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Créations à l'épreuve de l'exil de guerre (Sorbonne nouvelle)

Créations à l'épreuve de l'exil de guerre (Sorbonne nouvelle)

Publié le par Marc Escola (Source : Anthony Blanc)

Colloque soutenu par l'UFR Arts & Médias.

 « Créations à l’épreuve de l’exil de guerre » 

Les 28 & 29 avril 2023

Maison de la Recherche de la Sorbonne Nouvelle, salle Athéna

 
« Mon pays a sombré dans la terreur de la guerre, dans l’obscurantisme, et, là-bas, j’ai perdu les clefs de mes songes, de ma liberté, de mon identité. […] Toute création en exil est la recherche permanente de ces clefs perdues. » — Atiq Rahimi, La Ballade du calame

Parmi les personnes déplacées dans le monde, se trouvent des artistes qui fuient la guerre et d’autres formes de répression militaire et collective (génocides, coups d’état). Souvent en lutte depuis longtemps avec leurs dirigeants politiques, ces artistes ne manquent pas d’interroger la violence, les injustices et les abus de pouvoir au sein même de leur pays tout en partageant leur expérience intime à travers les outils de l’art : dessin, peinture, arts du spectacle et cinéma. En témoigne un ensemble croissant de créations qui, depuis le siècle dernier, ont su transformer les conflits de l’histoire contemporaine, avec leurs traumas individuels et collectifs, en matière puissante de création artistique à la fois personnelle et universelle – de Guernica (1937) de Pablo Picasso jusqu’aux nouveaux projets des artistes exilés ukrainiens, en passant par la bande-dessiné et le film Persepolis (2000) de Marjane Satrapi ou le cycle Domestique (2014 – 2021) de Wajdi Mouawad.

Les contextes politiques de longue date (la guerre en Ukraine, les répressions en Iran et bien d’autres encore) imposent de poursuivre une réflexion collective sur le rôle de l’artiste exilé pris entre le rejet et l’hospitalité. Il conviendra, dans un premier temps, de s’interroger sur l’exil comme garant de la liberté d’expression de l’artiste. Il s’agira, dans un second temps, d’accorder une attention particulière aux œuvres produites par des artistes en exil et de rendre compte de leur résonance dans l’espace public, aussi bien dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil. La création peut-elle constituer une forme de résistance contre la guerre en même temps qu’une matière à penser la distance ? 

Ces pistes de réflexion permettront d’aborder des problèmes relatifs à l’interculturalité et au transnationalisme tout en établissant des liens entre les artistes exilés de différents contextes et de différentes époques. Les rapprochements pourront concerner d’une part les conditions d’accueil, d’autre part l’économie et la diffusion des œuvres. Les communications devront porter sur des œuvres traitant de la guerre à l’origine de l’exil de l’artiste. Des contextes de répression opposant un gouvernement, régime, ou groupe armé à une population seront acceptées.

Cette manifestation scientifique interdisciplinaire souhaite réunir des personnalités hétérogènes : chercheurs universitaires, artistes, associations et institutions. Les disciplines artistiques concernées par l’appel sont les arts visuels/plastiques ; les arts du spectacle ; le cinéma et l’audiovisuel ; la photographie ; la caricature et la bande dessinée.

Quatre axes possibles de réflexion sont proposés : 

Axe 1. Représentations de la guerre 

Il s’agit de questionner le pouvoir et les possibles du medium choisi par l’artiste, dans sa dimension esthétique et narrative, pour penser et représenter la réalité ainsi que la distance de la guerre (peinture, dessin, film, photographie…). L’animation permet notamment de représenter les horreurs du conflit de façon allégorique tandis que le documentaire peut, par exemple, mettre en scène l’artiste dans ses tentatives de maintenir un lien avec ses proches restés dans son pays d’origine. On peut relever aussi le regard de l’enfant (sa perception, ses représentations de la guerre) et les œuvres qui reproduisent ce regard. 

Axe 2. Identités, intimités et pouvoir du témoignage

Comment l’artiste en exil représente-il, dans son œuvre, ses propres incertitudes dans la distance qui le sépare de la guerre ? De quelle manière exprime-t-il ses émotions ? Au-delà des aspects intimes et autobiographiques, le travail de l’artiste prend-il en compte d’autres témoignages ? Si oui, comment l’artiste construit-il l’image de son peuple ? Comment l’identité de la personne en exil se réinvente-t-elle à travers la création artistique dans son pays d’accueil, allant jusqu’à modifier le rapport de l’artiste avec son pays d’origine et le lien avec son passé ? Des contributions pourront également porter sur l’exil intérieur (physique ou mental, forcé ou volontaire) des artistes en tant que figures indésirables au sein de leur propre patrie. 

Axe 3. Héritages de l’exil

Les personnes qui fuient leur pays ne sont pas les seules concernées par la guerre. Les générations suivantes nées dans le pays d’accueil de leurs parents peuvent réaliser des œuvres sur la guerre, si celle-ci a eu un impact sur leur vie familiale et personnelle. Il peut s’agir d’un vécu direct ou, bien, indirect, suivant la notion de « post-mémoire » (Hirsch, 1997). Comment ces artistes s’approprient-ils alors ce trauma tout en abordant la mémoire des générations familiales précédentes ? 

