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Appels à contributions

"Hétérogénéités" (Revue Algérienne des Lettres, RAL):

Publié le par Esther Demoulin (Source : Benselim Abdelkrim)

Revue algérienne des lettres RAL

Appel à contributions pour un numéro spécial

Coordonné par Souad BABA-SACI

Hétérogénéité(s)  

En introduisant le concept de l’hétérogénéité énonciative dans sa forme constitutive et ses formes marquées, Jacqueline Authier-Revuz (1982) a pu forger un concept sur l’un des phénomènes les plus importants caractérisant le langage humain, mais elle a également mis au point un arsenal théorique pour le décrire procédant, par la même occasion, au décloisonnement de la linguistique et des sciences du langage sur les autres disciplines susceptibles de rendre compte et d’expliquer la présence de l’Autre dans le discours de soi.

Pour J. Authier-Revuz, l’hétérogénéité peut s’observer à travers le fait que « Tout discours s'avère constitutivement traversé par “les autres discours” et “le discours de l'Autre”. L'autre n'est pas un objet (extérieur ; dont on parle) mais une condition (constitutive ; pour qu'on parle) du discours d'un sujet parlant qui n'est pas la source première de ce discours » (1982 :141).

En effet, par cette conception de l’hétérogénéité, la linguiste rejoint et alimente par sa réflexion aussi bien celle de Bakhtine que celles de Lacan, Saussure et Freud à propos de l’hétérogénéité des discours, de l’altérité du sujet et sa division telles que représentées dans le discours.

D’un côté, pour M. Bakhtine tout discours est « […] entortillé, pénétré par les idées générales, les vues, les appréciations, les définitions d’autrui » ([1975, 1978, 1987] 2006 : 100) ; les discours naissent de l’interdiscours et finissent par le rejoindre. La linguiste française va apporter tout un appareillage théorique et des concepts opératoires permettant de mettre en lumière le fonctionnement du principe dialogique dans les différents genres de discours.

D'un autre côté, le sujet tant conçu comme « ego » (Benveniste, [1966] 1996 : 259 ) de toute énonciation et source de tout énoncé, perdra cette « unicité du sujet parlant » (Ducrot, 1984 : 171) qui rend le discours de celui-ci homogène et parfaitement maitrisé. Pour Saussure (Starobinsky, 1971) tout comme pour Lacan, le sujet est celui « […] qui est parlé par l’Autre » (Leguil, 2019 : SP). Cela explique les césures dans le discours, les lapsus (Authier-Revuz, 1984 : 108) qui ne sont autres que des manifestations ponctuelles d’un Autre qui traverse par son discours le discours de soi. C’est ainsi que l’hétérogénéité énonciative, discursive, linguistique, dialectale, sociolectale, séquentielle, générique… est, à la fois, la condition de la construction de tout discours et ce qui le caractérise le plus, puisque tout discours est constitutivement dialogique et que seul le « mythique Adam » peut prétendre à un discours monologique (Bakhtine, 1984 : 102).

Sur un autre plan, cette hétérogénéité énonciative va impliquer, de facto, une hétérogénéité des approches permettant de rendre compte de ce phénomène et c’est là le second mérite de la linguiste : décloisonner la linguistique et les sciences du langage sur l’inter et la transdisciplinarité dans le domaine des sciences humaines et sociales. D’ailleurs, sur la question du sujet et de son/ses approche(s), elle va critiquer les tentatives de recourir implicitement aux autres disciplines que la linguistique sans pour autant le reconnaitre ouvertement puisque, à l’époque, « […] toute référence à des théories non subjectives du sujet et de la parole, nécessairement explicite en ce que celles-ci vont — " provocations théoriques" — contre les évidences narcissiques des sujets parlants, se verra aisément soupçonnée de noyer ou de détruire l'objet linguistique dans du non-linguistique » (Authier-Revuz, 1984 : 99). Par cette nécessaire interdisciplinarité pour l’approche du sujet multiple et de sa parole hétérogène, est confirmé le caractère inter et transdisciplinaire des sciences du langage, notamment la linguistique aussi bien dans son approche de la langue que celle du discours.

