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Faire face aux discours de haine (Brest)

Faire face aux discours de haine (Brest)

Publié le par Marc Escola (Source : Christophe Cosker)

APPEL À COMMUNICATIONS POUR UN COLLOQUE INTERNATIONAL

FAIRE FACE AUX DISCOURS DE HAINE

Université de Bretagne Occidentale

Brest, du 28 au 30 septembre 2023

L’époque contemporaine voit partout la montée en puissance d’opinions et de croyances portées par la haine, de l’apologie du terrorisme et du crime de masse, à l’antisémitisme, l’islamophobie et toute autre forme de racisme, en passant par l’homophobie, l’antiféminisme ou encore la cyberviolence. Cette propagation des discours de haine sur tous les canaux de communication nourrit la crainte, non seulement d’une manipulation massive et durable de l’opinion publique afin de fragiliser la paix sociale, mais d’une déferlante de violence à l’encontre des personnes visées. 

Plusieurs recherches récentes en sciences humaines et sociales[1], en droit[2] et en sciences de l’éducation[3] permettent de mieux comprendre le fonctionnement persuasif de ces discours, leur pouvoir d’emprise et la menace qu’ils posent sur la vie en société. Les discussions soulèvent la question de savoir comment appréhender la relation entre discours de haine et acte de violence, notamment dans le cadre de la diffusion du complotisme (Dard 2018), du cyberharcèlement (Stassin 2021) ou de l’appel au terrorisme (Ferragu 2019) : s’il s’agit d’une relation de cause à effet, le discours de haine posséderait une valeur prédictive forte. D’autres travaux s’interrogent sur les carences des dispositifs juridiques mis en place par le Conseil de l’Europe depuis les années 2000 (Baider et Constantinou 2019 : 9) et en France, avec la loi « Avia » promulguée en juin 2020 (Bailly et Moïse 2021 : 6). Enfin, plusieurs recherches ont établi des typologies qui permettent de distinguer les discours de haine directe, affichée, fulgurante (Mercier et Amigo (2021 : 73-91), des discours de haine indirecte, dissimulée ou détournée (Määttä 2021 : 35-50). 

Le colloque invitera à poursuivre ces recherches en tenant compte d’un impératif : faire face aux discours de haine et de violence. Si des instances internationales et nationales destinées à prévenir des crimes de masse élaborent des stratégies globales de sortie de crise imminente, comme le Genocide Prevention and the Responsibility to Protect des Nations Unies[4], des études de cas menées dans la perspective des sciences de l’information et de la communication, des sciences du langage, de l’histoire, de la littérature, de la sociologie, de la didactique ou encore du droit permettront de mieux saisir la problématique. Par exemple, des approches comparatives entre les mouvements contre la montée du fascisme et du nazisme de la première moitié du XXe siècle comme l’Anti-Defamation League (ADL) ou la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Lica) avec les institutions, associations et autres démarches collectives ou individuelles d’aujourd’hui permettront de mettre en exergue la pertinence et l’efficacité de la résistance contre les discours de haine.

Afin de nourrir le débat, quatre modèles théoriques pourront être mis à l’épreuve  : 1. Pour faire face aux discours de haine, il fest possibleaut faire usage de l’Analyse du cadre référentiel (Referenzrahmenanalyse) (élaborée par  Welzer et Neitzel (2011 : 16-46). Ce modèle permet de situer les faits, les gestes, les croyances et les dires des acteurs sociaux dans leur cadre socio-historique englobant, favorisant l’étude comparative. 2. Il faudra aussest aussi possiblei d’approfondir la recherche sur le fonctionnement affectif des discours alternatifs non seulement pour faire face aux passions négatives, mais pour esquisser des voies de sortie de la haine. 3. L’analyse de la nature polysémiotique des discours de haine dans le cadre théorique de la multimodalité  peut être une ressources’impose. En effet, la question centrale de la performativité des discours de haine et des possibilités d’y faire face est liée à la conjonction simultanée de plusieurs systèmes sémiotiques (texte, son, images, architecture graphique, etc.). 4. Les discours de haine empruntent largement à l’esthétique de la violence extrême, la propagande d’embrigadement de Daesh en est exemplaire à cet égard (Rinn 2019).  Qu’en est-il de la place accordée à l’esthétique dans les discours qui y font face, notamment à la création artistique, littéraire, poétique et cinématographique ?

