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Les expansions hypertextuelles et hypericoniques du conte Blanche-Neige (Lille)

Les expansions hypertextuelles et hypericoniques du conte Blanche-Neige (Lille)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Bochra CHARNAY)

Cycle : « Un jour, un conte »

Les expansions hypertextuelles et hypericoniques du conte Blanche-Neige

Colloque international Université de Lille

Bochra Charnay et Thierry Charnay

27-28 mars 2023
 
« Bien entendu, même s’il y a continuité pour l’essentiel, cela n’exclut pas qu’il ne se soit produit beaucoup de renouvellements […] Les folklores sont des choses vivantes, circulantes, dont chacune se nourrit d’emprunts, subit des influences. » — Georges Dumézil[1]

L’ambition de ce cycle « Un jour, un conte » est, d’une part de remettre le genre conte comme objet privilégié de recherche académique, et d’autre part d’interroger ses reconfigurations quel qu’en soit l’objet sémiotique. Les notions, qui permettent de rendre compte de ces phénomènes de « transcription » ( Maurice Bouchor), sont innombrables et variées : hypotexte-hypertexte, parodie, réécriture, adaptation (Christiane Connan-Pintado), reformulation, transposition, réappropriation, transfictionnalité (Richard Saint-Gelais), réinstanciation (Gérard Genette, Catherine Tauveron), transvalorisation (Genette), transgénéricité (Adam-Heidmann), transtextualité, etc., avec toutes les nuances et tous les degrés possibles dans les transformations opérées sur le texte-source, ou l’image-source, qu’ils soient premiers, seconds ou énième. Autant de notions qui méritent d’être triées et évaluées en fonction de leur pertinence et surtout de leur capacité opératoire, en d’autres termes de leur efficacité analytique.

À partir du conte, toutes sortes de manipulations et dérivations sont possibles car, d’une part le conte traditionnel est un texte virtuel, relativement instable et précaire, composé de l’ensemble de ses variantes, de sorte que la variation en est un élément constitutif, d’autre part le conte est lui-même en partie composé de motifs stéréotypés, sortes de sédiments discursifs qui ont pour propriété la récursivité et surtout la migration transtextuelle, transfictionnelle, transgenre et même trans-sémiotique. Blanche-Neige en est un exemple type depuis Blanchefleur, l’amie de Perceval dans Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes (1181) qui a aussi suscité de nombreuses reprises, où figure également le saisissant motif anthropologique des « gouttes de sang ». Le conte de Blanche-Neige ainsi trans-porte un long cortège de topoï qui se mue en ronde de motifs migratoires, que ces derniers soient de simples stéréotypes, ou des motifs-mythes, ou des motifs anthropologiques, ou des motifs archétypaux actualisant un ou plusieurs thèmes selon les contextes et cotextes.

L’hypotexte moderne des Blanche-neige est sans conteste le conte éponyme des frères Grimm (Schneewittchen), KHM 53 publié dès la première édition des Contes en 1812, ainsi que dans La petite édition en 1825 (n°27), résultat d’un amalgame de maintes versions et de refontes des textes au gré des découvertes. Un des hypotextes signalé par les Grimm est le conte Richilda de Johann Karl August Musäus paru en 1782. Le rival des frères Grimm, le pédagogue Albert Ludwig Grimm (sans rapport familial) avait déjà en 1809 publié une réécriture de Blanche-Neige, ainsi que de Cendrillon et Hänsel et Gretel dans son Kindermärchen. Antérieurement à la version des Grimm, on retrouvera des éléments du conte chez Basile, dans « Le corbeau » et « Les trois cédrats »[2] essentiellement ; chez Straparola pour les aventures de Blanchebelle, chez Shakespeare pour l’intrigue de sa pièce Cymbeline.

La tradition n’est pas en reste, mais en France les ethno-contes ont subi l’influence des Grimm de sorte que sur les dix versions du CT 709 relevées par Georges Delarue et Marie-Louise Tenèze dans le Conte Populaire Français II, seules cinq sont intactes ; Josiane Bru en ajoute sept dans son supplément au Catalogue français. Mais le pays qui affectionne particulièrement Blanche-Neige, est la Grèce dont Anna Angelopoulou et Aegli Brouskou dans leur Catalogue relèvent 132 versions[3] et proposent deux versions complètes. Le conte est également répandu en Afrique : Geneviève Calame-Griaule en donne une version dans Contes tendres, contes cruels du Sahel nigérien qu’elle a intitulée « Cendrillon au soleil »[4].

