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Repenser le sentiment au XVIIIe s. (revue Studia Universitatis Babeș-Bolyai Philologia)

Repenser le sentiment au XVIIIe s. (revue Studia Universitatis Babeș-Bolyai Philologia)

Publié le par Marc Escola (Source : Carmen Borbely)

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E-mail: lett@lett.ubbcluj.ro

Repenser le sentiment au XVIIIe siècle

Numéro spécial 3/2023
Studia Universitatis Babeș-Bolyai Philologia
studia.philologia@lett.ubbcluj.ro


Coordonnateurs
Andrew Rudd, Université d’Exeter, Royaume Uni
a.rudd@exeter.ac.uk
Dragoş Ivana, Université de Bucarest, Roumanie
dragos.ivana@lls.unibuc.ro


Au XVIIIe siècle, le terme de « sentiment » jouit d’une popularité incontestable. A côté d’autres
vocables apparentés, comme celui de « sensation » ou d’« affect », le terme de « sentiment » renvoie alors à
ce que les philosophes des Lumières appellent les « émotions douces », radicalement dissociées des «
passions », ces dernières étant considérées comme la version violente, incontrôlée et irrationnelle des
premières. Le « sentiment » est minutieusement analysé dans des traités philosophiques et fait l’objet de
théories étroitement liées à l’épistémologie, à l’éthique et à l’esthétique. En même temps, cette notion revêt
une importance capitale pour la formulation de théories médicales sur les sensations physiques et l’esprit
humain, tout comme, par extension, pour la compréhension de « l’esprit du temps », de la culture et des
mœurs des sociétés européennes occidentales du XVIIIe siècle. Des disciplines diverses contribuent ainsi à
l’élaboration d’un langage sentimental qui sera inévitablement emprunté par la littérature au cours de la
seconde moitié du siècle.

Vouée à faire le pont entre l’effondrement du modèle rationaliste et l’avènement du romantisme
annoncé par la Révolution française, la littérature sentimentale du XVIIIe siècle glorifie les émotions en
utilisant une recette dont les ingrédients sont savamment mélangés : des réponses somatiques à profusion
(des larmes et des évanouissements), un peu ou beaucoup de sympathie, du sentiment moral à revendre, un
brin de mélancolie et, en toile de fond, la torture de la vertu. Par ailleurs, en 1780, Henry Mackenzie décrit la
sensibilité comme une « science des manières », dont le rôle est de réunir les individus dans la sphère
publique par l’intermédiaire du langage du cœur qui les pousse à faire preuve de générosité. La sensibilité
devient ainsi le moteur de la sociabilité, un concept-clé chez David Hume dans la « Science de l’homme » où
l’on retrouve l’idée selon laquelle les passions sont plus fortes que la raison et, par conséquent, responsables
des actions humaines. Sans être épargnée par les critiques, notamment sur le sentimentalisme excessif et les
émotions raffinées, la sensibilité est considérée à l’époque surtout comme une arène des débats sur la
conscience morale et sur la capacité à agir en accord avec l’éthique sentimentale.

Aujourd’hui, des études récentes dans le domaine de l’histoire des émotions nous invitent à repenser
la sensibilité comme phénomène « bio-culturel » (Biddice, 2020), corporel, certes, mais aussi situé, médié,
construit. Nous devons réexaminer la façon dont le XVIIIe siècle a conçu la sensibilité, i.e. comme une
caractéristique innée de la physiologie humaine qui demande seulement à être cultivée, par rapport au
moment historique particulier où cette conception est apparue. En effet, tout l’édifice culturel du XVIIIe siècle,
y inclus sa conception de la sensibilité, subit maintenant une réévaluation et une reconfiguration. Dans quelle
mesure les recherches récentes sont-elles à même de nous faire repenser la notion de sensibilité telle quelle
nous a été léguée par le XVIIIe siècle? Comment inscrire dans les nouveaux contextes critiques, dans les
multiples perspectives d’aujourd’hui, la nature universelle des sentiments, des sensations et des affects, si
fréquemment affirmée à l’époque ?

