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Images de Chateaubriand sous la Restauration (ENS Paris)

Images de Chateaubriand sous la Restauration (ENS Paris)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Samantha Caretti)

 « Images de Chateaubriand sous la Restauration »

Appel à communications

Journée d’études de la Société Chateaubriand

Samedi 14 octobre 2023

ENS, rue d’Ulm, Paris

Responsable : Samantha Caretti

L’époque de la Restauration offre à Chateaubriand l’occasion de jouer un rôle de premier plan dans la société, tant comme homme de lettres que comme homme politique. Déjà avancé dans sa carrière, Chateaubriand est alors considéré comme une des réputations de la France et se rêve désormais « l’homme de la Restauration possible, de la Restauration avec toutes les sortes de libertés[1] ». Devenu une véritable célébrité littéraire, Chateaubriand choisit cependant de délaisser la fiction qui avait fait sa notoriété pour l’écriture de l’histoire contemporaine et le journalisme, mais aussi pour le combat politique, favorisé par le retour des Bourbons auxquels il entend prêter sa voix. Après la gloire dont il a recueilli les lauriers sous l’Empire, il « [se donnerait] à l’ambition[2] » sous la Restauration, selon les mots de son ami poète, Chênedollé. Tout l’enjeu pour Chateaubriand consiste, après avoir été reconnu grand écrivain, à le rester, mais aussi à s’affirmer comme homme d’État.

À l’heure de la célébration des bicentenaires des différents événements et publications ayant marqué l’époque de la Restauration, il convient donc de réinterroger la place que Chateaubriand y a occupée. Si son rôle, ses engagements et ses productions au cours de cette période ont déjà fait l’objet d’études au sein de réflexions portant soit sur la Restauration, soit sur Chateaubriand comme écrivain ou homme politique, cette journée d’études se propose de renouveler les perspectives critiques en portant ses recherches sur l’image de Chateaubriand, ou plus justement les images de Chateaubriand. Cette question nous apparaît particulièrement pertinente pour envisager Chateaubriand dans toute sa dimension kaléidoscopique : à la fois poète, diplomate, ministre, publiciste, journaliste, historien ou encore philosophe.

Ces images peuvent s’exprimer à travers différents supports : l’iconographie (portraits, caricatures, etc.), la littérature, mais aussi la presse, alors en plein essor. Elle peut d’abord être exprimée par autrui, mais elle peut aussi être exprimée par l’auteur lui-même qui, en véritable maître de l’autoportrait, développe, particulièrement sous la Restauration, une conscience de son image particulièrement aiguisée, qu’il se plaît à façonner, à définir, désireux de conformer l’image de sa vie avec ses projets littéraire et politique. Il y aura lieu de se demander si cette image rend bien justice au Chateaubriand réel ou si elle se révèle davantage l’objet d’une illusion ou de la duplicité, creusant ainsi l’écart entre l’homme public et l’homme privé.

À l’occasion de cette journée d’études, nous nous intéresserons donc aux représentations et aux autoreprésentations politiques, médiatiques et littéraires de Chateaubriand sous la Restauration, à la fois dans leur diversité, mais aussi dans leur convergence possible. Sont-elles l’expression d’une unité ou, au contraire, de contradictions ? Ces représentations pourront être contemporaines à l’époque de la Restauration, tout comme postérieures, lorsqu’issues de mémoires, écrits de souvenirs, ou études biographiques ou historiques.