Les réécritures littéraires sont nombreuses, telles celles de : Angela Carter, Anne Sexton, Jesus del Campo, Chantal Robillard, Pierre Gripari, Jeanne Cordelier, Philippe Beck, Marissa Meyer, Sonia Alain, etc. Pour le théâtre, signalons entre autres celles de : Robert Walser, Claudine Galea, Howard Baker, Elfriede Jelinek, Claude Liénard, Guillaume Pascal. Les albums sont innombrables, nous ne pouvons en citer que quelques-uns plus originaux : Angela Barrett, Benjamin Lacombe, Alexandra Jardin, Solotareff, Marie Hautmont, Dumas et Moissard, Herbert Leupin, Claire Degans, Francesca Rossi, Françoise Rogier. La BD est moins riche avec Picha, Yvan Pommaux, Émile Bravo, et quelques mangas. Signalons aussi le ballet d’Angelin Preljocaj. Les illustrateurs les plus talentueux ont particulièrement été inspirés par Blanche Neige : Walter Crane, Franz Albert Jüttner, John D. Batten, Lothar Meggendorfer, Jennie Harbour, Edouardo Arroyo, Eric Battut, Gustaf Tengreen, Charles Robinson, Maurice Sendaket et bien d’autres encore.

Le cinéma n’est pas en reste, puisque dès juillet 1902 Siegmund Lubin adapte Snow White (USA). D’autres suivront jusqu’au point de non-retour qu’est le film animé des studios Disney sorti en 1937 dont le réalisateur est David Hand, d’autant plus marquant qu’il est le premier film d’animation au monde qui soit sonore et en couleurs (technicolor), dont la bande originale sera la première à être commercialisée dès 1938, avec deux grands succès emblématiques du film-conte qui ne se démentent pas : Un jour mon prince viendra et Heigh-Ho.

La question est de savoir comment les hypertextes et les hypericônes reconfigurent le récit et les personnages, quelles sont les valeurs signifiées ainsi que les transformations et innovations sémantiques effectuées par l’auteur. Maurice Bouchor, dans sa préface à Contes populaires transcrits et rimés d’après la tradition française[5] précise en quoi consistent les transformations qu’il opère sur les textes : « Tout cela n’a rien de populaire, je l’avoue ; c’est de l’art plus réfléchi qu’instinctif […] Je dois créer les conditions de vraisemblance qui sont un besoin de mon esprit, même dans le sujet le plus fantastique, et je pense que par là je répondrai mieux à l’attente de mes auditeurs, dont les moins cultivés sont loin d’être aussi naïfs que leurs pères »[6]. Autant dire qu’il s’accorde la prééminence sur le texte premier pour, pense-t-il, d’une part répondre à la demande de la réception et à ses propres représentations de l’œuvre, avec pour limites ultimes finalement la reconnaissance de l’appartenance de l’hypertexte au cycle du conte de départ : son « Histoire du Bonhomme Misère » relève toujours bien du type 330.

Les thèmes abordés seront des plus variés. Il sera possible de traiter de l’énonciation : le jeu des instances énonciatives et narratives, les variations de focales et changements de point de vue. Ainsi que traiter de l’inter ou transtextualité par les fictions transfuges, les réécritures dans un autre genre (cinéma, théâtre, poésie, bande dessinée, roman, roman graphique, albums avec ou sans texte, etc.). Traiter également de la modalisation par l’humour ou l’ironie.  De l’évolution de la narration moralisante, de la modernisation des textes d’autorité et des choix de reprise aujourd’hui. Du côté de la réception, du jeu des lectures intertextuelles et de la sollicitation des lecteurs, de la finalité littéraire. 

Les propositions de communication devront être innovantes, originales et inédites.  

Comité d’organisation

Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille
Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Comité scientifique

Sandra BECKETT, Brock University, Saint Catharines, Canada
Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille
Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille
Kirill CHEKALOV, Institut de Littérature mondiale de l’Académie des Sciences de Russie, Moscou
Christiane CONNAN-PINTADO, TELEM, Université Bordeaux-Montaigne
Dominique PEYRACHE-LEBORGNE, E.A. 4276, Université de Nantes
Natacha RIMASSON-FERTIN, ILCEA4, Université Grenoble-Alpes
Marie-Agnès THIRARD, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Modalités et calendrier

Les propositions de communication (titre, résumé de 1500 caractères maximum (espaces comprises), mots clés, et références bibliographiques seront accompagnées d’une brève biobibliographie de 1500 caractères (espaces comprises) maximum comprenant : statut, établissement et équipe d’accueil ainsi que les principales publications récentes.

Les propositions sont à envoyer, au plus tard, le 10 février 2023 à l’adresse suivante :

litteraturejeunesseunivlille@gmail.com

Une réponse sera adressée aux contributeurs au plus tard le 17 février 2023.

 

 

 


 
[1] Georges Dumézil, Du myhte au roman, Quadrige/Presses Universitaires de France, 1983 [1970], p. 188.
[2] Il ne s’agit pas de « Nennillo et Nennella » comme l’annonce par erreur Natacha Rimasson-Fertin (t. 1, p ; 305).
[3] Anna Angelopoulou et Aegli Brouskou, Catalogue raisonné du conte grec, t. 2, Maisonneuve et Larose, 1996. 
[4] Geneviève Calame-Griaule, Contes tendres, contes cruels du Sahel nigérien, Gallimard « Le langage des contes », 2002, p. 145-150 et notes p. 151-154.
[5] Maurice Bouchor, Contes populaires transcrits et rimés d’après la tradition française, Paris, Ch Delagrave, 1904.
[6] Ibid., p. 15.