Appel à contributions
Journée d’étude (format hybride) « La traduction-relais, une autre perspective »
Paris, 15 mai 2023
[Date limite des propositions : 24 février 2023]
La « retraduction », la « double traduction », la « traduction indirecte », ou la « traduction-relais » : tous ces termes désignent une même activité, à savoir la traduction d’une traduction. Cependant, ces termes prennent aussi d’autre sens : « retraduction » s’applique également à une nouvelle traduction d’un texte déjà traduit dans la langue d’arrivée, la « double traduction » s’implique au rapport entre des langues qui évoluent au moyen de la traduction secondaire, la « traduction indirecte » désigne des traductions faites via des versions intermédiaires qui ne sont destinés à aucun lectorat, alors que la « traduction-relais » est une traduction faite via une traduction ayant son propre lectorat. Il existe encore d’autres termes qui tentent de catégoriser les activités complexes de la traduction par relais : « la traduction-soutien » par exemple, dont le traducteur réalise son travail à partir l’original, mais en se référant à une ou plusieurs traductions intermédiaires. Pourquoi tant de définitions à la fois communes et différentes ? En parcourant l’histoire de la traduction, on constate que la traduction par relais joue un rôle décisif, à commencer par la traduction de la Bible, traduite à partir du latin dans beaucoup de langues comme le français, le chinois, etc. Pourtant, la plupart du temps, elle est considérée négativement et marginalisée. La recherche sur la traduction par relais suscite ainsi beaucoup moins d’attention que celle sur la traduction directe à partir de l’original, dont elle redouble le caractère problématique : « If translation is considered a poor copy, it makes no sense to discuss poor copies of poor copies. » (St. André, 2020)
En réalité, dans plusieurs cultures, la traduction par relais a été une méthode primordiale, mise en œuvre dans la traduction des écritures bouddhiques du sanscrit au chinois et du chinois au japonais, par exemple. Elle a joué également un rôle important en ce qui concerne les échanges entre le monde occidental et le monde oriental. Entre les années 1970 et 1980, plusieurs ouvrages des écrivains japonais ont été traduits en français via leur traduction en anglais (Yukio Mishima, Endô Shûsaku, etc.) Malgré des critiques souvent négatives sur ces traductions-relais en France, nombreuses sont celles qui n’ont pas connu de retraduction faite directement de l’original.
De façon générale, la traduction à partir d’une ou plusieurs langues relais a joué et joue encore un rôle important dans les échanges interculturels, dont elle cristallise les rapports de force. Certaines langues dominées ne sont ainsi traduites qu’à partir d’une langue dominante dans une autre langue dominante, prenons comme exemple la littérature géorgienne : dans la plupart des cas, elle est d’abord traduite en russe pour pouvoir être ensuite traduite en d’autres langues comme l’anglais. De nos jours, la traduction via l’IA prend une place de plus en plus importante : on traduit directement à l’aide de l’IA, ou des traducteurs s’en servent comme outil auxiliaire. Peut-on considérer que l’IA est un traducteur-relais / un traducteur-soutien (ou une traduction-relais / une traduction-soutien), ce qui rendrait la traduction par relais massivement présente dans la vie contemporaine ?
Il apparaît donc indispensable de reprendre à nouveaux frais la pensée de la traduction-relais, afin de mieux cerner sa place dans l’activité de traduction au sens général, une place qui lui est aujourd’hui concédée du bout des lèvres. Et en prenant acte de l’existence de la traduction par relais, il convient sans doute réviser son évaluation, c’est-à-dire d’y réfléchir sans préjugés, ou en examinant les sources des préjugés, afin de comprendre dans quelle mesure il est possible de rendre justice à la traduction par relais.
Nous nous invitons à repenser la traduction-relais, notamment dans le cadre de la littérature, à partir de différentes perspectives. On pourra ainsi :
1. Étudier le discours sur la traduction-relais, en explorant ses présupposés.
2. Entreprendre de construire une théorie littéraire sur la traduction-relais.
3. Examiner les aspects éthiques et esthétique de divers sous-genres de la traduction-relais ainsi que la traduction-soutien.
4. Exposer un ou des cas de la traduction-relais, de la traduction-soutien ou d’autres formes de traductions médiatisées, leur réception et les critiques suscitées.
5. Réfléchir au rapport entre traduction-relais et retraduction : quand la première traduction est une traduction-relais, la traduction directe qui la suit est-elle une retraduction ou une première traduction ?
Les propositions de communication sont attendues pour le 24/02/2023, en français ou en anglais, avec un titre, un résumé de 250 mots maximum, accompagnées d’une courte biobibliographie. Elles sont à envoyer conjointement à Sha MA (nomverber@yahoo.com) et Linyao MA (linyaoma2019@gmail.com). Une réponse sera donnée au plus tard le 26 mars.
Les langues de la journée d’études sont le français et l’anglais. Les communications orales durent chacune 20 minutes suivies de discussion.
Organisatrices :
Sha MA, CERC, Université Sorbonne Nouvelle
Linyao MA, CERMOM, Sorbonne Université
Références :
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