Actualité
Appels à contributions

"Images d’Isis en France et en Italie (XIVe – XVIe siècle)" (Université du Littoral Côte-d’Opale)

Publié le par Jean-Christophe Corrado (Source : Elena Koroleva)

Journée d’études

Images d’Isis en France et en Italie (XIVe – XVIe siècle)

Boulogne-sur-Mer, 18 octobre 2023

Université Littoral Côte d’Opale, UR 4030 HLLI

Organisateurs : Elena Koroleva, Jean-Louis Podvin

 

Le culte d’Isis est introduit en Campanie, puis à Rome dès le IIe siècle avant J.-C. et c’est à partir de l’Italie qu’il se propage ensuite en Gaule. La fermeture du temple d’Isis à Philae, vers 535 de notre ère, marque la disparition officielle du culte dans le monde méditerranéen, mais la mémoire d’Isis et des divinités de sa « famille » – parmi lesquelles on compte notamment Osiris, Sérapis et Harpocrate, mais aussi Anubis, Apis et Bubastis – perdure au fil des siècles et est constamment renouvelée jusqu’à l’époque moderne. Si des recherches ont déjà été menées sur la réception de la figure d’Isis et de sa gens[i], les réécritures de leur légende aux derniers siècles du Moyen Âge et à la Renaissance, sur lesquelles nous souhaitons concentrer notre investigation, n’ont jamais bénéficié d’une étude spécifique.

Dans le cadre de cette journée qui croisera les approches de l’histoire des textes et de l’histoire de l’art, il s’agira d’examiner aussi bien la réception des traditions gréco-latines que la création de mythologies nouvelles autour de la figure d’Isis et des divinités du cercle isiaque, en France et en Italie. Pour la période médiévale, ce sont les Métamorphoses d’Ovide qui ont servi de source majeure sur Isis, ses pouvoirs et son entourage, avec l’identification d’Isis à l’amante de Jupiter, Io, au livre I et le récit de la métamorphose d’Iphis en homme au livre IX. Si le texte fait l’objet de gloses dès le XIe siècle, c’est au XIVe siècle que les Métamorphoses sont traduites, relues et amplifiées grâce à l’exégèse tropologique et allégorique : en France, par l’auteur anonyme de l’Ovide moralisé (vers 1320), en Italie, par Giovanni Bonsignori da Città di Castello (1375). Les deux œuvres ont connu une fortune remarquable aux XVe-XVIe siècles : elles circulent sous forme manuscrite et imprimée et sont une source d’inspiration pour de nombreux textes qui recourent à ces adaptations ovidiennes pour construire leur récit mythologique. C’est encore au XIVe siècle que les humanistes italiens, dont Boccace, redécouvrent L’Âne d’or d’Apulée, qui consacre le livre XI de son roman à Isis et à l’initiation de Lucius. Annotateur d’un manuscrit d’Apulée aujourd’hui conservé à Florence, Boccace renoue toutefois avec Ovide et les sources médiévales lorsqu’il présente Isis dans sa collection de biographies de femmes illustres, De mulieribus claris. Ce texte s’imposera comme un ouvrage de référence pour les écrits consacrés à la défense des femmes en France au XVe siècle, comme la Cité des dames de Christine de Pizan. Mais L’Âne d’or ne sera plus oublié. Après une première édition par Arnold Pannartz et Konrad Sweynheim pour Giovanni Andrea Bussi (1469), le XVIe siècle voit la parution de multiples traductions de L’Âne d’or en langues vernaculaires, dont pas moins de quatre en français (Guillaume Michel, 1517 ; Georges de La Bouthière, 1553 ; Jean Louveau, 1553 ; Jean de Montlyard, 1602) et celle en italien par Boiardo (1518). Toujours au XVIe siècle, c’est un autre texte, plus ancien encore et de langue grecque, qui apportera des informations nouvelles sur Isis : le Sur Isis et Osiris de Plutarque. Dès le début des années 1480, Ange Politien présente des excerpta de ce traité au public savant de Venise et de Vérone (Miscellaneorum centuria una, Florence, 1489, ch. 83). Le traité est publié à Venise en 1509 dans le cadre d’une édition intégrale des Œuvres morales de Plutarque qui seront transposées à leur tour en plusieurs langues vernaculaires, en français par Jacques Amyot (1572), en italien par Marc-Antonio Gandino (1598). Enfin, on ne doit pas oublier un faux resté célèbre qui s’inscrit dans la grande vague de redécouvertes de textes antiques, à savoir les Antiquitates de Giovanni Nanni, dit Annius de Viterbe (1498). En mettant au premier plan Osiris, Annius puise à Diodore de Sicile pour assigner au dieu égyptien le rôle civilisateur que le Moyen Âge réservait plutôt à son épouse : dans les Antiquitates, ce n’est plus Isis qui enseigne les lettres et les arts « aux sauvages Egiptiens », pour reprendre l’expression du Champion des dames de Martin Le Franc, mais Osiris qui entreprend un voyage dans le sens inverse pour accomplir une mission civilisatrice en Italie, en transmettant aux Italiens l’art de labourer la terre et l’art de la vigne. Le récit d’Annius inspirera, entre autres, Jean Lemaire de Belges dans ses Illustrations de Gaule et singularitez de Troie (1511-1513) où Hercule de Libye, fils d’Isis et d’Osiris, apparaît comme un ancêtre des rois de France.

