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Traumatopie : traumatisme territorial dans les littératures francophones (Université York, Toronto)

Traumatopie : traumatisme territorial dans les littératures francophones (Université York, Toronto)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Antje Ziethen)

Appel à communications

Colloque international de l’AIELCEF

Dans le cadre du Congrès 2023 de la Fédération canadienne des sciences humaines

Université York (Toronto, Canada) – 27 mai 2023

Traumatopie : traumatisme territorial dans les littératures francophones

(Coordination Hassan Moustir, Université Mohammed V de Rabat)

L’Association internationale d’étude des littératures et cultures de l’espace francophone (AIELCEF) organise un colloque international au Congrès 2023 de la Fédération canadienne des sciences humaines FCSH qui se tiendra du 27 mai au 3 juin 2023 à l’Université York à Toronto, Canada.

Le thème général du Congrès 2023 est Confronter le passé, réimaginer l’avenir. Il s’inspire des « leçons provenant des mouvements Black Lives Matter et Idle No More, de la Commission de vérité et réconciliation et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il nous amènera à renouveler notre réflexion pour cultiver des relations non hiérarchiques dans le respect des différences humaines, tout en protégeant l’environnement duquel nous dépendons ». 

Le colloque international de l’AIELCEF portera plus spécifiquement sur le thème Traumatopie : traumatisme territorial dans les littératures francophones. La question territoriale a souvent été réduite à un cadre qui rehausse l’intrigue (faute sans doute de la critique du roman qui établit une hiérarchie entre ses composantes textuelles), sans être vue comme l’intrigue même où se joue le destin des individus et des groupes. Ce n’est pas vers une écologie politique (Gorz, 2008 ; Latour, 2017) qu’il faut se tourner pour dresser ce procès du roman moderne, ou pour relire le roman francophone, ni vers l’écologie tout court, même dans sa critique du capitalisme et du consumérisme. C’est plutôt vers les études décoloniales (Mignolo, 2000) et leur critique de la Modernité dont l’un des projets majeurs, comme l’étayait un récent numéro de la revue Littérature (2021), est de réinvestir le lieu de sa fonction discursive, de sa charge affective et existentielle ainsi que de son horizon poétique oblitéré par l’ingérence épistémique ou la logique coloniale du progrès.

Comme pour faire pièce au mythe du territoire sauvage (wilderness), de son esthétique de l’hyperbole et partant de sa compromission dans l’aventure coloniale, le territoire du roman francophone se charge d’une « existentialité » accrue, forçant le regard et engageant les sens dans le procès du sensible et son conditionnement du devenir à la fois local et terrien. Devenir conjugué de près à des existences exiguës, fragilisées, dominées et dépossédées, notamment dans les communautés colonisées, racisées et autochtones.

Ce premier colloque international de l’AIELCEF est dédié spécifiquement à la dimension symptomatique du territoire dans le roman francophone en ce qu’il est à la fois une condensation du trauma spatial, politique, culturel et historique, et ce dès son émergence, et une extension décisive aux modes d’exister, de sentir, de se sentir et de devenir aussi bien des individus que des collectivités.   

Sans donner forcément au traumatisme sa connotation psychique initiale, ce colloque de l’AIELCEF envisage d’élargir la perspective à des dimensions historiques, culturelles, politiques, ontologiques qui concernent des groupes et l’incidence de ces dimensions sur des configurations territoriales et spatiales problématiques, elles-mêmes issues d’ordres politiques révolus (la colonisation) ou de leurs relais (indépendances ratées, dictatures, crises actuelles de l’intelligence, du sujet francophone, de ses relations de genre, etc.). Le colloque propose de désigner cet ensemble par le terme traumatopie. Aussi, invite-t-il à une relecture du corpus francophone dans l’optique d’une territorialité majoritairement souffrante, chaotique, violentée, délirante et co-extensive aux hommes, filtrée dans le roman par des esthétiques qui en cristallisent le sens et qui tranchent avec le romantisme de l’ailleurs enchanteur.

On se souvient à cet effet que Batouala (1921) de René Maran, ouvrage qui a aujourd’hui un siècle, fut un appel à « se lever » et à se battre, là (bats-toi là) ! Dépeindre le territoire et le vécu des hommes est devenu dès lors signe d’engagement littéraire, en empruntant la voie du réalisme. Esthétique qui sera largement relayée dans les écritures des colonies. Mais en même temps qu’une appropriation de l’écriture, ce fut une localisation de celle-ci ; geste qui sera éminemment mis en vedette dans Cahier d’un retour au pays natal (1939) où, cette fois-ci, les Antilles constitueront le terrain expérimental d’une écriture affiliée au surréalisme mais qui offre initialement au poète une réserve d’images en phase avec son territoire, alimentant son langage d’éveilleur des consciences et des opprimés. L’histoire des Antilles et ses traumatismes se lisent dans leurs « marais de la faim », leur « soleil vénérien » et leur « fragile épaisseur de terre ». Par transfert et hypallage, « le cri » attendu des hommes sera d’abord celui de la terre qui se déchire en mille métaphores foudroyantes.

