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Literaport. Revue annuelle de littérature francophone, n° 10 (2023) :

Literaport. Revue annuelle de littérature francophone, n° 10 (2023) : "Le plaisir pervert de la décadence"

Prochain numéro de la revue « Literaport » : Déclin, décadence, chute. 

« Il n’est chose si grande qui n’ait chance de périr ; car, de sa grandeur même, à défaut d’autre ennemi, naît la cause qui la tuera », écrivait Sénèque (De Beneficiis, Des bienfaits VI 31, trad. J. Baillard). Et ailleurs, il a ajouté : « Le développement lui-même, s’il est bien considéré, est une chute ». La littérature mondiale le sait depuis toujours, et elle sait aussi que la chute peut, mais ne doit pas être définitive, qu’elle n’est souvent que le début de la croissance de quelque chose de nouveau, et que le cycle croissance-déclin-croissance est une image de la vie elle-même et de la nature biologique du monde. Chaque chute d’une Troie est suivie de l’ascension d’une certaine Rome, qui attend à son tour son crépuscule. 

La littérature française semble affectionner particulièrement les descriptions du déclin – qu’il soit moral, biologique ou politique. Des poètes de la Pléiade, qui chantaient les ruines pittoresques de Rome antique et pleuraient sa grandeur perdue, au spleen de Baudelaire (« Je suis le roi d’un pays pluvieux.... »), qui a fondé son art sur le plaisir pervers dérivé de la décadence et du déclin, et Verlaine, dont la célèbre phrase « je suis l’Empire à la fin de la décadence » a inauguré une nouvelle ère, à travers toute une pléiade d’écrivains du dix-neuvième et du vingtième siècles (Huysmans, Zola, Flaubert, Céline, Raymond Roussel, Alain Bosquet, Michel Tournier, Pascal Quignard, Marguerite Yourcenar, Marguerite Duras, etc.), jusqu’à la littérature des temps modernes (Houellebecq), les descriptions de la corruption et de la décadence comptent parmi les réalisations les plus marquantes de la poésie et de la prose d’expression française. La fascination troublante de la mort de Sardanapal, telle qu’elle est dépeinte dans la magnifique toile de Delacroix, s’avère toujours être un grand thème artistique. On se souvient du chef-d’œuvre de Julien Gracq, Les rivages de Syrtes, où la République d’Orsenne dans son déclin semble plus belle et plus séduisante chacun de ses derniers jours de splendeur, tant à la lumière du crépuscule qu’à celle de la fin des temps, chacune des activités les plus banales prenant un charme particulier, mélancolique et inimitable.       

Les œuvres littéraires en question sont donc trop nombreuses, et le déclin, la chute, la décadence eux-mêmes peuvent être traités de manière très large, car leur signification reste ouverte. Vieillesse et maturité, grandeur et petitesse de l’humanité - tout peut créer un point de départ pour notre réflexion. Au vingtième siècle, Albert Camus a donné le nom « La Chute »  à son chef-d’œuvre, continuant ainsi la longue tradition qui commençe avec la chute des dieux dans la mythologie indienne et mésopotamienne, et des titans dans la mythologie grecque, la « chute dans le péché » de la race humaine décrite dans la Bible et la littérature dantesque. La tragédie classique grecque, puis le théâtre français du XXe siècle inspiré des œuvres classiques, décrivent la chute de l’homme (l’erreur au sens aristotélicien), mais aussi sa grandeur, car la vraie grandeur peut probablement se manifester uniquement au moment de la chute. Sartre, dans « Huis clos », tente de nous montrer un état de chute permanente et de « post-chute », car que se passerait-il si la chute n’avait jamais de fin et signifiait tomber dans l’infini ? Comme elle est séduisante, la beauté de l’effondrement, écrivent et chantent Cioran, Bataille, Foldenyi et bien d’autres, et le monde d’aujourd’hui semble nous le rappeler de toutes parts dans des rumeurs de catastrophe climatique, d’apocalypse pandémique mondiale, de destruction post-anthropocène et de guerre nucléaire. Peut-être aurons-nous encore le temps, avant l’effondrement, d’écrire combien ces derniers jours ont été beaux...   

Les résultats de réflexions à ce sujet seront les bienvenus pour composer notre volume. Les textes retenus par le Comité scientifique seront publiés dans le courant de l’année 2023. Nous attendons les contributions pour le 15 juin 2023. Les articles sont à envoyer à l’adresse suivante : literaport@uni.opole.pl. Les normes éditoriales figurent sur le site de la revue : www.literaport.wfil.uni.opole.pl, onglet « Pour les auteurs ».

Responsable du volume 10 de la revue LITERAPORT : Tomasz Różycki.