Ces modèles pourront enrichir les discussions sur trois types de discours qui font face à la haine :

I)               Les contre-discours de haine 

Les contre-discours s’attaquent frontalement au discours de haine. Ils peuvent adopter une stratégie de communication fondée sur une argumentation par l’absurde, l’ironie, voire l’humour pour s’opposer, de façon polémique, au pathos agressif de la haine. En principe, les contre-discours se définissent par une posture conflictuelle, polémique, notamment dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

II)             Les discours alternatifs

Ces discours puisent dans l’expérience de vie pour porter témoignage d’un destin singulier. La force de persuasion de ce type de discours réside dans le fait qu’il s’oppose à la généralisation, voire la déshumanisation sous-jacente dans de nombreux discours de haine. On peut soutenir la thèse selon laquelle le témoin, dans la rencontre avec la tierce personne, parvient à traduire son savoir survivre en un savoir être. Ainsi, il contribue à promouvoir un projet de société post-haineuse, par la validation de nouvelles règles éthiques.

III)            Les discours politiquement corrects et la politesse

Perçu à l’origine comme une pratique sociale positive dans la culture politique américaine à la fin du XVIIIe siècle, mais décrié depuis comme étant liberticide, le politiquement correct (Krieg-Planque 2021) cherche à éviter le mépris, la blessure ou la discrimination de groupes et/ ou d’une personne. Le débat consistera à savoir si ce type de discours revient à la langue de bois (Krieg-Planque 2017) ou au contraire, favorise le franc-parler, ou les deux à la fois. Au-delà d’un parler édulcorant, voire hypocrite,  ce type de discours relève d’une stratégie de l’atténuation, de la modération, et, en fin de compte, du respect d’autrui et de soi. En cela, une réflexion sur l’usage de la politesse pourra trouver toute sa place car elle redonne du sens à la dispute, à l’entente mutuelle, au dialogue.

Ce colloque lance un appel en faveur d’une large ouverture à la fois interdisciplinaire et interculturelle de ce champ de recherche, avec les sciences humaines et sociales. En effet, pour mieux comprendre la lutte contre la propagation de la haine qui menace toutes les sociétés, il sera judicieux d’engager il  indispensable d’engager un le dialogue avec les juristes qui se préoccupent des questions du cadre légal qui détermine la diffusion du discours de haine au niveau national et international ; avec les ingénieurs informaticiens qui créent les algorithmes de filtrage ; avec les équipes de modérateurs des différentes plateformes numériques ; avec des personnels des services de renseignements en charge de la cybersécurité.



Références bibliographiques :

Baider, Fabienne et Constantinou, Maria (coord.). 2019. « Discours de haine dissimulée, discours alternatifs et contre-discours », Semen, n°47.

Dard, Olivier. 2018. « Complotisme », Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 06 février. Accès: http://publictionnaire.huma- num.fr/notice/complotisme/. (Consulté le 12 janvier 2023)

Ferragu, Gilles. 2019. « Terrorisme ». Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 26 février. Accès: http://publictionnaire.huma- num.fr/notice/terrorisme/. (Consulté le 21 décembre 2022)

Krieg-Planque, Alice. 2017. « Langue de bois ». Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 12 septembre 2017. Accès : http://publictionnaire.huma- num.fr/notice/langue-de-bois/. (Consulté le 18 janvier 2023)

-      2021. « Politiquement correct ». Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 10 décembre. Accès : http://publictionnaire.huma- num.fr/notice/politiquement-correct/ (Consulté le 18 janvier 2023)

Lorenzi Bailly, Nolwenn et Moïse, Claudine (dir.). 2021.  La Haine en discours, Lormont, Le bord de l’eau.

Määtä, Simo, K., Romain, Christina, Sini, Lorella., 2021. « Quand le “politiquement correct“ (démasque la haine », in La Haine en discours, Lorenzi Bailly, Nolwenn & Moïse, Claudine (dirs),  (Lormont, : Le bord de l’eau),  101 – 128.  

