Actualité
Appels à contributions
La traduction : une pratique transversale au service de l’enseignement des langues (El Affroun)

La traduction : une pratique transversale au service de l’enseignement des langues (El Affroun)

Publié le par Esther Demoulin (Source : BACHA)

Faculté des Lettres et des Langues
Laboratoire RIDILCA 

La traduction : une pratique transversale au service de l’enseignement des langues Responsables scientifiques

Dr Ibtissem Khellaf et Dr  Youcef Bacha

Dates du colloque : 14 et 15 novembre 2023

 


Argumentaire

Si la pierre de Rosette n’avait pas contenu la traduction d’un texte écrit en hiéroglyphes et en démotique, Champollion ne serait parvenu à les déchiffrer. 

Comme processus de communication, de commutation et de transmutation interlinguale et interculturelle, la traduction, dans son acception principale, consiste à trouver des synonymies, des équivalences, des analogies entre des systèmes linguistiques distincts ou proches. Le traducteur, que ce soit professionnel ou spécialiste, se trouve dans une odyssée linguistique en passant de la langue de départ (source) à la langue d’arrivée (cible) et vice-versa. Cet incessant aller-retour d’une langue à l’autre occasionne parfois ou souvent des glissements ethno-sémantiques, des équivoques, des incompréhensions, des malentendus, des présupposés, des implicites, etc. qui anéantissent ou biaisent le discours initial, écrit ou oral. À ce propos, G. Mounin affirme que : « […] traducteurs de Shakespeare ne ressemblent pas à Shakespeare » (1963 : 4). Il ne s’agit pas de traduire mot à mot mais monde à monde puisque les mots ouvrent un monde et le traducteur doit ouvrir le même monde que celui que l’auteur a ouvert - pour reprendre les mots d’Umberto Eco[1] -, et donc traduire, c’est reproduire, pour renverser le dicton séculaire : traduire, c’est trahir [2] (traduttore, traditore).

Par ailleurs, la traduction est un concept transfuge, amorphe et caméléon qui se situe à la croisée des chemins interdisciplinaires. Elle est ainsi appréhendée sous un prisme méthodologique : littéraire, linguistique, sociolinguistique, didactique, sociodidactique, sémiotique, etc.

La traduction est, par définition, une opération consistant à convertir un texte ou un discours d’une langue (source) vers une autre (cible) ou inversement. Les linguistes, les (socio)didacticiens et les traductologues s’accordent sur la nécessite de la traduction dans l’enseignement des langues et des cultures[3]. Comme le souligne Seleskovitch : « Enseigner une langue c’est enseigner sa permanence ; […] enseigner les langues par le biais de la traduction c’est faire découvrir à travers les équivalences inédites les aspects insoupçonnés de l’emploi de la langue étrangère […] pratiquée à un degré avancé de connaissance linguistique, la traduction dans le vrai sens du terme peut servir au perfectionnement linguistique.» (1983 : 99-101).

En ce sens, la traduction pédagogique joue une fonction métalinguistique, elle sert à la réflexion sur la langue cible (Delisle 1980) et vise l’apprentissage des langues. En effet, la traduction dans l’enseignement a pour objectif d’étudier les différentes composantes de la ou des langue(s) : lexicale, syntaxique, stylistique, socioculturelle, etc. 

De même, le Conseil de l’Europe préconise, dans le portfolio européen des langues, ce type de traduction car elle est constructrice de la capacité méta-langagière en sus de la compétence linguistique. « La compétence à communiquer […] est mise en œuvre dans la réalisation d’activités langagières variées pouvant relever de la réception, de la production, de l’interaction, de la médiation notamment les activités de traduction et d’interprétation.» (Conseil de l’Europe, 2001 : 25).

La traduction apparait donc comme passerelle[4] entre les langues et les cultures[5]et facilite l’accès à l’apprentissage linguistique via le processus de l’intercompréhension et du transfert. C’est ainsi qu’elle se trouve parfois dans les classes, dans un but pédagogique. « […] des approches nouvelles visant, entre autres, à créer des circulations entre les enseignements des langues, redonner des sens aux apprentissages langagiers à l’école, dissocier les habiletés, prendre en compte les passages entre les cultures, prendre appui sur les stratégies, développer les capacités métalinguistiques. » (Troncy, 2014 : 446). Elle abolit les cloisons étanches entre les langues/cultures et entre le social et le scolaire, dans une perspective sociodidactique (Rispail, 2017). Outil littéraire, elle permet l’accès aux textes des auteurs, dont la langue d’écriture est autre que celle du lecteur. Outil socio-sémiotique, elle traduit les phénomènes et les pratiques sociaux en chaines signifiantes. Dans cette dernière optique, la traduction est considérée comme reflet du monde et comme outil d’analyse sémique s’intéressant au sens de la production et de la réception des textes, à leur fonctionnement intrinsèque et extrinsèque, au flottement du sens, au contexte et au co-texte. 

