Essai
Nouvelle parution
Patrick Kéchichian, L'écrivain, comme personne

Patrick Kéchichian, L'écrivain, comme personne

Publié le par Marc Escola

Préface de Didier Cahen

Exercice d’introspection morale et visionnaire, L’écrivain, comme personne est le dernier livre de Patrick Kéchichian. Il y cerne la tension entre l’« inconnaissance » des origines, les « taiseuses dérives » de l’adolescence et la fragile « loi d’équilibre » de la vie adulte, toujours menacée par l’« ivresse de l’effacement».

« Si je me confesse aujourd’hui, si je développe et retourne comme un gant ma petite histoire intime, ce n’est pas à voix basse, feutrée, confortablement installé dans mon boudoir, en robe de chambre, mais en la hurlant, comme l’assoiffé couvert de cendres qui court, nu, éperdu, dans le désert. »

Depuis l’espace du dedans jusqu’au loi de l’hospitalité, en passant par les sentiments de désespoir et d’imposture, la tentation de la folie, la double conversion bienfaisante à la langue française et à la foi catholique, le dépôt des armes sociales, Patrick Kéchichian met à nu sa conscience et son « insolvabilité psychique » : « Par la reconnaissance du mal, la voie était donc ouverte au bien. »

Prisant un style pesé au trébuchet et non dénué d’auto-dérision, il dévoile l’axe de sa démarche : « Je ne suis pas fou ». Et pose la question qui embrasse tout : « Comment, en un seul geste, donner et recevoir ? Parler et écouter ? Lire et écrire ? » Après avoir creusé de ses propres mains son abîme, il accède enfin, en écrivain, à cette « mince barrière de mots et d’intuitions, d’espérance. De larmes. »

Patrick Kéchichian (1951-2022) — Fils d’immigrés arménien, autodidacte, il entre au quotidien Le Monde comme garçon d’étage en 1970. Il passe au service de la documentation quelques années plus tard. Remarqué par Nicole Zand qui le voit lire tout le temps, il commence à rédiger des articles sur la poésie pour « Le Monde des Livres ». Au milieu des années 80, François Bott, directeur de ce supplément, l’intégre à l’équipe de rédaction, dont il devient l’un des principaux critiques littéraires, puis le directeur adjoint. Il quitte Le Monde en 2008 et continue à écrire pour La Croix, La Revue des Deux Mondes, et artpress.

Patrick Kéchichian a publié divers essais et récits centrés sur la littérature et la foi : Les Usages de l’éternité. Essai sur Ernest Hello, en 1993 ; Les Origines de l’alpinisme. Exercices spirituels, en 2011 ; L’Aiguille de minuit. Carnet de l’Alpiniste, en 2004 ; Des princes et des principauté. Pamphlet, en 2006 ; Petit éloge du catholicisme, en 2009 ; Paulhan et son contraire, en 2011 ; Saint-Paul, le génie du christianisme, en 2012 ; et La défaveur (récit), en 2017. Autant La défaveur était le récit de son « histoire intérieure » et de sa conversion, autant ce livre-ci aborde sa complexe relation à la littérature et au statut d’écrivain…

On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr deux article ssur cet ouvrage :

"Le paradoxe de l’écrivain", par Marie Étienne (le 3 mai 2023).

Dans La défaveur, Patrick Kéchichian relate son apprentissage de la spiritualité et du catholicisme, et, dans L’écrivain, comme personne, il s’interroge sur ce qu’a été pour lui l’aventure qui consiste à devenir écrivain.

"L’enjeu d’une simple virgule", par Jacques Darras (le 3 mai 2023)

À la toute dernière page de L’écrivain, comme personne, l’essai de Patrick Kéchichian (1951-2022) publié à titre posthume par l’éditrice Claire Paulhan, son épouse, nous lisons cette information apparemment anodine qui a tout de suite retenu notre attention : « S’il avait en effet renoncé à composer un essai sur la disparition de la Critique ». Sans chercher à apprendre pourquoi le projet évoqué ne fut pas entrepris, nous regrettons profondément qu’il ne se soit pas concrétisé. Si quelqu’un, à notre sens, avait la légitimité requise pour écrire un essai sur « la disparition de la Critique », c’était bien Patrick Kéchichian.