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Être policier : les métiers de police(s) en Europe, XVIIIe-XXe siècle

Être policier : les métiers de police(s) en Europe, XVIIIe-XXe siècle

Publié le par Alexandre Gefen

APPEL A COMMUNICATION


Être policier : les métiers de police(s) en Europe, XVIIIe-XX
e siècle

Colloque international organisé par le CRHQ UMR 6583 (Université de Caen), le CESDIP-CNRS UMR 2190, le GERN-GDR/CNRS, le Centre d'Histoire du XIXe siècle EA 3550 (Université de Paris 1-Paris 4), l'IRHIS (Université de Lille 3).

Avec le soutien de  l'International Association for the History of Crime and Criminal Justice (IAHCCJ)

Comité de pilotage : J.-M. Berlière (Université de Bourgogne/ CESDIP-CNRS), C. Denys (Université de Lille 3/IRHIS), D. Kalifa (Université de Paris 1/ Centre d'Histoire du XIXe siècle),   V. Milliot (Université de Caen/CRHQ)

L'histoire de la police à l'époque moderne et contemporaine connaît à l'heure actuelle des évolutions profondes, après être restée longtemps tributaire d'une double approche, à des degrés divers selon les traditions historiographiques nationales : celle plus ancienne et traditionnelle de l'histoire des institutions, celle de l'histoire de la criminalité, qui s'impose dans les années 1970. Toutes deux ont eu en commun de négliger l'histoire sociale de l'institution policière, les pratiques et les conceptions de ceux qui en sont les acteurs. En France par exemple, hors les grandes figures de responsables, on ne sait pas grand chose de la plupart des acteurs de la police en terme d'origine, de formation, de pratique du métier et d'identité professionnelle. L'analyse des conceptions policières quant à elle, a surtout privilégié un effort de définition d'une catégorie que l'on peine à distinguer de la justice sous l'Ancien Régime. Si la réorganisation administrative de l'époque révolutionnaire et sa transposition partielle en Europe clarifie pour une part la situation, le lent mouvement d'autonomisation de la police avant 1789, avec toutes les conséquences que cela implique, y compris dans la longue durée, en termes de définition et de pratique du métier est encore mal appréhendé.

Après un renouvellement des études sur la police qui a touché d'autres domaines des sciences sociales (la politologie, la sociologie) et les périodes plus contemporaines de l'Histoire, plusieurs travaux récents ont modifié notre compréhension des modes de fonctionnement de la police pour les périodes les plus anciennes Ces travaux ont  contribué dans le cas français à relativiser le poids du modèle parisien, longtemps considéré comme s'imposant partout avant et après 1789, et ont invité à mieux appréhender la diversité des situations, la nécessaire reconstitution des contextes locaux, l'émergence de solutions communes pour résoudre certains problèmes identiques.

La diversité des situations historiographiques qui prévaut aujourd'hui en Europe et les acquis récents de la recherche, conduisent à penser que l'histoire de la police gagnerait à revêtir désormais une dimension comparatiste. Si le rayonnement souvent prêté au modèle parisien, que ce soit pour en envisager l'adoption (dans l'Europe de l'absolutisme éclairé ? dans l'Europe napoléonienne ?) ou, au contraire, pour le définir comme un repoussoir — Robert Peel et la New Police — mérite réflexion, d'autres influences sont également à envisager, comme celle des sciences camérales de l'espace germanique. Mais la dimension internationale du projet est également épistémologique. L'étude de la police et du maintien de l'ordre est en plein renouveau, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Allemagne et il y a beaucoup à attendre du décloisonnement des approches.

Il s'agit aussi de s'affranchir de la césure pour partie factice de la Révolution française ou, au contraire, de lui rendre sa juste place en tant que “moment créateur” à l'échelle de l'Europe. S'ouvrant lorsque l'institution policière se dégage dans les faits de la justice en France, à la fin du dix-septième siècle, la période choisie apparaît particulièrement féconde, les appareils policiers étant confrontés à la croissance urbaine, aux convulsions sociales et politiques du tournant du dix-huitième siècle, du dix-neuvième siècle et du vingtième siècle, à l'invention du gouvernement d'opinion, aux crises majeures des guerres mondiales. La nature des régimes politiques et des styles de gouvernement successifs, qui constitue une variable à laquelle les institutions policières doivent sans cesse s'ajuster, interrogeant sinon remettant de manière récurrente en question leurs pratiques et leur légitimité, retient bien évidemment l'attention. Ce sont là  des moments où la police réfléchit sur elle-même, pour justifier ou adapter son action, pérenniser son existence, accroître ses moyens et ses effectifs, voire ses pouvoirs.

En centrant notre projet sur les acteurs, situés à différents niveaux de la hiérarchie, nous souhaitons interroger en premier lieu les formes de la professionnalisation policière dans la longue durée, avec leurs évolutions, leurs ruptures ou leurs éléments de continuité. Comment entre-t-on dans la carrière et comment s'organise son déroulement ? Comment (se) forme-t-on aux métiers de la police ? Quel est le profil socio-culturel, voire familial des candidats  : policiers de père en fils dans la logique patrimoniale de l'office sous l'Ancien Régime, rôle des clientèles et des protections, méritocratie républicaine et dévouement au service public par la suite ? L'ensemble des  stratégies professionnelles ou individuelles, les marges d'appréciation et d'autonomie laissées aux agents, les rapports avec la société, les autorités de tutelle ou avec d'autres pouvoirs (politiques, judiciaires, municipal…) sont ici à prendre en considération.