Le débat renaît sans cesse et la question reste affleurante de la traduction d’une langue vers une autre : peut-on traduire les langues et dans les langues ? Les équivoques, la polysémie, la différence culturelle  et sociocultuelle sont des symptômes qui résistent à la traduction. Ces syndromes  orientent le débat vers une perspective sociolinguistique[6] ou comme l’appelle Barbara Cassin Les intraduisibles (2013). « Une langue diffère d’une autre et se singularise par ses équivoques, la diversité des langues se laisse saisir par les symptômes que sont les homonymies sémantiques et syntaxiques » (Cassin cité par Froeliger, 2016 : 113).

Quant à l’analyse textuelle et discursive, soucieuse, elle peut être un outil opérationnel utile à l’apprenant-traducteur pour l’appréhension des textes et des discours comme « suite non-linaire d’éléments, du principe de coopération, et des maximes qui en découlent, du principe de pertinence […] » (Gambier, 2000 : 99). Ces opérateurs intra-/inter-discursifs sont indispensables avant la commutation des textes/discours de la langue source à la langue cible et vice-versa.

Nous lançons le présent appel à communication, pour inciter les chercheurs de tous les domaines concernés à explorer d’abord le domaine de la traduction et à célébrer ce vivier éclectique. Reprenant la thématique, nous nous demanderons : « En quoi la traduction peut-elle être une pratique transversale à l’enseignement des langues ? ». 

Voici quelques axes non exhaustifs de réflexion : 

Ø  Traduction et interculturalité 

Ø  Traduction et plurilinguisme 

Ø   Traduction et enseignement des langues

Ø  Pratique de la traduction et exigences de la salle de classe

Ø  Enseignement de la terminologie et impact sur le métalangage source et cible

Ø  Traduction et texte littéraire

Ø  Didactique de la traduction et analyse des textes / discours 

Ø  Traduction et sociologie

Ø  Traduction et représentations

Ø  Traduction automatique 

Ø  Traduction et intelligence artificielle

Ø  Traduction pragmatique

Ø  Traduction et sémiologie 

Ø  Traduction et créativité

Ø  Traduction et sciences cognitives 

Ø  Impact de l’enseignement de la traduction sur le développement des techniques de rédaction

Nous demandons que les contributions proposées respectent deux conditions : 

1) être originales et ne pas avoir été proposées pour d’autres travaux ou publications.

2) être basées sur un corpus dont le recueil et la méthode d’analyse seront justifiés.


Pour l’expertise, envoyer directement les résumés à l’adresse mel du colloque colloquetraduction9@gmail.com en indiquant avec soin en en-tête : vos NOM et prénom, université de rattachement, ville, pays, laboratoire éventuel, domaine scientifique, adresse mel, titre du texte proposé, axe(s) choisi(s).


L’évaluation se fera en deux temps, grâce à une double expertise sur texte anonymé : 

1)  nous demandons un résumé de 10 à 20 lignes comprenant : la précision du contexte, la problématique posée, le corpus proposé, le but de la contribution.

2)   pour les résumés acceptés, nous demandons un texte de 45 000 signes, espaces, bibliographie et annexes comprises.