Axe 4. Économie et diffusion des œuvres

Des réseaux de solidarité – institutions, associations, collectifs – se sont régulièrement mis en place au cours du XXe et du XXIe siècle, afin de soutenir la création tout en offrant une visibilité aux œuvres. Cet axe se focalisera ainsi sur l’économie et la diffusion des œuvres : Dans quels contextes et espaces ces œuvres ont-elles émergées dans le passé et émergent-elles aujourd’hui ? Avec la contribution de quels acteurs sociaux, culturels, politiques, économiques ? Quel statut adopte ainsi l’artiste et quelles en sont les répercussions politiques ?

Les propositions de communication (3000 signes espaces compris), accompagnées d’une courte notice biographique, sont attendues pour le 30 janvier 2023 à l’adresse suivante : artsmediasexils@gmail.com.

Comité scientifique et d’organisation :

Alessio Arena (IRET, Sorbonne Nouvelle/Université de Vérone)

Anthony Blanc (IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle)

Elena Gordienko (IRET, Université Sorbonne Nouvelle)

Ali Jamshidifar (EIRIS, Université de Bretagne Occidentale/ Cartooning for Peace)

Kateryna Lobodenko (IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle)

Danilo Sannelli (IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle)

Salomé Sanou (anthropologue, artiste-peintre)

Guglielmo Scafirimuto (PLH, Université Toulouse - Jean Jaurès)



Bibliographie indicative :

ALEXANDER C. Jeffrey, EYERMAN Ron, GIESEN Bernhard, SMELSER J. Neil, SZTOMPKA Piotr, Cultural Trauma and Collective Identity, Berkeley, University of California Press, 2004.

AVISHAI Margalit, L’éthique du souvenir, trad. Claude Chastagner, Paris, Climats, 2006 (1° éd. 2002).

BAL Mieke, Crewe JONATHAN, SPITZER Leo (dir.), Acts of Memory. Cultural Recall in the Present, University Press of New England, Hanover and London, 1999.

BERGHAHN Daniela, Far-Flung Families in Film. The Diasporic Family in Contemporary European Cinema, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2013.

BURNAY Nathalie (dir.), Transmission, mémoire et reconnaissance, Fribourg, Academic Press Fribourg, 2011.

BURGELIN Claude, « Écriture de soi, écriture de l’Histoire : esquisses autour d’un conflit », in CHIANTARETTO Jean-François (dir.), Écriture de soi, écriture de l’histoire, Paris, In Press Editions, 1997, p. 97-108.

CHANAN Michael, The Politics of Documentary, London, British Film Institute, 2007.

DANCHEV Alex, On Art and War and Terror, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2009.

DAVID Huddart, Postcolonial Theory and Autobiography, London-New York, Routledge, 2008.

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HALL Stuart,  Identités et cultures: politiques des cultural studies, Paris, Éditions Amsterdam, 2008.

HAMID Naficy (dir.), Home, Exile, Homeland. Film, Media, and the Politics of Place, Routledge, New York-London, 1999.

HIRSCH Marianne, Family Frames : Photography, Narrative, and Postmemory, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1997.

HUBERT Ripoll, Mémoire de là-bas. Une psychanalyse de l’exil, Paris, Éditions de l’Aube, 2012.

LEBDAI Benaouda (dir.), Autobiography as a Writing Strategy in Postcolonial Literature, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2015.

LAABI Abdellatif, « Exil et création », Hommes et Migrations, n°1142-1143. Lettres d’exils, avril-mai 1991, p. 50-52.

LINDROOS Kia, MÖLLER Frank (eds.), Art as a Political Witness, Opladen, Verlag Barbara Budrich, 2017.

MACCLANCY Jeremy (dir.), Contesting Art. Art, Politics and Identity in the Modern World, Berg, Oxford, 1997.

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NUNEZ Loreto (dir.), Création(s) en exil : Perspectives interdisciplinaires, Lausanne, Collection du CLE, 2018.

NOUSS Alexis, La Condition de l’exilé : Penser les migrations contemporaines, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, coll. « Interventions », 2015.

-          Penser depuis la frontière : expérimentations méthodologiques et épistémologiques entre art et sciences humains, Paris, Dis voir, 2018.

PASOLINI Pier Paolo, Ecrits corsaires, Paris, Flammarion, 1976.  

-       Lettere Luterane, Turin, Einaudi, 1980.

PRIME Rebecca (dir.), Cinematic Homecomings: Exile and Return in Transnational Cinema, New York-London, Bloomsbury Academic, 2016.

RACHDI Mohamed, « Fabulations oasiennes, exils créateurs » in RAGI Tariq (dir.), Les territoires de l’identité, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 217-236.

SAÏD W. Edward, Réflexions sur l’exil et autres essais, Paris, Actes Sud, 2008.

SAYAD Abdelmalek, La double absence: des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Paris, Points, 2014.

THIERRY Davila, Marcher, créer: déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Paris, Éditions du Regard, 2002.

WIEVIORKA Annette, L’Ère du témoin, Paris, Plon, 1998.