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XXXe Rencontres d'archéologie et d'histoire en Périgord. Châteaux, mers et rivages (Périgueux)

XXXe Rencontres d'archéologie et d'histoire en Périgord. Châteaux, mers et rivages (Périgueux)

Publié le par Faculté des lettres Université de Lausanne (Source : Dominique Picco)

XXXe RENCONTRES D’ARCHÉOLOGIE ET D’HISTOIRE EN PÉRIGORD

CHÂTEAUX, MER ET RIVAGES

Périgueux, les 22, 23 et 24 septembre 2023


L’association des Rencontres d’archéologie et d’histoire en Périgord a choisi de consacrer son trentième colloque annuel au thème : Châteaux, mer et rivages. 
Interrogeant les phénomènes sociaux et spatiaux sous un angle d’analyse spécifique – l’histoire du phénomène castral – ces rencontres souhaitent éclairer un sujet majeur des enjeux actuels, économiques et environnementaux, que sont nos rapports et nos usages de la mer. Dans l’esprit du Groupement d’Intérêt Scientifique Histoire et Sciences de la mer[1], et à la suite de la récente et 25e édition des Rendez-vous de l’Histoire de Blois consacrée à La Mer, ce colloque questionnera la diversité et la spécificité des rapports du château à la mer, qui se manifestent par des collaborations, des tensions et des conflits d’usages entre les communautés littorales et insulaires et les pôles de pouvoir, dans des contextes spatio-temporels spécifiques. Trois grands axes semblent déterminants pour saisir la diversité des relations entre les châteaux, la mer et les rivages.

I. Environnement maritime et implantation stratégique riveraine du littoral : missions de surveillance, défense et protection

Les conditions littorales (marées, vents, sel, végétation, ressources formant les paléo-environnements littoraux…) ont un rôle déterminant dans l’implantation des châteaux, dans leurs dispositifs techniques et constructifs et dans leurs conditions d’accès spécifiques ; elles déterminent des intérêts communs pour l’exploitation des ressources et des richesses des sites marins, mais génèrent également des tensions et des conflits d’usages.

Parmi les cas particulièrement intéressants à étudier on retiendra les « châteaux de côtes » qui jouèrent un rôle majeur dans les relations au sein du monde anglo-normand et entre France-Angleterre au Moyen Âge et à l’époque moderne mais aussi la protection castrale établie sur les côtes écossaises par les Stuart contre les incursions anglaises. Certaines forteresses surveillent la circulation maritime et appartiennent à la mise en défense des littoraux méditerranéens de l’empire arabo-musulman (où la défense côtière est indissociable du ribat[2]), ou bien à la protection des ports du littoral atlantique[3], mais aussi à la lutte contre la piraterie barbaresque, voire contre les incursions à l’intérieur des terres (tours « génoises » en Corse ; forteresses vénitiennes dans le Péloponnèse et sur la côte Dalmate). Dans ce cadre, il convient aussi de s’interroger sur les relations entre le château et le phare, qu’il s’agisse de la fortification mise en place pour protéger le phare ou bien de liens établis au fil du temps entre château et phare : une fortification a pu être édifiée à partir d’un phare, ainsi la citadelle de Qaitbay construite par les Mamelouks en 1477 sur les ruines du phare d’Alexandrie, ou bien des phares ont pu être construits à l’emplacement de tours de surveillance, ainsi les sémaphores du littoral du Maghreb central, implantés au XIXe siècle là où les auteurs arabes du Moyen Âge signalaient déjà la présence de tours de surveillance[4]. À l’époque moderne, Cordouan constitue un très bel exemple de la complexité de la construction d’un phare, tour de surveillance contre les ennemis devant résister aux assauts marins[5]. 

Dans ce premier axe entre également l’étude des « châteaux de ports » qui, à côté de la maitrise des routes maritimes, concentrent les ressources, et constituent des lieux privilégiés de prélèvement des ressources du littoral, les châteaux d’embouchure et d’estuaire qui sont autant de verrous d’entrée dans les arrière-pays, les châteaux et forteresses de détroit à la charnière entre deux mers ou espaces maritimes. 

Certains châteaux situés en bord de mer ne semblent pas, à première vue, rentrer dans l’une des catégories précédentes et mériteraient des études de cas, tel celui de Suscinio (Morbihan), construit entre grève et marais par les ducs de Bretagne, à proximité d’un territoire de chasse ceinturé par un mur d’enceinte, il constitue un véritable prototype des résidences princières en bord de mer. Enfin, un sort pourrait également être fait aux châteaux royaux des capitales maritimes européennes (Lisbonne, Palerme, Naples, Constantinople, Copenhague, Stockholm, Saint-Pétersbourg) ainsi qu’aux deux palais marins de Monaco (la résidence princière et le musée océanographique). 

II. L’enjeu de la possession des îles et de leur défense

Le deuxième axe de ce colloque s’intéresse à l’analyse à différentes échelles du phénomène de castralisation) des îles : le phénomène sera étudié depuis le cas des « cailloux » ou « rochers » proches des côtes et aisément castralisables jusqu’à celui des îles éloignées, voire perdues au milieu des océans, pouvant être qualifiée de « castralisation par défaut » sans oublier la castralisation des îles d’échelle continentale, en particulier celle des îles méditerranéennes. S’insère ici l’étude des réseaux castraux insulaires de Méditerranée (lutte contre les Turcs) et d’Atlantique (pré-carré de Vauban), éléments majeurs des relations géostratégiques (militaires, diplomatiques, commerciales) de l’Europe moderne. Il conviendrait de s’attarder également sur la relation au château des îles monastiques (castralisation du Mont-Saint-Michel, association château moderne/ monastère médiéval dans le cas des îles de Lérins). Enfin, les châteaux insulaires ont été mis au service d’autres enjeux : la lutte contre les épidémies avec les îles de quarantaine (Frioul, Marseille), ou contre des ennemis politiques (le trajet insulaire de Napoléon s’achève à Sainte-Hélène, en prolongation des exils insulaires de l’île d’Elbe et de l’île d’Aix : le cas de l’île-prison amène à s’interroger sur le rôle de l’insularité qui remplace/renforce le rôle de la fortification). 

