La revue Inter-Lignes lance un appel à contributions sur le thème « Migrations au féminin. Visibilité, enjeux, écriture ».
Si les migrations constituent une dynamique mondiale mettant en mouvement des dizaines de millions de personnes chaque année, la prise en compte des mouvements de populations féminins est relativement récente dans les sciences sociales.Ces migrations englobent les femmes migrant à l'intérieur d'un même pays ou à travers les frontières internationales (femmes réfugiées et femmes déplacées internes).Longtemps assimilée à une migration familiale la mobilité féminine a considérablement évolué au point qu’aujourd’hui les femmes représentent plus de la moitié des migrants arrivant en France. Speranta Dumitru1 rappelle par ailleurs que près de 31 % des migrantes de plus de 25 ans présentes en Europe sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
Mais les statistiques peuvent être trompeuses et la réalité de la migration est souvent encore moins flatteuse et plus précaire que son pendant masculin.De fait, la réalité des femmes migrantes doit être envisagée sous plusieurs angles. Les enjeux qui en découlent sont variés et il faut prendre un certain nombre de points en considération pour cerner au mieux cette dynamique migratoire complexe.En premier lieu les femmes migrent pour des raisons diverses au premier rang desquelles il faut placer les causes économiques, familiales, éducatives et les impératifs liés à leur sécurité.Cela oblige à intégrer les contraintes inhérentes à la violence armée et plus largement à toutes les formes d’atteintes aux droits élémentaires de la personne humaine, ceux-ci touchant encore plus durement les femmes.De ce point de vue il faut intégrer le genre comme un élément clé dans la migration. Cela permet de mettre en lumière le fait que les femmes font face à des défis spécifiques dans leurs parcours migratoires, qu’il s’agisse de la migration proprement dite mais aussi de l’avant et de l’après.Par ailleurs, les migrations féminines jettent une lumière crue sur la vulnérabilité extrême de cette population à travers les discriminations liées à leur statut migratoire, leur origine ethnique, leur appartenance sociale etc.
Les femmes doivent donc faire face à la violence de genre, à l'exploitation, au traffic d'êtres humains, aux discriminations sur le marché du travail, à l'accès limité à la santé et à l'éducation ou encore à l'exclusion sociale.Comme le rappelait justement Mustapha Harzoune2 en 2015 « Toutes ne partent pas pour « vivre leur propre vie ». Elles sont nombreuses à s’aventurer dans la nuit noire de l’exil, doublement « vulnérables » parce qu’elles doivent subir les dangers et les hommes, sans pouvoir se plaindre. Ce sont alors des ambassadrices, un capital humain exporté pour assurer l’avenir des leurs ».Au-delà des considérations précitées qui pourraient laisser penser que les femmes sont en quelque sorte « condamnées » à n’être que des victimes d'un fait migratoire empreint de violence, les migrantes jouent souvent un rôle important dans la vie économique et sociale de leurs pays d'origine, de transit et d’installation.
Elles contribuent aux économies locales et nationales par leur entrée sur le marché du travail et des remises de fonds souvent vitales pour la famille restée au pays. Pour autant, cette contribution reste souvent sous-valorisée et elles font souvent face à des conditions de travail et de vie précaires.La médiatisation et le caractère de plus en plus massif de ces migrations féminines font que les femmes migrantes s’inscrivent désormais dans la littérature contemporaine, qu’il s’agisse de récits fictionnels explorant les expériences de la migration et de l'exil ou encore d’écrits témoignant directement d’un fait migratoire conjugué au féminin.En se concentrant sur les défis que la population migrante doit relever (barrière de la langue, discrimination, séparation de leur famille et surtout difficulté à se faire une place dans une société inconnue) ces récits mettent ainsi couramment en avant leur capacité d’adaptation et leur résilience.
Nous souhaitons donc questionner les migrations au féminin dans leur ensemble et sans considérations liées à un espace géographique particulier ou une époque déterminée.
L’accent sera mis sur la manière dont se vit, se dit, s’écrit ladite migration. Cela ouvre donc à la fois la porte à des travaux de chercheurs en sciences humaines et sociales mais aussi – et peut-être surtout – au champ des études littéraires à travers l’observation de la mise en écriture des parcours migratoires.
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1 Speranta Dumitru, Abdeslam Marfouk, Existe-t-il une féminisation de la migration internationale ? Féminisation de la migration qualifiée et invisibilité des diplômes, Hommes & Migrations 2015/3 (n° 1311), pages 31 à 41.
2 Mustapha Harzoune, « Figures (littéraires) de la « femme immigrée » », Hommes & migrations [En ligne], 1311 | 2015, mis en ligne le 23 février 2016, URL : http://journals.openedition.org/hommesmigrations/3398.
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DUMITRU Speranta , Abdeslam Marfouk, Existe-t-il une féminisation de la migration internationale ? Féminisation de la migration qualifiée et invisibilité des diplômes, Hommes & Migrations 2015/3 (n° 1311), pages 31 à 41
GUERRY Linda, 2013, Le Genre de l’immigration et de la naturalisation. L’exemple de Marseille (1918-1940), Lyon, ENS Éditions.
HARZOUNE Mustapha , « Figures (littéraires) de la « femme immigrée » », Hommes & migrations [En ligne], 1311 | 2015, mis en ligne le 23 février 2016, URL : http://journals.openedition.org/hommesmigrations/3398
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KASTERZSTEIN, J., 1990 « Les stratégies identitaires des acteurs sociaux : approche dynamique des finalités », dans C. Camilleri et autres, Stratégies identitaires. Paris, Presses universitaires de France : 27-42.
LAACHER, Smaïn. « De la violence à la persécution, femmes sur la route de l’exil », La Dispute, 2010.
SANCHES, Charles L.Vieira. « Migrations Internationales et Droits de l’Homme », Editions universitaires européennes, 2001.
SIMON, Gildas. « La planète migratoire dans la mondialisation », Armand Colin, 2008.
WIHTOL DE WEDEN, Catherine. « La Globalisation Humaine », Presses Universitaires de France, 2009.
WIHTOL DE WEDEN, Catherine. « Atlas des migrations » , Editions Autrement , 2018.
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