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Appels à contributions
Arts performatifs et architecture (revue Itinera. Rivista di filosofia e teoria delle arti)

Arts performatifs et architecture (revue Itinera. Rivista di filosofia e teoria delle arti)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Serena Massimo)

Appel à contribution pour la revue "Itinera. Rivista di filosofia e teoria delle arti"

Arts performatifs et architecture

sous la direction de Paolo Furia, Serena Massimo, Rita Messori et Federico Vercellone

Lire l'appel dans sa version anglaise ou italienne…

La centralité croissante conférée au caractère performatif des pratiques artistiques, à savoir leur capacité à impliquer les spectateurs de manière directe et omniprésente (Dixon 2007), confère à la relation entre l'architecture, les arts performatifs et l'expérience du spectateur une pertinence qui mérite d'être approfondie. Il convient de noter, par exemple, le rôle joué par les technologies numériques - " architectures liquides " (Novak 1991) - qui contribuent à la création d'espaces scéniques interactifs qui intensifient la nature participative et immersive des spectacles. Le partage de l'espace scénique entre spectateurs et interprètes est en effet essentiel à la coproduction d'une énergie commune qui agit comme une "force transformatrice" et ouvre ainsi l'expérience partagée de la découverte de soi et de l'autre comme une union du corps et de l'esprit (Fischer-Lichte 2004).

La critique de la conception traditionnelle de l'espace scénique - qui a débuté dans la seconde moitié du XXe siècle - et l'établissement d'une nouvelle relation avec l'environnement naturel et urbain sont décisifs pour dépasser la distinction entre interprètes et spectateurs. L'identification de l'espace scénique comme un espace "métonymique", c'est-à-dire un continuum du réel (Lehmann 1999), et le choix des espaces urbains - rues, usines, décharges, prisons...- comme lieux de performances artistiques, font de l'architecture un élément clé de l'expérience du spectateur. Cette identification soutient l'objectif plus large de remplacer l'idée de l'espace comme simple arrière-plan de l'action sociale par celle d'une dimension implicite et circonstancielle de l'action (Casey 1997). En tant qu'"invités du même espace" (Ibid.), les spectateurs et les performeurs sont des acteurs de la réactivation des espaces artistiques, une réactivation qui résulte à son tour de l'influence exercée sur eux par les espaces architecturaux qui, en laissant leur empreinte sur les performeurs et les spectateurs sous forme de "corpographie" (Martínez Sánchez 2021), sollicitent ces derniers à explorer de nouveaux modes de mouvement, d'expression et d'interaction. Bien sûr, en particulier dans le cas des espaces abandonnés, les arts de la scène permettent également de surmonter la paralysie de l'action sociale qui marque la ruine (Simmel 1911) et qui est en quelque sorte perpétuée par " l'esthétique du ruin porn " (Siobhan 2018). Ainsi, la performance préfigure de possibles réinterprétations de l'espace en direction d'une possible habitation, qui reste la destination incarnée de la construction (Heidegger 1951, Ricœur 2016).

L'expérience corporelle, affective et dynamique des espaces architecturaux par les performeurs et les spectateurs réactive ainsi la nature affective et performative de l'architecture. En accueillant des actions corporelles qui, de manière performative, donnent une continuité au processus corporel impliqué dans la construction de ces mêmes espaces architectoniques, l'architecture elle-même apparaît comme un art performatif (Gomez 2003). Cet appel vise donc à aborder les liens entre l'architecture et les arts de la scène sous ses différents aspects et de multiples points de vue. Parmi les sujets qui pourront être abordés, citons :

·       La relation entre la performance et la représentation. La performance est généralement considérée comme une pratique esthétique impliquant à la fois les artistes et les spectateurs dans l'ici et maintenant. Alors que les approches représentationnelles de l'esthétique mettent l'accent sur le rôle de la vue par rapport aux autres sens et conduisent à l'hypostatisation d'un sujet observateur détaché de son environnement (Berleant 1991), une plus forte concentration sur les pratiques conduit à l'exaltation du caractère multisensoriel, incarné et immersif de l'expérience esthétique. Les paysages et les environnements urbains sont considérés différemment dans les approches représentationnelles et non-représentationnelles. D'ailleurs, au cours des vingt dernières années, on peut noter un intérêt croissant pour les approches non-représentationnelles tant en géographie humaine (Thrift 2007) qu'en architecture (Kozlowski 2020). Il a été soutenu que la représentation et les pratiques ne devraient pas être opposées, car les représentations de l'espace jouent un rôle clé dans la planification et la construction et contribuent à façonner les significations des pratiques elles-mêmes (Lorimer 2005). Les articles doivent aborder des questions concernant la façon dont le tournant performatif a transformé à la fois la théorie et la pratique de l'architecture, et comment les éléments de représentation et de non-représentation sont entremêlés dans les pratiques architecturales contemporaines.