III. Le temps des châteaux de sables, des loisirs et des séjours de villégiature

La dernière piste de réflexion que souhaitent aborder les organisateurs du colloque Châteaux, mers et rivages, éloigne de la fonction de défense du château pour aborder l’étude des résidences plus ou moins éphémères et l’imaginaire qui leur est attaché. Il convient de faire ici la place aux recherches qui ont pu être menées sur de grands navigateurs, des officiers de marine, des commerçants au long cours qui possèdent ou acquièrent des châteaux en bord de mer ou à l’intérieur des terres et allient donc dans leur patrimoine la terre et la mer. La malouinière, demeure de plaisance construite par des armateurs de Saint-Malo aux XVIIe et XVIIIe siècles, est le symbole de la réussite de ces négociants ayant fait fortune sur mer et leurs formes architecturales peuvent être aussi questionnées à l’occasion du colloque[6]. En Périgord, certes bien loin des rivages, des châteaux ont été construits ou acquis par des familles ayant fait fortune sur mer à la faveur de conflits ou grâce au commerce maritime avec l'Amérique ou le nord de l'Europe. La découverte de nouveaux rivages à la suite de découvertes maritimes, de voyages lointains ou de l’expansion coloniale ultra-marine a conduit certains d’entre eux à imprimer dans leur demeure castrale leur goût des horizons lointains : désir d’exotisme dans les formes des constructions, dans les décors et objets intérieurs (modes japonisantes, sinisantes…)[7]. 

Au XIXe siècle, le développement du tourisme littoral et des stations balnéaires, lié à l’essor du chemin de fer, -en France sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique (Dieppe, Deauville, Biarritz…)- a entrainé la rénovation, l’aménagement d’anciens châteaux et la construction de nouveaux, pour certains dans un style néo-médiéval. De grands hôtels sont alors construits, reprenant nombre de caractéristiques architecturales castrales. Dans les paysages ruraux et urbains, de nouveaux châteaux apparaissent donc tandis que s’affermit le goût pour les rivages[8].  S’agissant des stations balnéaires, l'exemple d'Hardelot (Pas-de-Calais) mériterait d'être présenté car les villas s’y sont développées autour de la forteresse en ruine, en partie reconstruite au XIXe par un acquéreur anglais.

Au XXe siècle, l’essor urbain lié au tourisme littoral de masse génère des conflits urbanistiques, les châteaux anciens ne sont pas seulement en proie au péril des vagues, mais du tissu urbain, voire des touristes. 

Il ne faudrait pas laisser de côté, la dimension majeure de l’imaginaire castral. Les châteaux insulaires ou situés sur les rivages ont en effet toujours suscité un imaginaire qu’il soit littéraire, pictural ou cinématographique. Le plus célèbre sans doute est celui des châteaux engloutis par la remontée du niveau de la mer depuis la fin de la dernière glaciation (mythe de l’Atlantide…). L’époque romantique confronta souvent le château aux éléments maritimes (le château d’If dans Le Comte de Monte-Cristo). Le cinéma et la télévision exploitent volontiers le décor du château-île ou l’éperon castral dressé sur la côte (fort la Latte ; fort Boyard), tout comme la bande dessinée (L’île noire chère à Tintin et à son créateur Hergé), etc. 



Les propositions de communications (environ 1500 signes), accompagnées d’une brève biobibliographie de l’auteur·e doivent être adressées au plus tard le 30 janvier 2023, par voie électronique, en format Word à Dominique Picco, secrétaire des Rencontres, dominique.picco@u-bordeaux-montaigne.fr et Juliette Glikman, secrétaire adjointe, juliette.glikman@orange.fr. Les intervenants retenus seront informés dans le mois suivant.

Attention, afin de répondre au calendrier de plus en plus contraint de l’édition papier, la version définitive du texte des interventions sera à remettre pour le 15 octobre 2023, date impérative. 


 
[1] http://www.histoire-sciences-mer.org
[2] Sur la défense des littoraux au temps des califats, voir Christophe Picard, La mer des califes, Une histoire de la Méditerranée musulmane, Paris, Seuil, 2015.
[3] Michel Bochaca et Jean-Luc Sarrazin (dir.), Ports et littoraux de l'Europe atlantique : Transformations naturelles et aménagements humains (XIVe-XVIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.
[4] Charpentier, Agnès, « L’aménagement du littoral tlemcénien du Moyen Âge au début du XXe siècle », Le rôle des villes littorales du Maghreb dans l’histoire, RM2E - Revue de la Méditerranée édition électronique, Tome III. 1, 2016, p. 57-78.
[5] Anne-Marie Cocula, Éric Audinet, Destins d’estuaire : d’Ambès à Cordouan, Bordeaux, Confluences, 2018 ; Claude Greney-Delisle, Louis de Foix, Horloger, ingénieur, architecte de quatre rois, Bordeaux, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest,1998.
[6] André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo : une élite négociante au temps de Louis XIV, Presses Universitaires de Rennes, 1997.
[7] Sylvain Venayre et Pierre Singaravélou, Le Magasin du monde. La mondialisation par les objets du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Fayard, 2020.
[8] Alain Corbin, Le Territoire du vide. L'Occident et le désir de rivage, Paris Flammarion, 1990.