Calendrier 

- Lancement de l’appel à communication : 10 janvier 2023

- Réception des résumés : jusqu’au 20 mars 2023

- Retour des expertises : au plus tard le 15 mai 2023

- Réception des textes de communication : au plus tard le 15 octobre 2023

- Dates du colloque : 14 et 15 novembre 2023

- Publication des actes du colloque : mai 2024

Comité organisateur 

AMMARI Hadjer, doctorante, U. Blida 2

BOUTOUB Mohamed, doctorant, U. Blida 2

DAHMANI Youcef, doctorant, U. Blida 2

HACHADI Samir Président du comité d’organisation

MELIANI Yousra, doctorante, U. Blida 2

MENGHOUR Soumia, doctorante, U. Blida 2

RAFED Nihed, doctorante, U. Blida 2

SAHLI Soumia, doctorante, U. Blida 2

Comité scientifique

ACI Ouardia, MCA, U. Blida 2
ADDOU Merouane, MCA, U. Blida 2
AIT DJIDA Mhand Mokrane, Professeur, U. de Chlef
AIT DAHMANE Karima, Professeure, U. Blida 2
AIT IKHLEF Islem, MCB, U. Blida 2
AKMOUN Houda, Professeure, U. Blida 2
ALI-BENCHERIF Mohamed Zakaria, Professeure, U. de Tlemcen
ASSELAH-RAHAL Safia, Professeure, U. Alger 2
BEDJAOUI Wafa, Professeure, U. Alger 2
BENNACHENHOU Asssya, MCA, U. Blida 2
BENSELIM Abdelkrim, Professeur, U. de Ain Témouchent
BOUCHAMMA Mohamed Redha, MCA, U. Blida 2
BOUZENADA Leïla, MCB, U. Blida 2
HABET Djazia, MCB, U. Blida 2
HAMDAD Chanez, MCA, U. Blida 2
KHARROUBI Sihame, MCA, U. de Tiaret
MAARFIA Nabila, MCA, U. d’Annaba
MEDANE Hadjira, MCA, U. de Chlef
MEKSEM Zahir, Professeur, U. de Bejaia
MELZI Abdelhalim, MCA, U. Blida 2 
MENGUELLAT Hakim, Professeur, U. Blida 2
MERBOUH Hadjer, MCA, U. de Ain Témouchent
MOSTEFAOUI Ahmed, Professeur, U. de Tiaret
MOUISSI Lamia, MCA, U. Blida 2
MOUSSAOUI Nassima, MCA, U. Blida 2
MOUSTIRI Zineb, MCA, U. de Biskra
OUAHIB Imene, MCA, U. Blida 2
OULEBSIR Kamila, MCA, ENS. De Bouzaréah
OULED HADAR Safa, MCA, U. Blida 2
SACI-BOURKAIB Nawal, MCA, U. Blida 2
SADOUNI Rachida, Professeure, U. Blida 2
SAIDOUN Souad, MCA, U. Blida 2
SEBAA Rabeh, Professeur, U. d’Oran
SEDDIKI Zinab, MCA, U. de Djelfa
SOLTANI Souhila, MCA, U. d’Oran 

Références bibliographiques 

ACI O. 2007. Le français oral en Algérie : représentations et enseignement, mémoire de magister, sous la dir. de Rispail M.

AKMOUN H. 2014. Exploration des effets du transfert de certaines stratégies rédactionnelles automatisées en L1 sur la production d’un écrit argumentatif en L2 : cas des schémas argumentatifs, Université de Blida, Algérie.

AKMOUN H. 2016. « Le transfert L1/L2 : entre représentations et pratiques de classe », Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité, vol. 35, n° 1. URL : http://journals.openedition.org/apliut/5352. DOI : https://doi.org/10.4000/apliut.5352

BACHA Y. et LARIBI N. La traduction est-elle un processus métalangagier et métaculturel ? Les opérations interdiscursives et processuelles dans la commutation des textes chez les étudiants algériens de la 2 ème année universitaire. Tarjamaat Beyt Hikma, n° 5 (à paraitre).

BILLIEZ J. et SIMON D.-L. 2014. « L’extension du domaine de la didactique des langues à la didactique du plurilinguisme », dans Troncy C. (dir.), Didactique du plurilinguisme, Approche plurielle autour de M. Candelier. Rennes : PUR. 

BITAR M., KADDOURI M. et AZIZI M. 2012. « Enseigner la traduction par les TIC : Cas d’un cours hybride en contexte universitaire. », dans Francine.net, n° 5. URL : http://frantice.net/docannexe/fichier/606/7.pdf

BLANCHET P. et CHARDENET P. (dir.). 2011. Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures, Approches contextualisées. Paris : EAC et AUF.

CASSIN B (dir.). 2013. Philosopher en langues. Les intraduisible en traduction. Paris : Rue d'Ulm. 

CASSIN B. 2016. L’éloge de la traduction – Compliquer l’universel. Ouvertures. Paris : Fayad.

CATFORD J. C, 1965. A linguistic theory of translation. London Oxford University Press.

CEBUC L. et SADOUNI R. 2017. « PTAM : Une collaboration interculturelle à l’ère de la mondialisation. », dans Studia Universitatis Moldaviae, n° 10, p. 3-11. URL : http://dspace.usm.md:8080/xmlui/bitstream/handle/123456789/1823/01.p.03-11lingvistica_110.pdf?sequence=1&isAllowed=y

CHARAUDEAU P. et MAINGUENEAU D. 2002. Dictionnaire d’analyse du discours. Paris : Seuil.

CONSEIL DE L’EUROPE. 2001. Portfolio européen des langues : pour jeunes et adultes. Caen : Centre  régional de documentation pédagogique.

DELISLE J. 1988. « Définition, rédaction et utilité des objectifs d’apprentissage en enseignement de la traduction», dans Garcia I. et J. Verdegal (éd.). Barcelone : Universitat Jaume I. 