Mercier, Araud et Amigo, Laura. 2021. « Tweets injurieux et haineux contre les journalistes et les “merdias“, Mots, n° 125, 73 – 91

Neitzel, Sönke et Welzer, Harald, 2011  : Soldaten. Protokolle vom Kämpfen, Töten und Sterben, Frankfurt a.M., S. Fischer Verlag.

Rinn, Michael. 2019. « The Sublime in Hate Propaganda on the Internet : A Critical Discourse Analysis », REDIS Revista de Estudos du Discurso, n°8, 142 – 154.

Stassin, Bérengère. 2021. « Cyberharcèlement », Publictionnaire, Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 02 mars. (Consulté le 18 janvier 2023).



Modalités de soumission et calendrier

Les propositions de communication d’une longueur de 300 à 500 mots, ainsi qu’une courte bio-bibliographie, doivent être adressés à l’adresse suivante : michael.rinn@univ-brest.fr, avant le 8 avril 2023.

Les notifications d’acceptation seront envoyées aux participants avant 12 mai 2023. L’ensemble des conférences aura lieu en présentiel.

La publication d’un ouvrage collectif et/ou d’un numéro thématique dans une revue est envisagée. Des précisions sur ce point viendront par la suite.



Comité d’organisation de l’unité de recherche « Héritages et Constructions dans le Texte et l’Image » (HCTI), UBO : (au 14 novembre 2023) :

Ali Najm Alghannami,  (doctorant, HCTI, UBO)

Pierre Chartier, doctorant

Christophe Cosker,  (Professeur agrégé)

Khaled El Ghoche,  (doctorant, HCTI, UBO)

Husam Ma’ayah, doctorant

Elise Mathurin, Maître de conférences

Michael Rinn,  (Professeur, HCTI, UBO)

Mohamed Saki,  (Maître de conférences, HCTI, UBO)

 

Comité scientifique (au 14 novembre 2023) :

Silvia Adler, Professeure, Bar-Ilan University/Israël

Marc Bonhomme,  (Professeur émerite, Université de Berne/Suisse)

Patrick Charaudeau,  (Professeur émérite, Université de Paris 13Sorbonne Paris Nord)

Michael Rinn,  (Professeur, HCTI, UBO)

Josias Sémujanga,  (Professeur, Université de Montréal/Canada)

Ndiémé Sow, Professeure, Université Assane Seck Ziguinchor/Sénégal

Alphonse Tonyè, , (Professeur, Université de Yaoundé 2/Cameroun)

Jacques Walter,  (Professeur émérite, Crem, Université de Lorraine)

Galia Yanoshevsky, Professeure, Bar-Ilan University/Israël.


 
[1] Baider, Fabienne & Maria Constantinou (éds). 2019. « Discours de haine dissimulée, discours alternatifs et contre-discours », Semen, n° 47. 

Monnier, Angeliki, Annabelle Seoane, Nicolas Hubé & Pierre Leroux (éds). 2021.
« Discours de haine dans les réseaux socionumériques », Mots, n°125. 

Lorenzi Bailly, Nolwenn & Claudine Moïse (éds). 2023. Discours de haine et de radicalisation. Les notions clés, Lyon, ENS Editions. (à paraître en février)
[2] Brown, Alexander. 2015. Hate speech law, A philosophical examination, London, Routeledge.

Calvès, Gwénaële. 2015. « Les discours de haine et les normes internationales », Esprit, n°10, pp. 56-66. 

Denizeau, Charlotte. 2015. « L’Europe face au(x) discours de haine », Revue générale du droit. Etudes et réflexions, n°11. (www.revuegeneraledudroit.eu (consulté le 18 janvier 2023)
[3] Moïse, Claudine, Auger, Nathalie, Frachiolla, Béatrice & Schultz-Romain, Christina. 2008. La violence verbale. Tome 2. Des perspectives historiques aux expériences éducatives, Paris, L’Harmattan.
[4] (http://scm.oas.org/pdfs/2011/CP27734T.pdf (Consulté le 20 janvier 4 août 20232)