Au sein de l’axe TransLittéraires du centre de recherche Textes et Cultures (UR 4028) à l’université d’Artois, les colloques annuels Graphè ont pour objet d’étude la Bible et son influence sur le patrimoine culturel, littéraire et artistique des nations. L’exploration de cet horizon intertextuel est menée dans trois domaines principaux : la Bible en tant que littérature, la Bible et les productions littéraires et esthétiques, et enfin la Bible comme champ d’études épistémologiques et herméneutiques.
Dans la lutte entre les Philistins et l’armée de Saül, le géant Goliath propose un combat singulier pour en finir avec la guerre. Mais seul le berger David se porte volontaire dans le camp des Hébreux. Contre toute attente, armé de sa fronde, le plus jeune fils de Jessé abat Goliath dans la vallée des Térébinthes et, après s’être emparé de son épée, lui tranche la tête. Tous les Philistins s’enfuient mais sont poursuivis et tués par les hommes d’Israël. Le roi, fidèle à sa promesse, fait de David son gendre. Cet épisode est relaté dans le livre de Samuel (1S 17,1-58) et également mentionné dans le Coran (2,251).
Au-delà de la question de l’historicité des faits soulevée notamment par I. Finkelstein et N.A. Silberman, l’humilité du berger face à l’arrogance du géant est le premier enseignement de l’épisode qui marque le triomphe du peuple hébreu sur ses ennemis. David est vainqueur car il a mis sa foi dans Yahvé. Titien a magistralement représenté le berger remerciant Dieu de sa victoire. David apparaît d’emblée comme un personnage emblématique dont le premier fait d’armes annonce de grandes qualités humaines et la stature d’un futur monarque. Il incarne la bravoure et la hardiesse. Face à lui, l’arrogant Goliath, bardé de fer, représente le géant digne des contes populaires, symbole de la force brutale et ennemi de Dieu. Son attitude rappelle les récits homériques où les chefs se lancent des défis avant de s’affronter. Dans ce face à face aux accents épiques, tout oppose les protagonistes - leur origine, leur âge, leur condition, leur taille, leur armement et leur comportement.
La lecture typologique de l’épisode s’enracine dans la généalogie de Jésus, héritier de David (Mt 1,1). Au IIIe siècle, avec Hippolyte de Rome, le combat de David contre Goliath est vu comme la figure de la lutte du Christ contre Satan. Il préfigure la victoire finale de Pâques. Plus largement, la lutte symbolise le combat du Bien contre le Mal.
L’épisode prend rapidement une dimension politique. Au Moyen Âge, modèle du chef combattant au service de Dieu, David est le précurseur du « roi très chrétien ». La Renaissance souligne son héroïsme. Le David de Michel-Ange exalte les vertus civiques de la jeune république florentine. Religion et politique s’entremêlent dans les guerres entre catholiques et protestants où prédomine le jugement de Dieu. En attestent Du Bartas et Du Bellay qui écrit une longue « monomachie », à la fois narrative et lyrique. Le combat biblique est alors considéré comme la référence en matière de duel. Parfois assimilé à une chanson de geste, il n’échappe pas à l’ironie voltairienne. La nouvelle comme chez Jack London, la bande dessinée sous le trait minimaliste de Tom Gauld, la science-fiction avec Scott Westerfeld, le cinéma à travers les adaptations de Richard Pottier, des frères Wallace ou de David B. Ricard témoignent d’une foisonnante postérité de l’épisode, aujourd’hui encore.
Ce combat (David versus Goliath) a donné naissance à une expression proverbiale qui s’adapte à de nombreuses situations. La victoire du faible contre le fort, de l’intelligence contre la force, utilisée dans des contextes très différents, exprime toujours une lutte inégale et incertaine entre les deux adversaires en présence.
Au regard de la péricope vétérotestamentaire, dans une perspective diachronique et une démarche interdisciplinaire, l’appel à communications porte sur les récritures littéraires et artistiques que l’affrontement entre David et Goliath a suscitées dans la culture occidentale afin de retracer les grandes étapes de sa réception.
Les actes du colloque, qui se déroulera les 21 et 22 mars 2024 à Arras, seront publiés dans le volume Graphè 33 à l’Artois Presses Université.
Les propositions de communications (titre, court résumé et bref C.V.) sont à envoyer avant le 30 septembre 2023 à : jmarc.vercruysse@univ-artois.fr