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Théophile Gautier et l'illustration

Théophile Gautier et l'illustration

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Marie-Hélène Girard)

Entré en littérature en 1830, fervent adepte de la « fraternité des arts », Théophile Gautier ne pouvait ignorer l’essor spectaculaire de l’image qui marqua le XIXe siècle, ni le débat qu’elle suscita. L’attention qu’il accorda dès les années 1830 aux illustrations de son ami Célestin Nanteuil pour les œuvres de Victor Hugo n’est que le premier signe d’un intérêt qui allait se développer dans de multiples directions au fil de sa vie d’écrivain et de critique. À commencer par ses propres œuvres. Si les dessins qu’il exécuta en 1845, pour les insérer dans un Voyage pittoresque en Algérie, eurent le même sort que les photographies de Richebourg qui devaient accompagner l’ambitieux projet des Trésors d’art de la Russie, réduit à cinq livraisons, deux au moins des œuvres de Gautier furent conçues en lien avec des artistes, Les Vosges, avec Jean Joseph Bellel en 1860 et La Nature chez elle, avec Karl Bodmer en 1870.  Rares furent en revanche celles de ses œuvres qui firent l’objet d’une illustration, si l’on excepte le frontispice de Célestin Nanteuil pour Albertus (Paulin, 1832) et les soixante dessins de G. Doré pour Le Capitaine Fracasse (Charpentier, 1866).  

L’intérêt de Gautier pour l’illustration se manifesta aussi et surtout par la place qu’accordèrent ses Salons et ses articles sur l’art, aux artistes qui mettaient leurs talents au service de textes, qu’ils soient confirmés comme Delacroix et Chassériau se faisant illustrateurs de Shakespeare, ou inconnus comme l’Irlandais W. J.  Linton, militant de la gravure sur bois ou l’aquafortiste de la Commune, Auguste Lançon. De Célestin Nanteuil à Félix Bracquemont, en passant par Tony Johannot, Ernest Meissonier, Eugène Lami, Théodore Valerio et Alexandre Bida, ils sont nombreux, dessinateurs, graveurs, lithographes, à être répertoriés dans les Salons de Gautier, au titre de l’illustration autant que de la peinture, avec presque toujours le souci de rappeler les mérites effectifs et méconnus de la première. Le meilleur exemple est  Gustave Doré, dont Gautier repéra très tôt le talent, soutint les vélléités de peintre et ne consacra pas moins de douze articles à la prolifique carrière d’illustrateur. Mais son regard sur les illustrateurs passe aussi, dans sa critique artistique, par des encouragements renouvelés aux peintres, pour qu’ils s’inspirent de textes poétiques ou canoniques, donnant lieu à d’éloquentes considérations sur le bon usage de l’image. Il va même jusqu’à suggérer des projets en ce sens, en imaginant par exemple le théâtre de Musset illustré par Eugène Lami. 

Gautier se montra également attentif aux éditeurs d’œuvres illustrées, comme Curmer ou Goupil, ainsi qu’à la presse illustrée, à laquelle il contribua occasionnellement et où ses textes, voire ses poèmes, furent fréquemment reproduits. C’est le cas notamment pour Le Musée des familles, Le Magasin pittoresque et L’Illustration. Il acquit ainsi, à la fois comme écrivain et comme journaliste, une expérience très diverse de l’illustration, qui invite à une réflexion sur la façon dont il a redéfini cet aspect de la relation entre texte et image et conçu plus largement sa place dans la culture médiatique du XIXe siècle. C’est l’un des buts de la journée qui se tiendra à Paris le 24 novembre 2023 et qui devrait offrir aussi l’occasion d’explorer des aspects de son œuvre assez peu étudiés jusque-là, comme le « Voyage en bateau sur la Meuse » ou le rôle qu’ont pu jouer les illustrations posthumes de ses textes dans sa réception à la fin du siècle.  
 
Les propositions de communications, à envoyer à : gautieretlillustration@gmail.com, pourront porter sur : 

- Les éditions et projets d’œuvres illustrées auxquelles Gautier a participé : le Voyage pittoresque en Algérie / Les Trésors d’art de la Russie ancienne et moderne / Les Vosges / La Nature chez elle.

-  La place des illustrateurs et des œuvres illustrées dans la critique artistique et littéraire de Gautier, tel Nanteuil, Meissonier, Tony Johannot, etc.

- Ses relations avec Gustave Doré et les articles qu’il lui consacra 

- Son intérêt pour les publications illustrées comme Le Diable à Paris ou Les Français peints par eux-mêmes, les albums de Gavarni, etc. 

- Ses contributions aux journaux et revues illustrées : Le Magasin des familles, Le Magasin pittoresque, L’Illustration, entre autres

- La conception de l’illustration élaborée par Gautier

- Les illustrateurs et les illustrations posthumes des œuvres de Gautier notamment Émaux et Camées, Le Roman de la momie, Le Capitaine Fracasse, par Lalauze, Caruchet, Paul April, Rochegrosse, Beardsley, etc.

Bibliographie

- Spoelberch de Lovenjoul Charles de, Histoire des Œuvres de Théophile Gautier, Paris, Charpentier, 1887 2 vol. [répertoire des œuvres de Gautier, articles compris] 

- Brunerie Candice, Répertoire des éditions illustrées des œuvres de Théophile Gautier : https://www.maisondebalzac.paris.fr/sites/default/files/editions_illustrees._candice_brunerie2.pdf

- Iconotextes, actes du colloque organisé à Clermont-Ferrand, sous la direction d’Alain Montandon, Paris, Ophrys, 1990

- Kaenel Philippe, Le Métier d’illustrateur 1830-1880, Rodolphe Töpffer, J.-J. Grandville, Gustave Doré, Paris, Editions Messène, 1996 (réédition 2005, avec un nouvel état des recherches dans l’introduction)

- Le Men Ségolène : « Illustration (Histoire de l’art et histoire du livre) », Encyclopædia Universalis (Corpus), Paris, 1990, p. 919-927 (actualisé en 2005 avec Constance Moréteau)
- id., « L’illustration pour ou contre ? » 
https://www.revue-textimage.com/18_illustrer/lemen1.html

 Mainardi Patricia, Another World Nineteenth-Century Illustrated Print Culture, New Haven, Yale University Press, 2017.