Les communications proposées pourront porter sur l’une des images suivantes de Chateaubriand à l’époque de la Restauration (1815-1830) comme autant d’axes possibles à aborder :

-       Chateaubriand, père du romantisme français

Sous la Restauration, Chateaubriand est considéré comme un des écrivains les plus renommés de son temps, au point d’être érigé au rang de Dieu. Imprégnés des lectures d’Atala, de René ou des Martyrs, nombreux sont les lecteurs qui s’avouent chateaubrianisés[3]. Pour la nouvelle génération, Chateaubriand incarne donc « le père, le promoteur, le chef de la nouvelle école[4] », « l’aïeul debout[5]», grand ancêtre vénérable du romantisme, sans contexte la figure tutélaire et inspiratrice de la nouvelle école littéraire. Cette considération, il la doit à ses œuvres, mais aussi à son entreprise de promotion qui a façonné son aura de grand écrivain. Chateaubriand est en effet « dévoré du démon de la publicité[6] » et, s’éloignant du monde littéraire, il n’en envisage pas moins, « soucieux de fixer son image aux yeux de la postérité[7] », de publier ses Œuvres complètes chez l’éditeur Ladvocat et même, dès ces années de la Restauration, de rédiger ses Mémoires. En quoi ces entreprises à vocation mémorialiste et rétrospective offrent-elles gloire et cohérence à l’ensemble de son œuvre et en quoi contribuent-elles au sacre romantique de leur auteur ? Et quel scénario auctorial en émane-t-il ?

-       Chateaubriand, homme politique

Sous la Restauration, Chateaubriand assume différents rôles politiques : ministre d’État et pair de France en 1815, ministre de France à Berlin, puis ambassadeur à Londres en 1821, ministre des Affaires étrangères de 1822 à 1824, ambassadeur à Rome en 1828. Il participe au congrès de Vérone en 1822 où il représente la France, fait décider l’expédition d’Espagne en 1823 et défend l’indépendance de la Grèce en 1824. En quoi ce parcours témoigne-t-il des aspirations de Chateaubriand à devenir un homme politique de premier ordre ?

Son engagement auprès de cette « France nouvelle, [cette] France constitutionnelle et monarchique[8] » se manifeste également dans la publication qu’il considère comme l’un de ses devoirs d’homme d’État, comme en témoignent ses productions, parmi lesquelles De la Monarchie selon la Charte (1816), Remarques sur les affaires du moment (1818), Mémoires, lettres et pièces authentiques touchant la vie et la mort de S. A. R. Monseigneur Charles-Ferdinand-d’Artois, fils de France, duc de Berry (1820), Du renouvellement intégral (1823), Le Roi est mort : vive le Roi ! (1824), De l’abolition de la censure (1824), Lettre à un pair de France (1825), ou encore Du rétablissement de la censure par l’ordonnance du 24 juin 1827 (1827). À travers ces brochures et les discours qu’il prononce en sa qualité de ministre, d’ambassadeur ou de pair de France, quelle rhétorique politique Chateaubriand développe-t-il ? Et en quoi sa voix se révèle-t-elle à la fois expression de la France de la Restauration et de lui-même ?

Malgré ses diverses charges, ses combats et ses déclarations, son rang politique reste difficile à démêler, particulièrement son positionnement royaliste, tantôt constitutionnel, tantôt ultraroyaliste, sujet à critiques et caricatures. Quelles relations peut-on donc établir entre l’image que Chateaubriand veut donner de lui-même comme homme politique et la réception, ou la lecture de cette image dans le discours politique de l’époque ? Quelles variations et constantes peut-on noter et interpréter ?

-       Chateaubriand, historien de son temps

La Restauration esquisse le portrait d’un Chateaubriand qui se veut historien consciencieux, à la fois de lui-même et du monde. Ainsi s’adonne-t-il à quelques travaux historiques de grande ampleur : il travaille à une Analyse raisonnée de l’Histoire de France qu’il envisage comme « monument à la patrie », à ses Études historiques qui ne seront publiées qu’en 1831, et poursuit la rédaction de sa propre histoire à travers les Mémoires de [sa] vie. Ses différentes publications, notamment politiques, sont également l’occasion pour lui de faire de l’histoire et de l’écrire, et ainsi de réaffirmer sa conscience et sa posture d’historien, témoin du temps présent et prophète de l’avenir du monde. Comment Chateaubriand se positionne-t-il comme praticien de l’histoire, à cette période qui voit la lente émergence de nouvelles conceptions de l’histoire et, timidement encore, d’une écriture historienne ? Quels enjeux se cachent derrière ce désir de se faire la voix de la France et de son temps ? La Restauration constituerait donc pour Chateaubriand un moment de l’histoire déterminant dans son propre rapport à l’histoire au point que, longtemps après, il manifestera le désir de se faire historien de cette Restauration, mal comprise et mal aimée, à laquelle il avait pris tant de part.

