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Sexe, sexualité et relations sexuelles dans la science-fiction (Colloque Stella Incognita, 2023)

Sexe, sexualité et relations sexuelles dans la science-fiction (Colloque Stella Incognita, 2023)

Publié le par Marc Escola (Source : Stella Incognita)

Colloque annuel de Stella Incognita

Sorbonne Université, Institut d’Études Slaves, Paris 

5 – 6 - 7 avril 2023
 
Appel à communication

De la pudeur aseptisée à l’érotisme exacerbé, la façon dont la sexualité est abordée par la science-fiction au fil du temps reflète avant tout le rapport à cet aspect de la vie dans la société qui voit naître – et qui diffuse – l’œuvre. Mais toutes les expérimentations que propose le laboratoire littéraire et visuel de la science-fiction, et surtout l’impact de l’acte sexuel dans le récit, ouvrent souvent la voie à des interrogations plus universelles du rapport de l’humain à soi-même et à l’Autre. 

La science-fiction invite à questionner nos mœurs et nos normes en matière de sexualité à partir de la table-rase qu’elle s’offre à l’occasion d’une catastrophe (Nontraditional love, Raphael Grugman; Chroniques du Pays des Mères, Elisabeth Vonarburg), ou par la rencontre avec une espèce extraterrestre intrinsèquement autre (L’Etoile Rouge, Alexandre Bogdanov). En thématisant le caractère historiquement situé des normes sociales, la science-fiction pose la question de leur construction par les biopouvoirs au moyen d’éventuelles réglementations explicites, notamment sur la reproduction. Que l’objectif soit de réduire (Trilogie de La Déclaration, Gemma Malley), stabiliser (Le Vivant, Anna Starobinets) ou augmenter le nombre des naissances (La servante écarlate, Margaret Atwood), l’instrumentalisation du sexe a permis d’interroger la relation ou la possible dissociation de la procréation et de la sexualité, avec les problèmes biologiques et éthiques qui leur sont associés. Des thèmes comme la gestation pour autrui, l’hybridation (Star Trek, Gene Roddenberry) et l’insémination artificielle (La servante écarlate, Margaret Atwood; Vendredi, Robert A. Heinlein; Pollen, Joëlle Wintrebert), l’eugénisme et la procréation artificielle (Le Meilleur des mondes, Aldous Huxley) en sont des exemples parlants. 

La science-fiction joue aussi avec les frontières mouvantes entre la norme et la pathologie, entre ce qui fait peur et ce qui séduit, par l’étrangéisation des pratiques sexuelles et la représentation d’un plaisir inattendu. Ce sont en effet souvent les aliens ou mutants qui sont dotés d'une sexualité (pratiques ou libido) et parfois d'organes "extra-normaux", sur un modèle éventuellement tiré de la biodiversité actuelle (Sexomorphose, Ayerdhal). Ainsi, lorsqu’il s’agit de représenter le sexe et la sexualité, on peut s’étonner de constater que les œuvres de science-fiction n’ont pas été des espaces de libération de la représentation de l’expérience du plaisir et des émotions autant qu’on pourrait le croire. Cependant, la recherche et l’acceptation du plaisir et de l’amour a poussé à transformer ou transgresser les normes des relations sexuelles entre humains. Cela passe parfois par le développement de relations avec d’autres créatures, qu’il s’agisse de robots ou d’extraterrestres, humanoïdes ou totalement différents. Les robots passent alors du statut de sex-toy avancé à celui d’être aimé (Real Humans, Lars Lundström), et l’amour entre un humain et un robot permet des hybridations (Blade Runner 2049, Denis Villeneuve). Au-delà de l’attraction et de la possibilité du sentiment amoureux et de l’acte sexuel (Les Amants étrangers, Philip José Farmer), c’est à travers la capacité ou à l’inverse l’incapacité de se reproduire entre espèces (humanoïdes, androïdes ou autres encore) que l’on est invité à réfléchir sur ce qui définit notre humanité, d’un point de vue philosophique ou biologique, mais aussi sur ce que sont les limites physiques et évolutives de l’espèce humaine et du vivant en général (Trilogie Xenogenèse, Octavia Butler). 