1. Dans ce premier ensemble, la question des savoirs policiers et de leur définition mérite une réflexion spécifique. Quelles sont les modalités d'acquisition et de transmission de savoirs théoriques et pratiques dont certains vont de pair avec l'émergence de véritables spécialités techniques ou scientifiques ? Que dire de “l'empirisme policier”, souvent rétif aux efforts de théorisation, voire d'encadrement judiciaire ? Comment rendre compte néanmoins d'une activité qui semble, depuis les époques les plus anciennes, avoir accordé une importance particulière à de multiples pratiques de l'écrit, plus ou moins formalisées ? Qu'en est-il de la constitution d'une mémoire de la police à travers l'organisation de service d'archives, offrant à la fois un corpus de référence capable d'influer sur l'organisation du travail et déclinant les motifs d'identités professionnelles en construction.

2. Il importe de tenir compte, dans le temps long et dans l'espace, de la diversité des institutions investies de pouvoirs de police. S'il s'agit là de pointer des spécificités locales, nationales, chronologiques, le dépassement de strictes limites “institutionnelles” ou nationales s'impose. Au contraire, les questionnements en cours devraient conduire à mettre en valeur les circulations des acteurs, celles des principes ou des pratiques, à privilégier l'appréhension des  échanges, la confrontation des modèles et des solutions retenues, projetées, idéalisées (mission d'expertise, circulation de traités et textes à portée théorique et réformatrice, collaborations diverses entre polices…) . À ce jeu, certains couples et antonymes doivent surgir pour susciter à nouveau frais des interrogations : police anglaise versus polices continentales, polices militaire/polices “civiles”, maréchaussée-gendarmerie/police, polices urbaines/polices étatiques, polices professionnelles/polices parallèles ou officines privées…

3. Les interrogations sur les  savoirs et les pratiques, ne sont pas dissociables d'un ensemble de discours tenus sur la police, de systèmes de représentation, voire d'auto-représentation de la police, de ses acteurs, de ses services. L'objectif est ici moins de présenter un éventail “d'images” que de trouver des voies pour comprendre la construction des identités policières, individuelles et collectives. Il s'agit aussi d'appréhender le répertoire des attitudes, des relations ou des conflits entre la police et les populations. Le “bon” policier ne l'est pas nécessairement pour tous et à tout moment. Qu'est ce qui définit le zèle policier ? Qui en produit les critères, qui les reprend à son compte et dans quelles circonstances ? L'image construite et reçue de la police est tributaire de la mise en oeuvre de systèmes de valeurs, vécus comme normes, intégrés dans les comportements des acteurs, attendus par les populations. Cela peut fort bien supposer des approches contradictoires, des conflits internes qui ne sont pas sans rejaillir sur la légitimation des modes d'agir de la police au sein du corps social.

4. Ce dernier point invite à se pencher sur les modalités de l'action policière, face aux populations. Cela revient pour une part à s'interroger sur ce qui fonde sa légitimité sociale et, partant, à souligner ce qui peut faire évoluer les formes du compromis sur lequel repose ce qu'on appelle “l'ordre public”. Quel “style” de police admet-on plus ou moins facilement, pour régler quel type de problème ? La question de la “visibilité” de la police apparaît ici emblématique en ce qu'elle renvoie aux diverses modalités choisies pour encadrer les populations selon les circonstances : le port ostensible de l'uniforme ou l'infiltration forcément clandestine/discrète des milieux “à risques”, la publicité ou le secret de ses actions, l'organisation d'une présence visible dans l'espace ou le recours à des systèmes virtuels… Autant de compétences spécifiques, de formes de professionnalisation requises reçues par des populations consentantes, rétives ou plus certainement, à la recherche de nouveaux équilibres.

Nous espérons que ce projet rencontrera un large écho auprès des chercheurs intéressés et contribuera au décloisonnement de nos réflexions mutuelles. Les propositions de contribution (une page) sont à adresser pour le 1er décembre 2005, de préférence par courrier électronique ou, à défaut, par courrier postal à :

Vincent Milliot

Université de Caen, faculté des Sciences Humaines

Esplanade de la Paix

14032 Caen Cedex

vincent.milliot@wanadoo.fr


Le comité scientifique pressenti

  • ANTONIELLI Livio (Universita di Milano)
  • BESSEL Richard (University of York)
  • CLIVE Emsley (The Open University)
  • FARCY Jean-Claude (CNRS Centre G. Chevrier UMR 5605)
  • FIJNAUT Cyril (Université Catholique de Louvain)
  • KAPLAN Steven (Cornell University)
  • LEVY René (GERN-CNRS UMR 2190)
  • LUC Jean-Noel (Université Paris IV)
  • MARIN Brigitte (École Française de Rome)
  • MERIMAN John (Yale University)
  • MUCCHIELLI Laurent (CESDIP-CNRS)
  • PORRET Michel (Université de Genève)
  • REINCKE Herbert (Université de Wuppertal)
  • ROCHE Daniel (Collège de France)
  • ROUSSEAUX Xavier (FNRS, Université de Louvain la neuve)
  • SBRICCOLI Mario (Universita di Macerata)