DELISLE J. 1980. L’analyse du discours comme méthode de traduction. Ottawa : Éditions de l’Université d’Ottawa.

DURIEUX C. 2005. « L’enseignement de la traduction : enjeux et démarches », dans Meta : Translators' Journal, vol. 50, n° 1, pp. 36-47.

ECO U. 2006. Dire presque la même chose – Expériences de traduction. Grasset.
 
FOTOS S. 2005. « Traditional and Grammar Translation Methods for Second Language Teaching », dans Eli Hinkel (éd.), Handbook of Research in Second Language Teaching and Learning, London.

FROELIGER N. 2016. « Compte-rendu : Barbara (2016) : Éloge de la traduction – Compliquer l’universel. Ouvertures. Paris : Fayard, 258 p. », dans Revues Méta. URL : https://www.erudit.org/fr/revues/meta/2018-v63-n3-meta04634/1060181ar/

GAMBIER Y. 2000. Traduction et analyse du discours : Typologie croisée. https://repozytorium.amu.edu.pl/bitstream/10593/9387/1/10_Yves_Gambier_Traduction%20et%20analyses%20de%20discours_97-108.pdf

GRELLET F. 1991. Apprendre à traduire. Typologie d’exercices de traduction, Nancy Presses universitaires.

LADMIRAL J.-R. 2004. Entre Babel et Logos. Forum, 2, octobre 2004 : 1-28.

LADO R. 1957. Linguistic sacross cultures, Michigan : University of Press.

LAVAULT E. 1985. Fonctions de la traduction en didactique des langues : Apprendre une langue en apprenant à traduire. Paris : Didier.

MENGUELLAT H. 2012. « Le rôle des biographies langagières dans l’identification des identités plurilingues ». Synergies Pays Riverains du Mékong n° 4, pp. 153-169. Téléchargeable : https://gerflint.fr/Base/Mekong4/menguellat.pdf

MOORE D. 2006. Plurilinguisme et école. Paris : Didier.

MOUNIN G. 1963. Les problèmes théoriques de la traduction. Paris : Editions Gallimard. 

NIDA E.A. et TABER C.R. 1969. The theory and practice of translation, helps for translators, vol. VII, Leiden, Brill.

OUSTINOFF M. 2009. La traduction. Paris : PUF. 

PERGNIER M. 2017. Les fondements sociolinguistiques de la traduction. Coll. « Traductologiques », Paris : Belles lettres.

RISPAIL M. 2003. De l’étude d’une langue minorée à la sociodidactique des langues. Paris : L’Harmattan. 

RISPAIL M. et TIGZIRI N. 2005. Langues maternelles : contacts, variations et enseignement – Le cas de la langue amazighe. Paris : L’Harmattan. 

RISPAIL M. et De PIETRO J.-F. 2014. L’enseignement du français à l’ère du plurilinguisme : vers une didactique contextualisée. Belgique : Presses universitaires de Namur.

RISPAIL M. et al. 2017. L’arc-en-ciel de nos langues - Jalons pour une école plurilingue. Paris : L’Harmattan.

SAIDI I. 2021. Répertoire plurilingue de l’apprenant algérien et stratégies d’apprentissage (Thèse de doctorat), sous la direction de Houda Akmoun.

SELESKOVITCH D. 1983. Translation in the System of Foreign Languages Teaching/La Traduction dans le système d'enseignement des langues. Intervention à la table ronde FIT-UNESCO 17-19 mars 1983, Paris, France : Fédération internationale des traducteurs.

TATILON C. 1986. Traduire. Pour une pédagogie de la traduction, collection « Traduire, écrire, lire ». Paris : GREF.

Notes

[1] https://www.fabula.org/actualites/u-eco-dire-presque-la-meme-chose-experiences-de-traduction_20124.php
[2] On la trouve notamment, en 1549, sous la plume de Joachim du Bellay dans une formule proche «Mais que diray-je d'aucuns, vrayement mieux dignes d'estre appelez traditeurs, que traducteurs ? », dans La Défense et illustration de la langue française, chapitre VI. 
[3] Le passage de l’enseignement des langues/cultures à l’enseignement / apprentissage dans les langues/cultures occupe une place prépondérante dans la perspective sociodidactique et plurilinguistique, dans la mesure où les langues deviennent à la fois outil et objet d’enseignement.
[4] La traduction à double sens ici : la version consiste à convertir un texte de la langue source à la langue cible et le thème repose sur un processus inverse (de la langue cible à la langue source).
[5] Traduire les langues c’est traduire les cultures : ce sont deux entités indissociables. 
[6] Maurice Pergnier. 2017. Les fondements sociolinguistiques de la traduction. Coll. « Traductologiques », Paris : Belles Lettres.