laval, une « autre économie » cherchant à défaire le néocapitalisme et à construire une société de la coopération, permettrait selon nous d’analyser les liens évidents qui unissent musique et constitution de communautés en évitant toute forme de figements. Ce serait aussi un moyen d’analyser la question de la tradition, et de la référence à des musiques traditionnelles, à l’aune de la création : la littérature révèlerait alors la façon dont la tradition musicale africaine, afro-américaine ou antillaise, est un commun, à la disposition de celles et ceux qui veulent s’en emparer pour l’enrichir par leur pratique créative. 

On pourrait aussi analyser les pratiques musicales collaboratives, qui défont l’opposition d’un public passif à un artiste actif pour considérer l’objet musical improvisé comme le résultat d’une coopération : ainsi les battles de rap confèrent un rôle important au public[4]; l’improvisation du jazz à plusieurs fait entendre un geste de création commun, qui est peut-être création d’un commun.  

Nous souhaiterions donc recevoir :

-        Des propositions portant sur les références musicales dans des œuvres romanesques, poétiques ou théâtrales de l’Afrique subsaharienne et de ses diasporas, qui montreraient comment la musique permet l’émergence ou la consolidation d’une communauté, comprise comme l’espace des coopérations multiples ;

-        Des propositions portant sur des genres musicaux, et particulièrement sur le rap, qui interrogeraient la façon dont la musique construit des communautés internationales et se nourrit d’influences multiples ;

-        Des propositions qui analyseraient les circulations à l’œuvre, par la musique ou par la référence à la musique en littérature, dans l’Atlantique noir, lesquelles contribuent à forger une communauté ouverte et inclusive. 



Les propositions, d’une demie page accompagnée d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer à

marion.coste@cyu.fr, sylvie.brodziak@cyu.fr, francesca.aiuti@uniroma3.it, avant le 1er janvier 2024. 

Une réponse vous sera communiquée début mars.


Bibliographie : 

Alem, K. « Un champ d’étude encore vaste… » dans Paroles et musique, Notre Librairie, n° 154, avril-juin 2004

Bebey, F. Musique de l’Afrique, Paris, Horizons de France, 1969.

Béthune, Ch. Le Jazz et l’Occident, Paris, Klincksieck, 2008.

Béthune, Ch. Le Rap, une esthétique hors la loi, Paris, Autrement, 2003.

Bridet, G., Brinker, V., Burnautzki, S., et Garnier, X., (dir.), Dynamiques actuelles des littératures africaines : panafricanisme, cosmopolitisme, afropolitanisme, Paris, Karthala, 2018. 

Coste, M., Sankofa Cry : mémoires musicales et improvisations littéraires dans les romans de l’Atlantique noir, Paris, Champion, 2023. 

Ghio, B. Sans fautes de frappe. Rap et littérature, Marseille, Le Mot et Le Reste, 2016

Gilroy, P. L’Atlantique Noir, modernité et double conscience, traduit par Charlotte Nordmann, Paris, Amsterdam, 2010.

Hammou, Karim, Une histoire du rap en France, Paris, La Découverte, 2012.

Hammou, K., Sonnette, M., 40 ans de musique hip hop en France, Paris, Presses de Science Po, 2022. 

Higginson, P. Scoring race, Jazz, Fiction, and Francophone Africa, James Currey, 2017.

Jourdain, E. Les Communs, Paris, PUF, Que sais-je, 2021. 

Kwahulé, K., Mouëllic, G., Frères de son, Montreuil, éditions Théâtrales, 2007.

Laval, C., « « Commun » et « communauté » : un essai de clarification sociologique », SociologieS [En ligne], Dossiers, mis en ligne le 19 octobre 2016, consulté le 24 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/5677 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sociologies.5677.

Locatelli, A. Jazz belles-lettres. Approche comparatiste des rapports du jazz et de la littérature, Paris, Classiques Garnier, 2011.

Lomazzi, L, Ménard, M, « Où en est la théorie du/des commun(s) ? Vers une économie politique culturelle. », tic&société [en ligne], vol. 12, n°1 | 1er septembre 2018. 

Pujol, L.(dir.), Communs du savoir et bibliothèques, éditions du cercle de la librairie, 2017.

Rochfeld, J. Cornu, M., Martin, G. J. ( dir.) « L’échelle de communalité. Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit », Rapport final de recherche GIP Mission de recherche Droit et Justice, n°17(34, avril 2021.

Rochfeld, J. « Penser autrement la propriété : la propriété s'oppose-t-elle aux « communs » ? », Revue internationale de droit économique, vol. xxviii, no. 3, 2014, pp. 351-369.

Séité, Y. Le jazz, à la lettre, Paris, PUF, 2010.

Teulié, G. (dir.), Afrique, musiques et écritures, Les carnets du Cerpanac, n° 1, Montpellier III, 2001.

Vettorato, C. Un monde où l’on clashe : la joute verbale d’insultes dans la culture de rue, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2008.

Collectif ZoneZadir, « Zones à dire, pour une écopoétique transculturelle », Littérature, 2021/1 (N° 201). DOI : 10.3917/litt.201.0010. URL : https://www.cairn.info/revue-litterature-2021-1.htm

 


 
[1] Gilroy, P. L’Atlantique Noir, modernité et double conscience, traduit par Charlotte Nordmann, Paris, Amsterdam, 2010.
[2] Henri Lopès, Le Lys et le Flamboyant, Paris, Seuil, 1997, p. 18. 
[3] Laval, C., « « Commun » et « communauté » : un essai de clarification sociologique », SociologieS [En ligne], paragraphe 2. 
[4] Vettorato, C. Un monde où l’on clashe : la joute verbale d’insultes dans la culture de rue, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2008.