Cette tendance à l’interdisciplinarité est déjà visible dans les années 1980 chez O. Ducrot et ses travaux sur la stratification des sources énonciatives dans le cadre de la polyphonie, chez D. Maingueneau et ses travaux sur les discours rapportés et l’hétérogénéité énonciative dans l’analyse du texte ensuite du discours littéraire, chez A. Rabatel (2008), dans son approche énonciative et interactionnelle du récit. Sur ce même dernier sujet, la notion de feuilletage énonciatif s’avère capitale, pour J. Bres, dans la distinction entre dialogisme et polyphonie (Bres in Détrie, Siblot, Verine et al., 2002 : 83-86). Ce concept s’avère prolifique pour toute une génération de chercheurs fédératrice de théories et de recherches qui s’inscrivent dans différentes disciplines, aussi bien des sciences du langage que de la littérature.

Quarante années après la parution de « Hétérogénéité montrée et hétérogénéité constitutive :éléments pour une approche de l 'autre dans le discours » (1982) et un peu moins pour « Hétérogénéité(s) énonciatives(s) » (1984) et surtout Ces mots qui ne vont pas de soi (1995), nous nous interrogeons sur ce qu’est advenu de ce concept, aujourd’hui, à la lumière de l’émergence de toutes ces disciplines et sous-disciplines qui traitent de l’hétérogénéité sous toutes ses formes, raison pour laquelle nous lançons cet appel à contributions par lequel nous espérons engager une réflexion aussi bien sur les différentes formes que peut prendre le phénomène de l’hétérogénéité (énonciative, discursive, linguistique, textuelle, dialectale, sociolectale, toutes les formes de la modalisation autonymique ou autre) que sur les approches qui la prennent en charge dans différents corpus issus de types et genres de discours aussi variés que possible.

Nous attendons donc des contributions qui traitent de l’hétérogénéité sous toutes ses formes, dans les domaines des sciences du langage, de la littérature ou alors de la didactique par le biais d’approches didactisant cette hétérogénéité.

 

Dates importantes

Date limite de soumission des articles : 15 décembre 2022

Mise en ligne du numéro : fin février 2023

Email de contact: benslim2012.abdelkrim@gmail.com

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Références bibliographiques

AUTHIER-REVUZ J., « Hétérogénéité montrée et hétérogénéité constitutive. Éléments pour une approche de l'autre dans le discours », Documentation et recherche en linguistique allemande contemporaine, n° 26, 1982, p. 91-151.

AUTHIER-REVUZ J.,  Approche de l’énonciation en linguistique française, Paris, Hachette, 1981.

AUTHIER-REVUZ J., « Hétérogénéité(s) énonciative(s) », Langages, n° 73, 1984, p. 98-111.

AUTHIER-REVUZ J., Ces mots qui ne vont pas de soi, Paris, Larousse, 1995.

BAKHTINE M., Esthétique et théorie du roman [1975, 1984], trad. Daria Olivier, Paris, Gallimard, coll. "Tel", 2006.

BENVENISTE É., Problèmes de linguistique générale [1965], Alger, ENAG Éditions, 1996.

DETRIE C, SIBLOT P, VERINE B., Termes et concepts pour l’analyse du discours une approche praxématique, Paris, Honoré Champion, 2006.

DUCROT O., Le dit et le dire, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984.

LEGUIL C., « Le sujet lacanien, un “ Je ” sans identité », Astérion [Online], 2019. URL : http://journals.openedition.org/asterion /4368 ; DOI : https://doi.org /10.4000 /asterion .4368. SP. Consulté le 01/05/2022.

MAINGUENEAU D., Linguistique pour le texte littéraire [1986, 2005], Paris, Armand Colin, 2007.

RABATEL A., Homo narrans, Pour une analyse énonciative et interactionnelle du récit, Limoges, Lambert-Lucas, 2008.

STAROBINSKI J., Les Mots sous les mots. Les Anagrammes de Ferdinand de Saussure, Paris, Gallimard, 1971.