-       Chateaubriand, journaliste

Chateaubriand joue un rôle important dans la presse de la Restauration : publiciste, polémique, journaliste, il est et se veut un homme d’influence. La direction du Moniteur de Gand pendant les Cent-Jours, la création du Conservateur en 1818 et ses différentes contributions dans le Journal des Débats (articles et discours de la Chambre des Pairs) en gardent la trace, tout comme son engagement en faveur de la liberté de la presse dont il se proclame un ardent défenseur et qu’il reconnaît comme l’« un des premiers intérêts de [sa] vie politique[9] ».  Dans quelle mesure cette écriture journalistique contribue-t-elle à étoffer l’image de Chateaubriand à cette époque ? En quoi ces publications servent-elles, par l’expression de ses opinions, son image d’homme politique ? Et comment l’image de Chateaubriand journaliste entre-t-elle en relation avec l’image du journaliste en général ?

Modalités de communication et calendrier

Les propositions retenues seront présentées sous la forme de communications de 30 minutes maximum ou dans des tables rondes ; elles feront l’objet d’une publication au sein du Bulletin de la Société Chateaubriand.

Les propositions de contributions (titre envisagé et résumé de 3000 signes espaces comprises accompagnés d’une brève notice bio-bibliographiques), sont à adresser avant le 1er juin 2023 à : 

Samantha Carettisamantha.caretti@laposte.net
 
Réponse du comité : 30 juin 2023

Comité scientifique : Marguerite Artaud du Boishamon, Béatrice Didier, Guy Berger, Samantha Caretti, Nicolas Perot, Olivier Tort.

Bibliographie indicative :

