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Lutter avec des mots : néologie et militantisme (Strasbourg)

Lutter avec des mots : néologie et militantisme (Strasbourg)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Christophe Gérard)

Lutter avec des mots : néologie et militantisme

 
Colloque international – Université de Strasbourg
 
16 et 17 novembre 2023
 

 
 


Depuis les bouleversements socioculturels de la fin des années 1960, le militantisme a gagné en visibilité dans les démocraties occidentales, s’imposant aujourd’hui comme un élément primordial de l’action citoyenne. Qu’il s’agisse des revendications féministes (MeToo), écologistes (Fridays For Future) ou animalistes (PETA[1]), des mouvements contestataires (Gilets jaunes) ou identitaires (LGBT, Black Lives Matter) ou encore de l’engagement au sein d’un parti politique, le discours militant fait abondamment usage de la néologie.


Ces néologismes du discours militant remplissent diverses fonctions, notamment :


– dénoncer des comportements, des pratiques (Françafrique, greenwashing, mansplaining, wokisme) ou des évolutions, par ex. environnementales (écocide, urgence climatique) ;
– accroître la visibilité des minorités (iel, queer) ;
– appeler au changement politique (dégagisme, remigration) ou désigner des représentations idéologiques (islamo-gauchiste, grand remplacement, néo-féminisme).
 
Plus généralement, le recours à ce type de néologismes contribue à accentuer le clivage (politique, partisan, générationnel, etc.) et la polarisation des opinions qui sont caractéristiques des discours militants. Strauss oppose ainsi les « mots étendards », servant à afficher les idées qu’on incarne (black bloc, sororité, GINK), aux « mots stigmatisants », qui désignent péjorativement un adversaire, ses objectifs et ses valeurs (climatosceptique, agromafia, covidiot).
À côté de ces exemples, largement connus du grand public, il existe également d’innombrables créations occasionnelles ou de faible diffusion dont la dimension expressive (ludique et/ou provocante) vise à marquer les esprits. Elles abondent notamment sur les réseaux sociaux, dans la presse ou lors de manifestations :
– Déjà les médias boboïsés préparent en connivence avec Macronavirus l’opinion public [sic] en vue d’une dissolution de l’Assemblée. (Twitter, 21/06/2022)
– Ce serait faire du victim-blaming que de cracher sur une femme patriarcaptive (www.regards.fr ; 08/03/2022)
– Non au pass nazitaire ! (Slogan de manifestants contre le vaccin)
 
Ce colloque poursuit trois objectifs principaux : 1) étudier la formation et la diffusion des néologismes militants, en langue et en contexte ; 2) en explorer le rôle dans les discours engagés et 3) montrer en quoi ils témoignent d’évolutions sociétales.
 

Axes de réflexion


Les propositions de communication pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes d’étude suivants, des faits de langue aux faits de discours :
–   Quels sont les procédés de formation privilégiés dans les différents discours militants ? On pourra en particulier examiner la productivité de formants tels que, pour le français, anti-, pro-, -cide, -ité, -tude et -cratie.
–   Quelle est l’influence de l’anglais sur la création lexicale ?
–   Quel(s) rôle(s) jouent l’autodésignation et l’hétérodésignation dans les discours militants ? On s’intéressera notamment à l’importance des connotations dans les stratégies discursives (ex. patriarcat et mâle blanc dans les discours féministes), à la réappropriation de mots stigmatisants par les groupes concernés (pédé, beurette, nigger, etc.) et au statut particulier des noms propres tels que ceux créés pour désigner une formation politique (Front national > Rassemblement national, NUPES/Nupes, etc.).
–   Quels sont les facteurs linguistiques et extralinguistiques susceptibles de favoriser l’apparition et la diffusion de la néologie militante ? On pourra étudier le potentiel néologène de certains genres discursifs (slogan de manifestation, essai, « mook » (livre-magazine), poésie engagée, satire, pamphlet, etc.) ainsi que le rôle des événements sociétaux sur l’émergence de la néologie militante, notamment lorsque ceux-ci sont relayés ou amplifiés par les réseaux sociaux (voir les scandales sur le traitement des animaux, les affaires d’agression sexuelle, les scènes de violence policière, etc.). S’agissant de la diffusion des néologismes, il conviendrait également d’examiner l’influence du statut social du locuteur (personnage politique, intellectuel influent, etc.) sur le destin de ces innovations lexicales.
–   Dans une perspective comparatiste : observe-t-on que certaines communautés militantes sont plus productives en néologismes que d’autres, par exemple parmi les groupes radicaux ? Plus largement, existe-t-il, d’une culture à l’autre, des particularités quant à la formation des néologismes militants ? 
–   Sous l’angle de l’intertextualité/interdiscursivité : dans quelle mesure les tendances néologiques actuelles sont-elles influencées par les discours militants antérieurs, qu’ils relèvent de domaines similaires ou différents (par ex. la formation de féminitude par analogie à négritude) ? Plus généralement, dans quelle mesure les néologismes militants donnent-ils lieu à des contre-néologismes forgés par un groupe antagoniste ?
–   Sur le plan épistémologique, il est important, afin de définir le néologisme militant en tant qu’objet d’étude, d’interroger son intérêt pour l’analyse du discours, entendue comme l’étude des rapports entre langage, pouvoir et identité sociale.

Ces questions, et bien d’autres, pourront donner lieu à des études contrastives et travaux portant sur d’autres langues que le français.

 
Modalités de soumission

Les propositions de communication (avec titre et mots-clés), d’au moins une page hors bibliographie, seront envoyées à balnat@unistra.fr et christophegerard@unistra.fr avant le 1er février 2023. Elles seront évaluées en double aveugle par les membres du comité scientifique (en cours de constitution).
Les langues du colloque sont le français et l’anglais.
 
 
 
Comité scientifique


Julien Auboussier (Université de Lyon 2, France)
Judit Freixa (Universitat Pompeu Fabra, Espagne)
François Gaudin (Université de Rouen, France)
Julie Glikman (Université de Strasbourg, France)
Sybille Große (Universität Heidelberg, Allemagne)
John Humbley (Université Paris-Diderot, France)
Andrzej Napieralski (Uniwersytet Łódzki, Pologne)
Alice Krieg-Planque (Université Paris-Est Créteil, France)
Catherine Paulin (Université de Strasbourg, France)
Marie-Anne Paveau (Université de Paris 13, France)
Agnès Steuckardt (Université de Montpellier, France)
Hélène Vinckel-Roisin (Université de Lorraine, Nancy, France)
Camille Vorger (Université de Lausanne, Suisse)
Silvia Zollo (Università degli studi di Napoli « Parthenope », Italie)
 
Calendrier
 
·           1er février 2023 : date limite de soumission des propositions de communication
·           Courant avril 2023 : notification des décisions aux participants
 
Publication
Une sélection des communications paraîtra dans la revue Neologica (2025) sous la forme d’un numéro thématique.