Actualité
Appels à contributions
L’autofiction et les reconfigurations du lyrisme (Montréal)

L’autofiction et les reconfigurations du lyrisme (Montréal)

Publié le par Marc Escola (Source : Gabriel Proulx)

L’autofiction et les reconfigurations du lyrisme

Université de Montréal | 17 novembre 2023

Dans ses Principes de la littérature publiés au XVIIIe siècle, Charles Batteux indique déjà que la poésie lyrique est celle qui fait «les plus grands efforts pour exprimer l’état de l’âme[i]». De son côté, Victor Hugo insistera près d’un siècle plus tard sur la place centrale que le moi doit occuper dans toute œuvre lyrique[ii]. Ces définitions correspondent assez bien à celle que nous donnons encore aujourd’hui à ce genre: une littérature où l’on observe une certaine propension à la sentimentalité et qui découle d’une plongée dans l’intériorité personnelle.

Le lyrisme n’est pas sans détracteur‧rices: de Nicolas Boileau, qui reproche aux lyriques l’aspect boursouflé de leurs vers, à Gustave Flaubert, qui ridiculise «les méandres lamartiniens[iii]», la poésie lyrique, malgré la place qu’elle occupe dans l’histoire littéraire française et plus spécialement dans le romantisme et le symbolisme, sera reléguée à un statut secondaire par plusieurs auteur‧rices. À l’époque contemporaine, le débat subsiste: alors que des écrivain‧es comme Jean-Michel Maulpoix appellent à repenser le lyrisme de manière critique[iv], d’autres comme Nathalie Quintane en parlent comme d’une relique artistique et culturelle qu’il faudrait abandonner[v], entre autres en raison de sa supposée naïveté et de la mièvrerie qui l’accompagne parfois.

Malgré les malentendus et les guerres idéologiques, il semble que le lyrisme soit encore de nos jours associé principalement à la poésie. Pourtant, si nous nous en tenons à sa définition telle qu’elle s’est construite au cours des derniers siècles en France, d’autres écritures modernes non-poétiques en ont les traits, dont l’autofiction, plus populaire que jamais en France comme au Québec.

Notre journée d’étude souhaite rendre compte de cet angle mort: l’autofiction, genre naturellement associé à l’introspection et à la mise en récit d’un vécu intime, n’est presque jamais associée explicitement au lyrisme, même si elle en porte pourtant la marque indéniable. Loin de simplement répéter les schèmes lyriques poétiques sous forme narrative, l’autofiction semble cependant le lieu d’une reconception du lyrisme et de ses avatars, puisqu’elle déplace constamment la ligne entre émotion et critique sociale tout en jouant avec les notions de véracité et d’authenticité. C’est ce phénomène que nous aimerions explorer plus en profondeur lors de notre événement, où nous tenterons d’établir le lien entre l’écriture de soi et le lyrisme, mais aussi les limites d’un tel rapprochement.

Les propositions de communication pourront porter sur les thèmes suivants et sur d’autres sujets connexes:

-       L’écriture du traumatisme par-delà le pathos et la catharsis

-       L’écriture de soi et la création de communautés

-       L’autonarration, entre fiction, poésie et réflexion critique

-       L’écriture du (self)care, un geste thérapeutique?

-       Les minorités (visibles, sexuelles, ethniques, religieuses, de genre, neurologiques, corporelles) et l’autofiction comme positionnement politique

-       L’écriture autofictionnelle désaffectée ou la dépersonnalisation du récit de soi

-       L’autofiction décentrée, ou parler de soi pour mieux parler des autres

-       Le lyrisme et la place que leur réservent respectivement l’autonarration, l’autofiction, l’écriture de soi et la littérature de l’intime en tant que concepts voisins

Les propositions, d’une longueur de 200-300 mots, doivent nous parvenir à l’adresse courriel colloqueautofictionlyrisme@gmail.com au plus tard le 15 juillet 2023.

Veuillez inclure une courte notice biobibliographique dans le document. Les propositions peuvent porter sur la littérature française, francophone et/ou comparée et s’inscrire dans les domaines de la recherche et de la recherche-création.

Comité scientifique :

Gabriel Proulx (Université de Montréal), Catherine Mavrikakis (Université de Montréal), Alex Noël (Université de Montréal) et Stéphane Martelly (Université de Sherbrooke)

 
[i] Charles Batteux, «VI. Traité de la poésie lyrique», dans Principes de la littérature (cinquième édition), Genève, Slatkine, 1967 (1774), p. 272.
[ii] Victor Hugo, Correspondance, t. 2, Paris, Albin Michel, 1950 [1852], p. 134.
[iii] Gustave Flaubert, Madame Bovary, Paris, Gallimard, 2001 [1857], p. 89.
[iv] Jean-Michel Maulpoix, Pour un lyrisme critique, Paris, José Corti, 2009.
[v] Rappelons que Quintane décrit le lyrisme comme «notre port d’attache – d’attache, c’est-à-dire que nous y sommes enchaînés, que nous y retombons, que nous y barbotons, et qu’une partie de la littérature d’expression française […] y dort et y rouille.» (Nathalie Quintane, Tomates, Paris, P.O.L, 2010, p. 43.)