Actualité
Appels à contributions
La carte à jouer et ses formes numériques : un dispositif d’écriture et de narration ? (Nouveaux Cahiers de Marge, n° 9)

La carte à jouer et ses formes numériques : un dispositif d’écriture et de narration ? (Nouveaux Cahiers de Marge, n° 9)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Charles Meyer)

Appel à contributions – Numéro 9 des Nouveaux Cahiers de Marge



La carte à jouer et ses formes numériques : un dispositif d’écriture et de narration ?



Présentation de la revue

Revue de l’équipe de recherche MARGE (EA3712), Les Nouveaux Cahiers de Marge ont pour axes principaux : poétiques numériques, poétique, littérature et histoire et pratiques médiatiques et industries culturelles. Ils regroupent des recherches en Littérature, Langues et Sciences de l'Information et de la Communication. Ils se proposent comme objets les relations de la littérature avec ce qui la borde ou la traverse, qu’il s’agisse d’autres discours et récits, d’autres champs disciplinaires, d’autres médias. La revue intègre notamment les formes d'expression numériques et audiovisuelles de toutes les aires géographiques et linguistiques.


Argumentaire

            En 2023, le jeu de cartes à collectionner Magic The Gathering (Garfield, Wizards of the Coast, 1993), célèbre son 30e anniversaire. Trente années d’existence au cours desquelles ce jeu a connu de multiples transformations pour devenir, d’une part, un dispositif ludique complexe constitué de milliers d’éléments uniques et de règles en perpétuelle actualisation, a fortiori avec la déclinaison progressive de Magic sous plusieurs formes numériques, relativement fidèles et complètes vis-à-vis du jeu d’origine. D’autre part, Magic fonctionne aujourd’hui comme un véritable écosystème transmédiatique (Jenkins, 2006 ; Bourdaa, 2013 ; Groupierre, 2017), composé de créations littéraires et audiovisuelles réalisées par Wizards of the Coast ou par de nombreuses communautés de fans. Cet écosystème intègre bien entendu le jeu en lui-même qui, au-delà de développer un univers diégétique qui lui est propre, s’ouvre de plus en plus à d’autres franchises, telles que Fortnite (Epic Games, 2017) ou encore Stranger Things (Duffer et Duffer, Netflix, 2016-2022), par l’intermédiaire de crossovers. Avec ces cartes issues de processus d’hybridations formelle et sémiotique se pose la question de l’adaptation d’une œuvre première, aussi bien jouable que non-jouable, vers une carte à jouer seconde, intégrée à un ensemble de cartes et de règles plus vaste. Autrement dit, avec cet exemple, la question qui se pose ici est celle de la carte à jouer comme média et comme dispositif de narration, avec ses éventuelles écritures spécifiques et ses potentielles métamorphoses numériques et transmédiatiques.

Dans le cadre de ce numéro des Nouveaux cahiers de Marge, nous proposons de déplier cette interrogation sous la forme de trois problématiques centrales : 

-        Quels sont les enjeux de l’écriture pour ou avec des cartes à jouer ?

-        Dans quelle mesure la carte à jouer est-elle un dispositif narratif ?

-        Qu’est-ce que le numérique et ses cultures font à la carte à jouer ?

Si le présent appel à contribution s’est appuyé sur l’exemple de Magic, du fait de son actualité, c’est bien de la carte à jouer et de ses formes numériques, au sens large, que ce numéro des Nouveaux Cahiers de Marge cherche à se saisir. Ainsi, en complément de ces trois problématiques structurantes, nous proposons aux contributeurs et contributrices trois axes de travail dans lesquels inscrire leurs travaux.
 

Axe 1 : Les expériences instrumentées de la carte à jouer et ses transformations numériques

Selon Nathan Altice (2014), cinq traits permettent de définir la carte à jouer, en tant que plateforme de jeu : elle est planaire, uniforme, ordinale, spatiale et texturale. Cette dernière caractéristique est particulièrement importante, parce qu’elle répond à la nécessité, pour la carte, d’être manipulée afin d’être mise en jeu. « Le toucher est partie prenante de la conception d’un jeu de cartes. Mélanger, empiler, distribuer, couper, disposer en éventail, plier, retourner sont autant de manipulations qui exigent que les joueurs et joueuses touchent leurs cartes. » (Altice, 2014) Ainsi, la texture de la carte désigne sa facilité à être manipulée, pour une expérience instrumentée (Triclot, 2011, p. 15-17) confortable et ne faisant pas obstacle au déroulement de la partie. Qu’advient-il alors, lorsque la carte à jouer est dématérialisée et que ces manipulations sont prises en charge par la machine de jeu ? (Triclot, 2011, p. 38-41)

