
Appel à contribution pour l’ouvrage collectif
Ina Césaire à l’écoute des mémoires plurielles :
dynamiques, poétiques et rayonnement
Études réunies par
- Axel Artheron, MCF Études Théâtrales (Université des Antilles)
- Véronique Corinus, MCF en littératures comparées et littératures francophones (Université Lumière Lyon 2)
- Sarah Davies Cordova, Professeure en Études françaises et francophones (University of Wisconsin-Milwaukee)
Argumentaire
Née le 13 octobre 1942 à la Martinique, Ina Césaire aura largement marqué de son empreinte le champ intellectuel et artistique caribéen des XXe et XXIe siècles par la densité et la diversité de son œuvre. D’abord ethno-anthropographiques – dès la fin des années 1970 avec la parution d’un premier recueil de contes (Ina Césaire et Joëlle Laurent, 1976) – ses productions textuelles ont, à partir des années 1980, tracé un double sillon bibliographique : les essais, articles scientifiques et documentaires à caractère ethnographique d’une part, et des textes de création appartenant à des domaines artistiques divers, d’autre part. Aussi est-il possible de tirer, à partir de ce constat liminaire, une double observation. Premièrement, la production d’Ina Césaire revêt l’allure d’une œuvre totale. À l’instar des principales figures du champ littéraire caribéen, elle explore un large champ des possibles littéraires et esthétiques. Une protéiformité qui concerne non seulement les genres littéraires (roman, théâtre, poésie, conte) et les formes scripturales (écrits académiques, textes pour le jeune public, scénarii de films et de documentaires, écriture pour la chanson et le domaine musical) mais également son appétence pour des pratiques et formes relevant de l’intermédialité ou de l’interartialité - parmi lesquels nous pouvons citer sa pratique de l’adaptation théâtrale, de la réécriture ou de la littérarisation de l’oralité. Deuxièmement, cette œuvre s’ordonne dans le cadre d’un dialogue structurel entre les sciences sociales et la littérature.
S’extirpant du clivage qui a un temps prévalu entre les deux disciplines, Ina Césaire s’est voulu une femme de sciences et de lettres, hostile à toute « ambition hégémonique » (Guillaume Bridet, 2011) de discours en quête de légitimité, et convaincue de leurs possibles combinaisons, par-delà les mutuelles disqualifications. Elle comprend tôt « l’étroite liaison entre ces deux disciplines » (Ina Césaire, 2011) et les « complémentarités et interférences » (Pierre Lassave, 2002) fructueuses que peuvent faire naître le frottement du rationalisme positiviste de l’énoncé scientifique et le relativisme subjectiviste de la fiction littéraire. Consciente que ces ordres de discours sont également propres à penser le monde, elle procède à des collectes de contes traditionnels et de récits de vie, et mène des recensions sur la Toussaint et le Carnaval. Le matériau ainsi réuni est tout à la fois apte à nourrir la réflexion scientifique d’une membre du CNRS, chargée de mission à la conservation du patrimoine de Martinique, et la créativité d’une écrivaine polygraphe. « Tous les documents que j’enregistre et que j’analyse, affirme-t-elle, peuvent être utilisés sous plusieurs formes : un travail littéraire et un travail ethnologique proprement dit. »
Il y a bien ici, dans l’œuvre de l’écrivaine et dramaturge martiniquaise, le prolongement d’un atavisme anthropologique de la littérature caribéenne dont Anna Lesne, à la suite d’autres critiques, souligne la prégnance dans « S’écrire aux Antilles, écrire les Antilles » : « Dans la littérature produite sur les Antilles ou aux Antilles, le regard objectivant et le discours sur l’homme restent envahissants. » (Anna Lesne, 2013) Et de lister les écrivains caribéens qui, dans l’Entre-deux-guerres, se passionnèrent pour l’anthropologie culturelle, de Jean Price-Mars et Jacques Roumain à Léon-Gontran Damas et Joseph Zobel formés à l’Institut d’ethnologie de Paris. Les contributeurs de la Revue du Monde noir à Paris ou ceux de Tropiques en Martinique furent eux-mêmes imprégnés par la lecture des anthropologues, qui modifièrent profondément le regard porté sur les communautés noires. Accompagnant la mutation épistémologique touchant les sciences humaines, singulièrement l’ethnologie, dans la seconde moitié du XXe siècle, la littérature caribéenne assumera une fonction de dévoilement et de connaissance de ces sociétés (Voir Romuald Fonkoua, 1995). Une double mission anthropologique de la littérature qu’Édouard Glissant résumera dans Soleil de la conscience : « Ainsi suis-je l’ethnologue de moi-même » (1956)
Expérimentant la porosité des frontières entre les mondes, les champs (scientifique et artistique), les discours (énoncé de réalité et récit de fiction), l’ethno-anthropologue spécialiste de tradition orale, passionnée d’histoire et détentrice des mémoires collectives et familiales se fait tour à tour romancière, dramaturge, scénariste ou chansonnière, puisant dans l’imaginaire collectif de la société caribéenne le matériau de ses pratiques scripturaires. À l’instar de son personnage Ti Jean, Ina Césaire est une enfant des passages, « [c]réatrice de passerelles » (Sarah Davies Cordova, 2019), qui tisse les fils d’une œuvre complexe trahissant une haute conception du fait littéraire tout autant que la fonction heuristique traditionnellement conférée au texte littéraire, dans l’espace caribéen.
Pistes de réflexion
L’ouvrage proposé tentera de sonder les multiples voix, traces et déclinaisons de l’œuvre d’Ina Césaire. Quelques pistes de réflexion, non exhaustives, peuvent être envisagées :
- Esthétique et poétique de l’œuvre littéraire d’Ina Césaire (roman, théâtre, contes, littérature de jeunesse)
- Parcours biographique d’Ina Césaire et inscription dans le champ littéraire et théâtral
- Adaptations et mises en scène de l’œuvre d’Ina Césaire
- Rapports entre littérature et autres arts chez Ina Césaire et d’autres auteurs caribéens
- Rapports entre littérature et sciences humaines chez Ina Césaire et d’autres auteurs caribéens
- Ina Césaire et les études postcoloniales
- Rayonnement et réception de l’œuvre d’Ina Césaire
- Politique de l’œuvre d’Ina Césaire (féminisme, lutte des classes, histoire coloniale)
Processus
Les propositions de textes, accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, sont à adresser conjointement, avant le 1er mai 2023, à l’adresse électronique suivante : collectifinacesaire@gmail.com
L’ouvrage sera publié, après acceptation du manuscrit, aux Presses Universitaires des Antilles et paraitra en septembre 2024.
Calendrier
Remise des propositions de 200-300 mots : 30 avril 2023.
Réponse : 1er juin 2023
Remise des articles : 1er décembre 2023
Retour aux auteurs après expertise : 12 février 2024
Publication : septembre 2024
Langues des articles acceptées : français et anglais