Le novum de la science-fiction engage les auteurs à réinventer des canons de représentation adaptés à leur univers. Une fois posés ces mondes fluides et plastiques, dans lesquels changer de sexe n’est qu’une formalité (La Main gauche de la nuit, Ursula Le Guin), ou ces sociétés à trois genres ou plus : comment nommer ces nouveaux individus, quel pronom utiliser pour les désigner, tant du point de vue de la diégèse, de l’auteur que de la réception ? Quelle place les langues artificielles ou les langues naturelles de la fiction donnent-elles à cette question ?  (Babel 17, Samuel Delany)

Étant à la fois un miroir de notre société qui questionne notre présent et un laboratoire qui expérimente nos hypothèses sur le futur, la science-fiction permet la rencontre des créativités esthétique et scientifique. Si elle n’a pas toujours été très audacieuse sur le sujet de la sexualité, répétant les discours moralisateurs ou le regard masculin sexiste et ses fantasmes, elle offre aussi un espace particulièrement propice à l’épanouissement d’imaginaires qui poussent les limites de nos représentations, flirtant avec les tabous qui entourent la sexualité dans une société donnée. Elle s’est par ailleurs imposée comme le lieu par excellence d’une réflexion menée sur l’impact des crises politiques et sanitaires, des révolutions scientifiques et techniques sur notre quotidien, dont font partie nos vies sexuelle et sentimentale.

Étudiant la question de la sexualité dans un prisme pluridisciplinaire, le colloque s’adresse à la fois aux chercheurs et chercheuses en littérature mais aussi dans les domaines artistiques (arts plastiques, arts visuels, etc.), en sciences humaines (politique, anthropologie, sociologie, etc.), sciences naturelles (biologie, médecine), sciences physiques, etc. Nous proposons ainsi de réfléchir ensemble sur le rôle que joue le sexe et la reproduction dans notre perception et notre conception du monde.

Dans le colloque nous vous proposons d’interroger la façon dont la sexualité est abordée par la science-fiction, à partir des axes suivants :

  • Construction du genre par le discours : société, institutions ;  
  • Les relations sexuelles et l’attraction ;
  • Sexualité et utilitarisme : la question de la reproduction, l'éducation sexuelle ;
  • Hédonisme : quelle place est accordée au plaisir, à la jouissance, à leur représentation; 
  • Implications émotionnelles et symboliques : amour et attachement ; 
  • Comment parler du sexe dans la science-fiction : le choix de langage et de style.

Cette liste, néanmoins, n’est pas exhaustive. Vous pouvez proposer d’autres pistes qui traitent la question du sexe, de la sexualité et des relations sexuelles dans et par la science-fiction. 

Les propositions de communication pourront concerner tous les champs d’expression de la science-fiction : romans, films, séries, bandes dessinées, animation, peinture, sculpture, jeux vidéo, jeux de rôle. Ces propositions pourront utiliser des champs disciplinaires très différents : analyses littéraires, approches culturelles, anthropologie, philosophie, sociologie, histoire, sciences et technologie, etc.

Les propositions sont à envoyer à stellaincognita2023@gmail.com avant 3 janvier 2023. Elles doivent comporter deux documents : une proposition anonyme incluant un titre et un résumé de votre communication de 300 à 500 mots, et une courte présentation de l’auteur de la proposition. 

Comité d’organisation :

Natalia Chumarova (doctorante, Sorbonne Université, Eur’ORBEM), Christopher Robinson (maître de conférences, École polytechnique, LinX), Bella Ostromooukhova (maître de conférences, Sorbonne Université, Eur’ORBEM), Domenico Scagliusi(doctorant contractuel, Sorbonne Université, Eur’Orbem), Guilhem Pousson (doctorant, Sorbonne Université, Eur’Orbem), Tatiana Drobot (doctorante en cotutelle, Université de Genève, Sorbonne Université, Eur’Orbem).
 
Comité scientifique : 

Danièle André (maître de conférences, Université de La Rochelle), Fleur Hopkins-Loféron (post-doctorante, CNRS/UMR 7172 THALIM), Jérôme Goffette (maître de conférences, Université Lyon 1), Jean-Sébastien Steyer (chercheur, CNRS-MNHN), Samuel Minne (chercheur indépendant).