            C’est à cette question que ce premier axe cherche à répondre, dans le but d’expliciter les transformations, opérées par les dispositifs numériques, des jeux de cartes et des expériences instrumentées dont ils sont le support (Buzy-Christmann, Di Filippo, Goria, Thévenot, 2016 ; Lauritano, 2022). Dans les aller-retours entre analogique et numérique, lorsque les entités responsables des gestes de jeu, du calcul et de la gestion des informations ludiques disponibles changent de statut et de nature, quelles écritures de la carte à jouer pour quelles expériences instrumentées et sensibles de la carte à jouer ?


Axe 2 : La carte et le jeu de cartes comme récit en puissance à actualiser par le geste

La multiplication et le succès de jeux de deckbuilding (de construction d’un paquet de cartes évolutif en accord avec des contraintes ludiques), aussi bien analogiques que numériques et aussi bien solitaires que multi-joueurs, suggèrent que la création de règles pour régir les opérations centrales de ce type de jeux (constitution d’un paquet puis pioche, révélation, ou activation d’une carte) peuvent produire des expériences de jeu et des récits ludiques et vidéoludiques (Cayatte, 2018) riches et variés.

Aussi, au-delà des pratiques ludiques, la carte à jouer est également utilisée dans le cadre de pratiques divinatoires, au cours desquelles la révélation puis l’interprétation d’une carte ou d’un ensemble de cartes à partir d’un paquet codifié permet de produire une prédiction ou un récit spéculatif au sujet de la personne pour qui le tirage est réalisé. Si le tarot de Marseille est l’exemple le plus célèbre de jeu de cartes divinatoire, la production de tarots et d’oracles personnalisés (Miller, 2022) illustre un potentiel d’écriture de soi, d’expression ou de création artistique (Batlle, 2013) par la conception de jeux de cartes. 

En effet, réunir des cartes pour constituer un paquet revient à mettre en forme une séquence potentielle d’événements à venir, un récit virtuel amené à être actualisé par le tirage ou reconfiguré par le mélange du paquet. De même, la mise en forme et la disposition des informations sur une carte en accord avec un système de règles peuvent être des moyens de faire référence à des éléments narratifs (Cuvelier, 2011), y compris extra-ludiques, tels que le mythe d’Orphée (Morisset, 2019) ou le monde du travail (Cornu, 2018).

Ce deuxième axe interroge donc la capacité de la carte à jouer et du jeu de cartes à servir de catalyseurs à une mise en récit, voire de matrice narrative, par les gestes qu’ils invitent et les informations qu’ils communiquent.


Axe 3 : Fonctions symboliques et narratives de la carte à jouer dans les productions culturelles

Les jeux de cartes traditionnels, tels que la belote ou la bataille, forment un type de jeux de cartes ancien et toujours très ancré dans les pratiques de jeu, en France notamment (Berry, Coavoux, 2021). Du fait de leur antériorité par rapport à d’autres formes ludiques, ces jeux de cartes, ainsi que les jeux avec mise comme le poker, traversent nos productions culturelles et en particulier littéraires et cinématographiques. La partie de cartes et le contexte dans lequel elle se déploie peuvent ainsi refléter les cadres qui orientent voire régissent les interactions entre des personnages (Amandio et Wit, 2021) ou encore articuler les enjeux de la partie avec les enjeux des interactions entre les personnages (Messina, 2019).

Pour inscrire une contribution dans cet axe, nous invitons donc à étudier les fonctions symboliques et narratives de telles parties de carte ou encore de l’objet ‘carte à jouer’ dans des productions littéraires, cinématographiques, radiophoniques, vidéoludiques, etc… À quelles logiques narratives, poétiques et/ou discursives ces usages de la carte à jouer répondent-ils ? Quels imaginaires permettent-ils de développer ?


Modalités d’envoi des propositions

            Pour cet appel à contribution, les autrices et auteurs sont invités à produire des textes de 25 000 à 40 000 signes (espaces compris et bibliographie comprise), transmis en deux versions :

-        La première contient le texte de l’article, un résumé de 1000 signes maximum (espace compris) en français et en anglais, une liste de 4 à 6 mots-clés en français et en anglais, une courte notice biographique indiquant les rattachements institutionnels de l’auteur·rice.