Ce numéro spécial se fixe comme objectif de réévaluer la culture du sentiment au XVIIIe siècle, une
culture née à la confluence des théories de la philosophie morale et des théories littéraires, médicales,
politiques, économiques et juridiques de l’époque. Nous faisons appel à des contributions fondées sur de
nouvelles méthodes de recherche et sur des études des dernières décennies.

Les articles seront rédigés en anglais ou en français et comprendront une perspective
interdisciplinaire en vue d’offrir un éclairage nouveau sur les théories et les représentations de la sensibilité
en Europe au XVIIIe siècle. Les thèmes proposés, sans exclusivité, s’énoncent comme suit:

- la réévaluation de la théorie affective du XVIIIe siècle
- la relation entre le sentiment et l’éthique/l’épistémologie/l’esthétique
- le roman sentimental
- le nouveau culte de la sensibilité représenté par l’homme sentimental
- la poésie préromantique de la sensibilité
- le drame sentimental
- le sentiment et l’économie/les relations hommes-femmes
- la générosité et la bienveillance comme expressions du langage du cœur
- les émotions en public/en privé
- la philanthropie et la sensibilité
- les sentiments et les sensibilités globales
- la sensibilité et le sentiment aujourd’hui
- le sentiment et l’identité/les identités nationale/s

Bibliographie indicative :

BENEDICT, Barbara M. Framing Feeling: Sentiment and Style in English Prose Fiction, 1745-1800, New York:
AMS Press, 1994.
BODDICE, Rob. “History Looks Forward: Interdisciplinarity and Critical Emotion Research.” Emotion Review
12.3 (July 2020): 131-134.
BOWERS, Toni, and CHICO, Tita (eds.). Atlantic Worlds in the Long Eighteenth Century: Seduction and
Sentiment. Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2012.
BRISSENDEN, R.F. Virtue in Distress: Studies in the Novel of Sentiment from Richardson to Sade. London &
Basingstoke: Macmillan, 1974.
CSENGEI, Ildiko. Sympathy, Sensibility and the Literature of Feeling in the Eighteenth Century. Basingstoke:
Palgrave Macmillan, 2012.
ELLIS, Markman. The Politics of Sensibility: Race, Gender and Commerce in the Sentimental Novel. Cambridge:
Cambridge University Press, 1996.
HIRSCHMAN, Albert O. The Passions and the Interests: Political Arguments for Capitalism before Its Triumph.
Princeton, NJ: Princeton University Press, 1977.
MULLAN, John. Sentiment and Sociability: the Language of Feeling in the Eighteenth Century. Oxford: Oxford
University Press, 1988.
SIMONETTA, Laetitia. La Connaissance par sentiment au XVIIIe siècle. Paris : Honoré Champion, 2018.
SKINNER, Gillian. Sensibility and Economics in the Novel, 1740-1800: The Price of a Tear. London: Palgrave
Macmillan, 1999.
STEWART, Philip. L’invention du sentiment : roman et économie affective au XVIIIe siècle. Oxford: Voltaire
Foundation, 2010.
TODD, Janet, Sensibility: An Introduction. London: Methuen, 1986.
VAN SANT, Ann Jessie. Eighteenth-Century Sensibility and the Novel: The Senses in Social Context. Cambridge:
Cambridge University Press, 1993.
VILA, Anne C. Enlightenment and Pathology: Sensibility in the Literature and Medicine of Eighteenth-Century
France. Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1998.

Calendrier  :

• 1er janvier 2023 - date limite pour la soumission des propositions d'articles (résumé de 200 mots, 7
mots clés, minimum 5 références théoriques, biographie de l'auteur de 150 mots) ;
• 1er février 2023 - notification de l'acceptation de la proposition ;
• 31 mai 2023 - soumission des articles complets (les instructions pour les auteurs sur les règles de
formatage et les feuilles de style se trouvent sur le site web du journal :
http://studia.ubbcluj.ro/serii/philologia/pdf/Instructions_En.pdf) ;
• 30 septembre 2023 - publication du numéro thématique.
Prière d’envoyer les résumés et les articles aux adresses suivantes :
studia.philologia@lett.ubbcluj.ro
a.rudd@exeter.ac.uk
dragos.ivana@lls.unibuc.ro