Henri de Régnier préfacier de lui-même
La préface du poète et romancier Henri de Régnier (1864-1936) à son roman Les Rencontres de monsieur de Bréot (1904) s’achève par ces mots restés célèbres qui battent en brèche toute justification d’ouvrage par une supposée nécessité : « je n’ai jamais, en écrivant, cherché quoi que ce soit d’autre que le plaisir délicieux et toujours nouveau d’une occupation inutile ».
Dans Seuils (Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1987), Gérard Genette propose une définition aussi exhaustive que possible, en compréhension et en extension, de cet élément contingent mais hautement significatif qu’est la préface d’un ouvrage. Celle-ci du reste ne dit pas toujours son nom et peut même à l’occasion être redoublée. Mais la préface relève surtout de deux exercices tout à fait distincts, selon qu’elle ouvre sur un livre d’autrui (préface « allographe ») ou de soi-même (préface « autographe »). Il en résulte des postures et des fonctions différentes, voire opposées, puisque, s’il convient de recommander l’ouvrage d’autrui, on ne saurait le faire pour soi-même, du moins de façon directe.
Henri de Régnier a beaucoup préfacé, tant ses propres œuvres que celles d’autrui, en écrivain de renom et académicien (à partir de 1911). C’est d’abord le chantier des préfaces autographes que le dossier critique de Tel qu’en Songe n° 8 voudrait ouvrir, tous genres confondus, selon quelques axes principaux non limitatifs :
– La dimension stratégique de la préface (souvent brève)
– La participation de la préface à l’élaboration littéraire de ce qui suit (en particulier dans le cas de préfaces fictionnelles)
– Le périmètre et la porosité de la préface : par exemple, dans quelle mesure le poème d’exorde d’un recueil – « J’ai feint que des dieux m’aient parlé » (Les Médailles d’argile, 1900) – peut-il ressortir au genre de la préface ?
– Le rapport de la préface à l’ouvrage : approche directe ou indirecte, voire juxtaposition allusive ?
– L’appréciation du préfacier sur son ouvrage : contingence – « le plaisir toujours nouveau d’une occupation inutile » – ou nécessité ?
– La posture du préfacier de soi-même, entre dénigrement et affirmation de soi
– La relation du préfacier à l’ouvrage : œuvre du plaisir ou du labeur ?
– Versant stylistique de cette posture : des outils stylistiques au service de l’élaboration d’un ethos (de conteur, de romancier, de poète) ?
– Les préfaces (ou leur absence) selon les moments et les genres : recueils de poèmes, de contes et romans
– Les préfaces ultérieures aux rééditions des œuvres : quel nouveau regard ?
– Le réemploi éventuel : articles remaniés en préface ou préfaces acquérant l’autonomie de textes critiques ?
Les propositions de contributions, de 2000 signes maximum (espaces compris), sont à adresser à Élodie Dufour pour le 30 mars 2023 à cette adresse : elodie.dufour@univ-grenoble-alpes.fr.