Bercegol, Fabienne, La Poétique de Chateaubriand : le portrait dans les « Mémoires d’outre-tombe », Paris, Honoré Champion, 1997.
Bercegol, Fabienne, Glaudes, Pierre et Roulin, Jean-Marie (dir.), Chateaubriand, nouvelles perspectives critiques, Paris, Classiques Garnier, 2020.
Berchet, Jean-Claude, Chateaubriand, Paris, Gallimard, 2012.
Berthier de Sauvigny, Guillaume, La Restauration [nouvelle édition], Paris, Flammarion, 1955.
Cavallin, Jean-Christophe, Chateaubriand mythographe. Autobiographie et allégorie dans les Mémoires d’outre-tombe, Paris, Honoré Champion, 2000.
Clément, Jean-Paul, Chateaubriand politique, De l’Ancien Régime au Nouveau Monde, Paris, Hachette-Pluriel, 1987;
-       Grands écrits politiques de Chateaubriand, Paris, Imprimerie nationale, 1993.
Demier, Francis, La France de la Restauration (1814-1830), Paris, Gallimard, 2012.
Des Granges, Charles-Marc, Le romantisme et la critique : la presse littéraire sous la Restauration (1815-1830), Paris, Mercure de France, 1907.
Dieguez, Manuel de, Chateaubriand ou le poète face à l'histoire, Paris, Plon, 1963.
Digeon, Claude, Les Écrivains français face à la Restauration et à la Monarchie de Juillet, Saarbrücken, 2012.
Ephraïm, Harpaz, L’École libérale sous la Restauration. Le Mercure et la Minerve (1817-1820), Genève, Droz, 1919.
Gabriel-Robinet, Louis, Chateaubriand journaliste, Monaco, Editions Lep, 1968.
Giraud, Victor, Chateaubriand historien, 1928.
Le Bail, Marine, « Entre frontispice allégorique et reliure “à la cathédrale”. Flottements du positionnement éditorial des œuvres de Chateaubriand », Fabienne Bercegol, Pierre Glaudes, Jean-Marie Roulin (dir.), Chateaubriand, nouvelles perspectives critiques, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 89-108.
Lee, Soon-Hee, Kim, Jun-Hyun, « De l’édition Ladvocat aux Mémoires d’outre-tombe : la Restauration réécrite », Romantisme, n°178, 2017/4, p. 122-134.
Mollier, Jean-Yves, Reid, Martine et Yon, Jean-Claude (dir.), Repenser la Restauration, actes du colloque, Paris, Musée de la vie romantique et Châtenay-Malabry, Maison de Chateaubriand, septembre 2003, organisé par le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Paris, Nouveau monde, 2005.
Morrissey, Robert, « Chateaubriand entre le « démon de la publicité » et le démon de son cœur », Critique, 2013/3 n°790, Éditions de Minuit, 2013, p. 254-267, URL : https://www.cairn.info/revue-critique-2013-3-page-254.htm
Riberette, Pierre (dir.), Chateaubriand, historien et voyageur, colloque, Paris, 8 et 9 octobre 1998, Société Chateaubriand et Faculté de lettres de l’Institut catholique des Paris, Châtenay-Malabry, Société Chateaubriand, 1999.
Rosi, Ivanna, Les Masques de Chateaubriand : Liberté et contraintes de la représentation de soi, Christelle Jacques, Josiane Tourres et Claire Vovelle (trad.), Paris, Classiques Garnier, 2012.
Rosi, Ivanna, Roulin, Jean-Marie (dir.), Chateaubriand, penser et écrire l’histoire, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2009.
Sainte-Beuve, Charles-Augustin, Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire : cours professé à Liège en 1848-1849 [2ème édition], Paris, Garnier frères, 1861, t. I.
Travers, Emeric, Constant et Chateaubriand, deux défenses de la monarchie, Revue française d'histoire des idées politiques, n°19, 2004, Editions Picard.
Waresquiel, Emmanuel de et Yvert, Benoît, Histoire de la Restauration 1814-1830, Paris, Perrin, 2002.
Yvert, Benoît, La Restauration. Les Idées et les hommes, CNRS Éditions, 2013.
Europe, n°775-776, novembre 1993.


 
[1] De la Restauration et de la monarchie élective, réponse à l’interpellation de quelques journaux sur mon refus de servir, Paris, Le Normant, 24 mars 1831, p. 46.
[2] « 1822 », Extraits du Journal de Chênedollé (1803-1833), d’après les Manuscrits inédits du Coisel et de la Collection Spoëlberch de Lovenjoul, Madame Paule de Samie (éd.), Paris, Plon-Nourrit & Cie, 1922, p. 110. 
[3] Terme qu’emploie Marie d’Agoult dans Mémoires, souvenirs et journaux de la comtesse d’Agoult, C. F. Dupêchez (éd.), Paris, Mercure de France, 2007, p. 127.
[4] S. D., « Tablettes parisiennes n°VII : Les Écrivains malades de la peste », Le Mercure du dix-neuvième siècle, 1824, p. 610.
[5] Sainte-Beuve, « Dix ans après en littérature », Revue des Deux Mondes, 1er mars 1840 [repris dans Portraits contemporains, Michel Brix (éd.), Paris, PUPS, 2008, p. 770].
[6] Jaucourt, François de, Lettre à Talleyrand, Gand, citée dans Morrissey, Robert, « Chateaubriand entre le « démon de la publicité » et le démon de son cœur » [en ligne], Critique, n°790, 2013/3, p. 254-267, URL : https://www.cairn.info/revue-critique-2013-3-page-254.htm)
[7] Le Bail, Marine, « Entre frontispice allégorique et reliure “à la cathédrale”. Flottements du positionnement éditorial des œuvres de Chateaubriand », Chateaubriand, nouvelles perspectives critiques, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 88.
[8] Du rétablissement de la censure par l’ordonnance du 24 juin 1827, Paris, Ladvocat, 1827, p. 39.
[9] Ibid., p. 5.