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Les pratiques d’écriture en collaboration des autrices : enjeux des stratégies de dissimulation et de monstration de l’auctorialité féminine (Rouen)

Les pratiques d’écriture en collaboration des autrices : enjeux des stratégies de dissimulation et de monstration de l’auctorialité féminine (Rouen)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Tristan Guiot)

Appel à communication – journée d’étude (CÉRÉdI)

Les pratiques d’écriture en collaboration des autrices : enjeux des stratégies de dissimulation et de monstration de l’auctorialité féminine

Université de Rouen Normandie – 9 novembre 2023

Journée d'étude organisée par Anissa Guiot et Tristan Guiot

Avec le soutien du CÉRÉdI (Centre d’études et de recherche Éditer/Interpréter, EA 3329)

Au XIXe siècle, « pour la première fois de manière aussi manifeste, de nombreuses femmes, romancières et dramaturges, poètes et essayistes, journalistes et éducatrices, sont présentes dans le champ littéraire[1] ». Or, cette période marque également un essor des pratiques de l’écriture en collaboration soutenu par l’émergence de nouveaux modèles économiques de production de la littérature[2] ainsi que par l’hybridation de l’espace littéraire et de l’espace journalistique[3].

Si la collaboration littéraire est encore relativement peu étudiée, il apparaît néanmoins qu’elle soulève des problématiques tenant à une dialectique de la dissimulation et de la monstration, laquelle est également au cœur des travaux portant sur les œuvres des autrices et leurs réceptions[4]. En effet, l'œuvre issue de la collaboration n’est pas nécessairement reconnue comme telle et suppose une signature qui peut soit invisibiliser l’une des co-autrices ou l’un des co-auteurs, soit les fondre dans la construction d’une entité pseudonymique. En outre, l'œuvre produite par une autrice peut permettre la revendication d’une auctorialité féminine dont les contours varient, ou, au contraire, sa dissimulation lors de l’emploi d’un pseudonyme masculin ou épicène.

Martine Reid souligne le « dilemme » face auquel se trouvent les autrices au XIXe siècle : « afficher son sexe » ou « le refuser au nom de quelque neutralité supposée de l’activité littéraire[5] ». Celui-ci semble se révéler sous un jour particulier dans l’écriture en collaboration en tant qu’il y est redoublé, comme le rappelle Seth Whidden en s’appuyant sur les analyses de Bette London : « in the case of women, literary collaborators suffered from a double invisibility – the invisibility of collaboration and the invisibility of women’s writing[6] ». Au contraire, si « environ 15% des femmes de la Belle Époque écrivent sous un pseudonyme », celui-ci peut aussi servir à développer « une stratégie publicitaire très consciente qui joue sur la marginalité de la femme auteur[7] ».

Du pseudonyme masculin « Jules Sand » masquant l’association d’Aurore Dupin et de Jules Sandeau aux conflits entre Colette et Willy autour de la paternité des œuvres, en passant par la construction du masque auctorial de « Paule Riversdale » derrière lequel se dissimulent Renée Vivien et Hélène de Zuylen, cette journée d’étude propose d’interroger les différentes pratiques d’écritures en collaboration des autrices du XIXe au XXe siècles en considérant en particulier la question de la signature. Cette dernière est en effet l’objet sur lequel se fondent les stratégies auctoriales en tant qu’elle constitue le « signe de l’écrivain – et non de l’homme ou de la femme puisqu’elle peut rester pseudonyme[8] ».

Selon ces perspectives, les pratiques d’écriture en collaboration des autrices permettent d’interroger la façon dont ces dernières se sont intégrées dans le champ littéraire et notamment les stratégies qu’elles ont mises en place à cet effet. En retour, la réflexion autour des autrices constitue un point de vue susceptible d’éclairer la problématique de l’auctorialité mise en question par les pratiques de l’écriture en collaboration.

Les propositions de communication pourront notamment s’inscrire dans les axes suivants :

Signatures, pseudonymies

  • Les choix de la monstration ou de la dissimulation des pratiques d’écriture en collaboration des autrices s’inscrivent-il dans le(s) cadre(s) plus large(s) de scénographies auctoriales, de stratégies éditoriales, de politiques de la littérature ?

Réceptions

  • Quels sont les effets de la monstration et/ou de la dissimulation des pratiques d’écriture en collaboration des autrices sur la réception des œuvres concernées ?
  • Comment les stratégies de monstration et/ou de dissimulation des pratiques d’écriture en collaboration des autrices orientent-elles la réception des œuvres concernées ?

Genres littéraires

  • Les pratiques d’écriture en collaboration des autrices et les stratégies de dissimulation ou de monstration de celles-ci varient-elles en fonction du genre littéraire des textes concernés ?

Les titres et propositions de communication, d’environ 2500 signes et accompagnés d’une biobibliographie, devront être envoyés avant le 1er mai 2023 à ces adresses : anissa.khoualdia1@univ-rouen.fr et tristan.guiot.univ@gmail.com. La journée d’étude, organisée avec le soutien du CÉRÉdI (Centre d’études et de recherche Éditer/Interpréter, EA 3329), se tiendra à l’université de Rouen Normandie (Campus de Mont Saint-Aignan) le jeudi 9 novembre 2023. 


 
[1] Martine Reid « Introduction » in Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, t. II, Paris, Gallimard, coll. « folio essais » p. 17.
[2] Roger Chartier et Henri-Jean Martin, Histoire de l’édition française. Tome 3. Le temps des éditeurs. Du romantisme à la Belle époque, Paris, Fayard, 1990.
[3] Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain, Vaillant, La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, « Opus Magnum », 2011.
[4] Frédéric Regard, Anne Tomiche (dir.), Genre et signature, Paris, Classiques Garnier, coll. « Perspectives comparatistes », 2018.
[5]  Martine Reid, « Des femmes en littérature. Histoire de noms » in Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, t. II, op. cit., p. 35.
[6] Seth Whidden, Models of Collaboration in Nineteenth-Century French Literature. Several Authors, One Pen, Farnham, Ashgate, 2009, p. 2.
[7] Rotraud von Kulessa, Entre la reconnaissance et l’exclusion. La position de l’autrice dans le champ littéraire en France et en Italie à l’époque 1900, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de Littérature générale et comparée », 2011, p. 197.
[8] Marie-Ève Thérenty, Mosaïques. Être écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Honoré Champion, 2003, p.93.