·       Les arts performatifs et l'art public. Un exemple emblématique de la synergie entre la performativité de l'architecture et la performativité des arts performatifs est l'impact des performances basées sur l'implication directe de la zone locale et de ses habitants. En proposant une expérience collective participative, ces performances connectent la sphère privée à la sphère publique - une forme de " communing " (Chatterton 2010) - afin de transformer l'espace public en un espace " commun " (Gurney 2015) dont l'activation et la reconnexion sont réalisées par les usagers eux-mêmes (Mitrache 2012). Ceci explique l'implication des arts de la scène dans les projets de régénération urbaine grâce à leur capacité, d'une part, à transmettre et donc à renforcer l'action performative des contextes architecturaux et, d'autre part, à inspirer la conception architecturale elle-même (Sieni 2021). En se comportant elle-même comme un " performer " (Rufford 2019), l'architecture offre - également de manière expérimentale (Jackson 2011) - des espaces qui accueillent simultanément une " communauté " d'actions performatives et de pratiques artistiques, renforçant ainsi le lien entre ces dernières et la vie quotidienne et valorisant leur fonction sociale. La Fondation Pistoletto (Biella) et le Centquatre#104 (Paris) en sont des exemples. Les communications doivent explorer comment la performativité de l'architecture et des arts de la scène interagissent, et comment leur influence mutuelle contribue à la fonction sociale de l'art.

·       Les arts performatifs et la question écologique. Loin d'être un lieu où l'on se contente de prescrire des normes sur la façon de construire, de vivre et d'"agir" dans l'espace, l'architecture est une pratique performative qui explore de nouvelles pratiques artistiques et comportementales à l'intérieur et à l'extérieur de ses limites (Rufford 2019). Les œuvres architecturales et les performances spécifiques à un site exploitent cet aspect, en exposant la continuité et l'influence mutuelle entre l'environnement, l'architecture et la corporalité, ce qui conduit à la réalisation d'une "écologie performative" du sujet (Giannetti, Stewart 2005). Ainsi, une déclinaison particulière de la relation entre l'art et la nature et entre l'esthétique et l'éthique - qui sont étudiés par l'esthétique environnementale et en particulier par l'esthétique écologique (Toadvine 2010) - émerge. Il s'ensuit un renforcement du dialogue entre les arts performatifs et les principes du design écologique (Fried, May 1992) et de la "deep ecology" (Næss 1973, Perruchon 2021), dans le sens d'un "tournant durable" des arts performatifs et du dépassement du dualisme entre sujet et objet, nature et culture. Cruciale, à cet égard, est l'introduction de la notion de performativité dans le débat sur "l'agence matérielle" (Latour 1993, 1999, 2993, Cole & Bennett 2010, Brown 1998, Gell 1998), qui lui permet d'interpréter la relation entre les entités humaines et non humaines comme une relation de constitution mutuelle (Dalmasso 2020). Nous accepterons les articles qui abordent la question de la performativité dans l'interaction entre la corporéité, l'architecture et l'environnement, en se concentrant sur la façon dont les arts de la scène nous amènent à repenser la relation entre l'art et la nature, l'esthétique et l'éthique, à travers leur remise en question de la conception dualiste de la relation entre le sujet et l'objet.

Lire l'appel dans sa version anglaise ou italienne…



Date limite de soumission : 15 avril 2023

Sortie prévue : juillet 2023

Nombre de caractères, espaces compris : entre 25 000 et 40 000.

Les propositions doivent être envoyées à :

Paolo Furia (paolo.furia@unito.it)

Serena Massimo (massimoserenak@gmail.com).