Plus proche de nous, le roman francophone contemporain ne semble pas déroger à cette loi. Haïti dansL’Énigme du retour de Laferrière (2009), Madagascar dans Za de Raharimanana (2008), ou encore l’Algérie dans La Disparition de la langue française de Djebar (2003) articulent l’écriture sur le territoire dans des esthétiques appropriées qui répondent à l’impératif du lieu. Dans ces terrains abandonnés, ces lieux désaffectés, ces villes-décharges, ces ruines toujours fonctionnelles, le territoire paraît davantage comme symptôme, somatisant presque d’autres troubles individuels et collectifs, de divers ordres.

Ainsi, comme corps souffrant, déchiré, rapiécé, ravaudé, éventré, le territoire porteur de trauma de l’histoire a souvent dans le roman francophone le statut d’une contre-narration, objective, à rebrousse-poil des idéologies et des discours volontaristes, philanthropiques ou folklorisants, apportant un déni aux affirmations hégémoniques, utopiques, salutaires, etc.  

L’objectif de ce colloque n’est pas tant de revenir ni sur une cartographie ni sur une géocritique (institutionnelle) de la littérature francophone. Il se focalise davantage sur la charge discursive que constitue en soi l’écriture de la territorialité en interrogeant ces écritures du territoire traumatisé, d’un point de vue esthétique, poétique, générique, discursif, débouchant alors sur une possible « topocritique » où le lieu est traduit en style d’écriture.  

Toute approche du roman francophone s’inscrivant dans cette optique, quelle que soit son obédience (sémiotique, mythocritique, énonciative, narratologique, géocritique, postcoloniale, etc.) est la bienvenue. À titre indicatif, voici les axes thématiques relatifs spécifiquement à l’écriture du traumatisme territorial dans son rapport à l’humain :

Mise en discours, mise en récit du trauma territorial ;
Décoloniser, recoloniser le territoire ;
Genre et territoire traumatiques ;
Crises du micro-lieu naturel : le cours d'eau, la montagne, l’arbre, la forêt et le désert ;
Lieux-symptômes et dérèglements postcoloniaux ;
Du lieu urbain : anomies, tensions, légendes et séparations ;
Mésusage des lieux : hybridations, défigurations, reconfigurations ;
Passions du lieu : émotions et prise en charge narrative, discursive ou descriptive ;
Localités et globalités du territoire postcolonial traumatisé ;
D’un lieu traumatique à l’autre : croisements, correspondances, concurrences.
Soumission des propositions et calendrier

Les propositions de communication de 300 mots maximum accompagnées d’une notice bio-bibliographique de 150 mots maximum (contenant vos noms, institution d’attache, adresse courriel et publications récentes) seront reçues jusqu’au 31 janvier 2023 aux adresses courriel : moustirhassan@outlook.fr et antje.ziethen@ubc.ca  Les propositions acceptées par le Comité scientifique seront connues le 20 février 2023. Le colloque sera principalement présentiel mais autorisera sur demande des communications à distance.   

Avant l’acceptation définitive de leur participation au colloque, les auteur.e.s retenu.e.s devront s’acquitter des frais de participation au Congrès 2023 ainsi que des frais de conférence de l’AIELCEF. Les frais de déplacement et de séjour seront également à la charge des participant.e.s. Les liens internet indiquant les montants, les modalités et les délais de paiement vous seront envoyés ultérieurement. Toutes les communications doivent être présentées en français. Après le colloque, une sélection des communications évaluées et révisées fera l’objet d’un numéro de la revue Recherches Francophones en 2024. 



Comité scientifique 

Driss Ablali (Université de Lorraine)    

Ndèye Ba (Ryerson University)

Mokhtar Belarbi (Université Moulay Ismail de Meknès)

Samira Belyazid (Université de Moncton, campus d’Edmundston)

Anouar Ben Msila (Université Moulay Ismail de Meknès)

Houda Benmansour (Université Mohammed V de Rabat)

Daniel Castillo-Durante (Université d’Ottawa)

Mickaelle Cedergren (Université de Stockholm)

Fathalla Daghmi (Université de Poitiers)

Mbaye Diouf (Université McGill)

Mohamed El Bouazzaoui (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès)

Saloua El Oufir (Université Mohammed V de Rabat)

Laté Lawson-Hellu (Western University)

Hassan Moustir (Université Mohammed V de Rabat)

Simona Pruteanu (Wilfrid Laurier University)

Christophe Premat (Universite de Stockholm)

Bernadette Rey Mimoso-Ruiz (ICT Toulouse).