Destins de la peau. Entre dessèchement et pourriture
Argumentaire
Le destin du vivant étant la mort, qu’en est-il de la carnation, des os et de la peau ? La peau est naturellement sujette à une thanatomorphose, face à laquelle les humains réagissent par l’acceptation, le déni ou l’intervention.
Le destin le plus commun est celui de la putréfaction. Pas seulement après la mort mais aussi dès le vivant avec des pathologies (pus, gangrène, lèpre, éruptions cutanées), des accidents (brûlures, déshydratation), la privation de nourriture forcée (camps de concentration) ou choisie (ascèse, grève de la faim). Les civilisations sont traversées par une fascination pour cet entre-deux qu’est la peau des morts-vivants, qui garde les stigmates du pourrissement, ou par la peau préservée des morts qui traduit la promesse chrétienne de la Résurrection des corps décomposés.
Les rituels antiques, notamment en Égypte, pratiquent la momification qui, par l’assèchement au natron, tend à la préservation de la peau par sa dessication. On peut retrouver cette préservation dans les civilisations amérindiennes. L’embaumement a continué de se faire plus récemment (Lénine, Kim Il-Sung). Un cas particulier est celui de l’hagiographie chrétienne, qui évoque des dépouilles exemptes de putréfaction (sainte Thérèse) ou exhalant un parfum floral (l’ « odeur de sainteté »), des stigmates exempts de pourrissement (Padre Pio). La dessication⁄préservation peut être naturelle ou issue de procédés volontaires, mais peut aussi apparaître comme miraculeuse.
Dans tous les cas, ces phénomènes dermiques ont inspiré les arts. Ainsi dans les « transis » de Guillaume Lefranchois, Jacques du Broeucq et Ligier Richier aux XVe et XVIe siècles ou L’illumination de S. François Borgia de Pietro Della Vecchia au XVIIe siècle. Ils nourrissent aussi la littérature (Villon, Camus, Baudelaire, Flaubert, Thomas Mann) et le cinéma (Franju).
Entre dessèchement et pourrissement, entre vie, mort et survie, la peau joue le rôle du memento mori et tient une place cruciale dans le symbolique qui irrigue toutes les cultures.
Ce numéro thématique s’adresse aux biologistes et dermatologues, aux historiens, anthropologues et ethnologues, aux historiens de l’art (peinture, sculpture, cinéma, littérature), des sciences et de la médecine, aux psychanalystes, aux exégètes et aux théologiens. L’éventail le plus large possible est souhaité, afin de rendre compte au mieux de l’ampleur du sujet.
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Date butoir de remise des articles : 16 juin 2023
La publication du numéro est prévue pour l’hiver 2023
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