La ville piétonne est-elle un sujet d'histoire ? Elle semble plutôt relever des projets pour la ville du XXIe siècle et tourner la page d’un XXe siècle « automobile ». Le thème n’est pourtant pas nouveau. Qui se souvient qu’il y a cinquante ans, au début des années 1970, la proposition était sur toutes les lèvres et que les plus grandes métropoles au monde rivalisaient déjà de projets ambitieux ? Une révolution urbaine a-t-elle alors été manquée ? Explorant le sujet des années 1930 aux années 1980, Cédric Feriel démontre que la ville piétonne constitue depuis bientôt cent ans l’un des héritages méconnus de la ville contemporaine. Au même titre que les grands ensembles ou les villes nouvelles, elle est un terrain pour évaluer la manière dont les pouvoirs et les sociétés ont façonné l’urbain.
Pourquoi dès lors ne tient-elle quasiment aucune place dans l’histoire de la formidable transformation de la ville après 1945 ? C’est qu’elle rentre mal dans un récit souvent pensé autour des États aménageurs, des avant-gardes architecturales et du destin des géantes que sont New York, Paris, Londres ou encore Tokyo. L’ouvrage déplace la focale sur le réseau des « métropoles ordinaires » (Cologne, Copenhague, Amsterdam, Munich, Rouen, Norwich, Minneapolis). À cet échelon se joue une autre réalité de l’urbanisation des années de croissance. Élites urbaines et pouvoirs municipaux tentent d’y tracer une trajectoire alternative sur les voies de la modernisation : celle d’une urbanisation à visage humain.
Croisant les échelles d’analyse locale, nationale, transnationale, les sources archivistiques et les écrits théoriques sur la ville, La ville piétonne propose une relecture inédite de la relation des sociétés urbaines à la ville au XXesiècle, loin de la détestation supposée de la ville contemporaine.
On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage…
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Sommaire
Introduction
Historiciser la ville piétonne
Dire le changement urbain contemporain : frontières et catégories d'action
En deçà et par-delà les États : une histoire connectée des mutations urbaines après 1945
La constellation des métropoles « heureuses » ?
Enquêter la circulation du changement urbain
première partie — Les voies alternatives de la modernisation (1930-1960)
Chapitre 1. La fonction manquante de l’urbanisme
La valeur du piéton
Le retour de l’histoire : la réinvention américaine de la « cité » européenne
The heart of the city : la cinquième fonction de l’urbanisme
Les vitrines de l’État providence
Chapitre 2. La part des élites urbaines
Dans le sillage de la guerre ? La « nouvelle chance » des villes européennes
La modernité piétonne aux États-Unis : les milieux d’affaires face à la crise des downtowns
Internationaliser la solution piétonne
Chapitre 3. Au-delà de la question automobile
À l’ombre du rapport Buchanan : le problème du « modèle »
Le « carré » des villes piétonnes d’Europe du Nord ?
L’essor contrarié du pedestrian mall aux États-Unis
deuxième partie — Les récits locaux de la métropolisation (1950-1970)
Chapitre 4. Les anciens contre les modernes ?
Norwich : l’irruption de l’urbanisme ?
Rouen : une municipalité en quête de maîtrise de son aménagement
La piétonnisation en échec
Chapitre 5. Le temps des décideurs ?
Alfred Arden Wood et le projet d’un Greater Norwich
Un adjoint inspiré ? Les récits de Bernard Canu pour le futur de Rouen
La leçon de l’étranger
Chapitre 6. La forme du compromis urbain
Le compromis comme méthode ? Les intransigeances d’Alfred Wood à Norwich
Un urbanisme à la hussarde ? Bernard Canu et la fabrique locale du projet piétonnier
Les commerçants prennent le contrôle ?
L’éclipse d’un processus local
troisième partie — L’heure des usages politiques : le tournant des années 1970
Chapitre 7. La promotion internationale de l’« environnement urbain »
La révolution piétonne comme marqueur (1970-1971)
La fabrique d’une catégorie d’action internationale : les habits réformateurs de la piétonnisation (1972-1974)
Le changement urbain à moindre coût : dans l’ombre de la crise économique (1975-1976)
Chapitre 8. Dans les mailles des politiques d’État
Révolutionner la ville ? Les horizons nouveaux du VIe Plan en France
Un argument pour un autre : la piétonnisation dans les mailles de l’État
Usages et mésusages : au rythme de la politique des villes moyennes
Chapitre 9. La main cachée du capitalisme ?
Le levier insoupçonné de l’urbanisme commercial
Définir la question piétonne : l’offensive des milieux économiques
Là où l’État n’est pas : vers une prise de contrôle de l’aménagement urbain ?
quatrième partie — Le Grand Tour des villes piétonnes : utopies et désillusions (milieu des années 1970-milieu des années 1980)
Chapitre 10. La ville des possibles : une politique de l’image
La mise en modernité : la ville internationale des années de croissance
La mise en identité : la ville enracinée
La mise en urbanité : la qualité de la vi(ll)e
Derrière le rideau de fer : des utopies urbaines en miroir ?
Chapitre 11. Le courage politique en question : les impossibles capitales de la piétonnisation
L’échec de John Lindsay à New York
Un problème de gouvernance ? Regards croisés sur Paris et Londres
La ville de la juste mesure : l’espace politique des métropoles secondaires
Chapitre 12. La piétonnisation en accusation
Sous l’œil des experts : une catégorie d’action municipale incertaine
La question de la « seconde génération »
De la piétonnisation à la marche en ville
Conclusion
Avant l’espace public : la généalogie oubliée de la ville contemporaine
La trajectoire des métropoles ordinaires
Tournants ou reconfigurations : les ruptures en histoire urbaine
L’urbanité contemporaine comme enjeu de pouvoir