-        La seconde, entièrement anonymisée, ne contient que le texte de l’article (titre et bibliographie inclus) en vue de son évaluation en double aveugle. 

Ces deux documents ainsi que les éventuels fichiers supplémentaires (annexes, images, etc...) doivent être transmis au plus tard le 01/09/2023 à l’adresse charles.meyer.contact@gmail.com

Pour rédiger votre proposition d’article, merci de vous référer aux pages Instructions aux auteurs et Normes bibliographiques sur le site des Nouveaux Cahiers de Marge.


Calendrier

·       01/09/2023 : Date limite de réception des articles.

·       20/11/2023 : Envoi des évaluations en double aveugle aux auteur·rice·s.

·       05/02/2023 : Date de réception de la seconde version des articles.

·       Printemps 2024 : Publication du numéro.



Bibliographie indicative

Altice, Nathan, « The Playing Card Platform », Analog Game Studies, Volume 1, n°4, 2014, URL : https://analoggamestudies.org/2014/11/the-playing-card-platform/ 

Amandio, Manon et Wit, Sébastien, « Sociopoétique du jeu de cartes dans la nouvelle du xixe siècle », Sociopoétiques, n°6, 2021, DOI : 10.52497/sociopoetiques.1427 URL : http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=1427 

Battle, Carles, « Méthode Tremendo de dramaturgie cartomancienne », Études théâtrales, n°56-57, p. 234-247, 2013, DOI : 10.3917/etth.056.0234. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-theatrales-2013-1-page-234.htm 

Berry, Vincent, Coavoux, Samuel, « « Qui veut jouer au Monopoly ? » Cultures et pratiques du jeu de société en France », Sciences du jeu, n°14, 2021, DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.2819 URL : http://journals.openedition.org/sdj/2819 

Bourdaa, Mélanie, « Le transmédia storytelling », Terminal, n°112, p.7-10, 2012, DOI : https://doi.org/10.4000/terminal.447 URL : https://journals.openedition.org/terminal/447 

Buzy-Christmann, Delphine, Di Filippo, Laurent, Goria, Stéphane et Thévenot, Pauline, « Correspondances et contrastes entre jeux traditionnels et jeux numériques », Sciences du jeu, n°5, 2016 DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.547 URL : http://journals.openedition.org/sdj/547 

Cayatte, Rémi, « Temps de la chose-racontée et temps du récit vidéoludique : comment le jeu vidéo raconte ? », Sciences du jeu, n°9, 2018, DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.936 , URL : http://journals.openedition.org/sdj/936 

Cornu, Roger, « Lire le travail dans les cartes », Images du travail, travail des images, n°5, 2018, DOI : https://doi.org/10.4000/itti.892 , URL : http://journals.openedition.org/itti/892 

Cuvelier, Pierre, « Jeu et fiction dans un jeu de cartes à collectionner : le cas de Magic : l’Assemblée », Strenæ, n°2, 2011, DOI : https://doi.org/10.4000/strenae.305 URL : http://journals.openedition.org/strenae/305 

Groupierre, Karleen, « Le transmédia : un dépassement du médium ? », Appareil, n°18, 2017, DOI : https://doi.org/10.4000/appareil.2403, URL : http://journals.openedition.org/appareil/2403 

Jenkins, Henry, Convergence Culture : Where Old and New Media Collide, New York, New York University Press, 2006.

Lauritano, Giacomo, « Analysis of the Player Experience Across Digital and Physical Worlds », Analog Game Studies, Volume 9, n°3, 2022, URL : https://analoggamestudies.org/2022/09/analysis-of-the-player-experience-across-digital-and-physical-worlds/ 

Messina, Luisa, « Les jeux de cartes dans le roman libertin du dix-huitième siècle », Les chantiers de la création, n°11, 2019, mis en ligne le 20 avril 2019 DOI : https://doi.org/10.4000/lcc.1562 URL : http://journals.openedition.org/lcc/1562  

Miller, Chris, « How Modern Witches Enchant TikTok : Intersections of Digital, Consumer and Material Culture(s) on #WitchTok », Religions, Volume 13, n°2, 2022, DOI : https://doi.org/10.3390/rel13020118

Morisset, Thomas, « Entre la lutherie et les jeux vidéo : penser un jugement de goût technique », Sciences du jeu, n°11, 2019 DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.1801 URL : http://journals.openedition.org/sdj/1801  

Triclot, Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, La Découverte, Collection Zones, 2011.