Essai
Nouvelle parution
Annie Le Brun, La vitesse de l'ombre

Annie Le Brun, La vitesse de l'ombre

Publié le par Marc Escola

Avec internet et le métavers, le capital est en train de réaliser son rêve jusqu’alors impossible d’un imaginaire où tout s’achète. Événement sans précédent, contre lequel nous n’avons pas grand-chose à opposer, si ce n’est d’énigmatiques images en fuite, mues par l’urgence de ne pas se laisser déposséder de leur secret, c’est-à-dire de la part d’ombre dont elles sont porteuses. Afin de recouvrer ce que ce monde est en train de nous voler, il ne tient qu’à nous de recourir à cette vitesse de l’ombre qui ne cesse d’approfondir l’horizon vers l’infini qui nous habite.

Si nous nous encombrons encore de bagages, c’est sans doute qu’ils contiennent les voyages que nous n’avons pas faits. Celui-ci, je l’ai commencé sans savoir où j’allais et je l’ai poursuivi jusqu’à découvrir quelque chose comme la cartographie de nouvelles constellations, dans lesquelles la singularité des désirs rejoint les plus lointains mouvements de l’univers.

Il m’est impossible de croire qu’au plus profond de sa nuit chacun ne possède pas de telles images filantes susceptibles de changer le paysage. Je ne connais pas de meilleure raison pour ne pas en finir de prendre à revers un monde qui, chaque jour un peu plus, oublie le monde. — A. L. B.

On peut lire sur en-attendant-nadeau un entretien et un article sur cet ouvrage :

Entretien avec Annie Le Brun, par Eugénie Bourlet (en ligne le 4 main)

« Si nous nous encombrons encore de bagages, c’est sans doute qu’ils contiennent les voyages que nous n’avons pas faits. Celui-ci, je l’ai commencé sans savoir où j’allais et je l’ai poursuivi jusqu’à m’apercevoir que chacune de ses étapes dessinait en filigrane un appel à l’insurrection lyrique. » La vitesse de l’ombre, dernier ouvrage d’Annie Le Brun, conte ce voyage à travers peintures et photographies, librement réunies en fonction d’un même mystère suggéré par le regard ou la pose du personnage représenté, la composition de la scène, les lignes de fuite du paysage.

"Résistance des images", par Pauline Hachette (en ligne le 4 mai 2023).

Annie Le Brun a développé ces dernières années, avec une vigilance aussi sensible que déployée en raison, une critique aiguë du règne de l’image sous lequel nous vivons. Ceci tuera cela (Stock, 2021), coécrit avec Juri Armanda, proposait ainsi une analyse du statut de l’image au XXIe siècle, écrasée par des logiques quantitative, virale et distributive, devenue meilleure alliée du capital et de sa retorse stratégie de surveillance et de récompense. Annie Le Brun est revenue à plusieurs reprises, notamment dans l’entretien qu’elle a accordé à EaN, sur la « prison » invisible que ces images forment autour de nous, sur la sidération et la suspension critique qu’elles instaurent, tant par la saturation que par leur constant recours au grandiose et au spectaculaire.