La journée d’études permettra d’étudier les portraits d’Isis et des divinités de son cercle qui résultent de l’amalgame de ces multiples traditions. Dans quelle mesure les différentes adaptations et traductions restent-elles fidèles à leurs sources en ce qui concerne l’histoire d’Isis ? Quelle(s) image(s) des divinités isiaques véhiculent-elles ? Quel impact ont-elles eu sur la production littéraire et artistique de la période ? Telles sont les questions auxquelles les interventions de la journée tenteront de répondre.

Cette journée fournira enfin l’occasion de se pencher sur les représentations picturales d’Isis. Les manuscrits, suivis par les premiers imprimés, illustrent en effet les différents moments de l’histoire d’Isis telle qu’elle est diffusée au Moyen Âge et à la Renaissance : Isis / Io transformée en vache, puis naviguant la mer lors de son voyage en Égypte, Isis enseignant les lettres et les arts, Isis plantant des arbres, Isis recueillant les membres éparpillés d’Osiris… Certains témoins, manuscrits et imprimés, des chroniques universelles offrent également des images liées au culte isiaque, comme les festivités données en l’honneur d’Isis ou encore l’adoration des idoles des divinités isiaques. Plus rares, les représentations d’Isis dans la peinture pourront elles aussi être abordées. Citons, à titre d’exemple, les fresques de Pinturicchio montrant Isis, Osiris et Apis dans les appartements Borgia du Vatican, dont l’iconographie témoigne de l’influence d’Annius de Viterbe, ou encore le programme iconographique du « lavatoire » d’Isis imaginé par Pontus de Tyard pour les peintures du château d’Anet et décrit dans ses Douze fables de fleuves ou fontaines

 

Les propositions de communication accompagnées d’un argumentaire d’une dizaine de lignes et d’un bref curriculum vitae sont à envoyer aux organisateurs avant le 31 janvier 2023 :

elena.koroleva@univ-littoral.fr, jean-louis.podvin@univ-littoral.fr 

 

 
[i] Voir, entre autres, Jurgis Baltrušaitis, La quête d’Isis : Essai sur la légende d’un mythe, Paris, Flammarion, 1985 et Laurent Bricault, Corinne Bonnet, Carole Gomez (dir.), Les Mille et Une Vies d’Isis. La réception des divinités du cercle isiaque de la fin de l’Antiquité à nos jours, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020.