Corneille : un théâtre où la vie est un jeu - II. Tours, plaisanteries, ironie… (Corneille présent, n° 2)
Corneille présent
n° 2 - Corneille : un théâtre où la vie est un jeu - II. Tours, plaisanteries, ironie…
Publications numériques du CÉRÉdI
Le précédent numéro (déc. 2021) de la revue Corneille présent, premier volet d’un triptyque consacré à « Corneille : un théâtre où la vie est un jeu », s’est intéressé à la prégnance, dans l’œuvre dramatique cornélienne, de la pensée des jeux réglés, recourant à des supports matériels divers, et reposant sur le hasard, la stratégie, ou l’habileté physique : l’imaginaire de tels jeux se révèle puissant dans les dramaturgies où les affaires d’amour dominent, ainsi que dans le caractère de défi que prend souvent la présentation par l’auteur de nouveaux types d’actions, tant comiques que tragiques ; l’esprit des jeux de hasard et de stratégie, auxquels réfèrent très souvent les personnages de la tragédie, pose le problème particulièrement intéressant de sa compatibilité avec l’héroïsme.
Après avoir ainsi envisagé, sur la scène cornélienne, l’action indirecte de la pensée des jeux de cartes, de table, de plein air (qu’on peut regrouper sous l’appellation de games, pour reprendre la terminologie de Roger Caillois) on voudrait maintenant y mesurer l’importance du jeu en envisageant celui-ci comme amusement fantaisiste, plaisanterie, bon tour (joke, dirait Caillois). Ce jeu peut être verbal, mais il peut aussi concerner l’action elle-même ; parfois il se révèle pur, gratuit, mais il lui arrive aussi de correspondre au désir de s’assurer un certain ascendant, fût-ce pour un court instant. Les comédies semblent devoir être concernées au premier chef par ces jeux de l’esprit et ces tours, qui les égaient ; en réalité, les tragédies se trouvent bien loin d’en être exemptes car les héros créés par Corneille pratiquent volontiers les pointes de malice, l’ironie, la double entente, déchiffrable immédiatement ou ultérieurement par le spectateur mais que l'interlocuteur saisit ou ne saisit pas.
Dans les comédies, qui, depuis 1980, ont donné lieu à de pétillantes mises en scène alors que certains textes étaient censés faire sourire plutôt que rire, de même que dans maintes dramaturgies tragiques, surtout celles qui débouchent sur le blocage des situations, si bien étudié par Georges Forestier, le jeu-joke ne constitue-t-il pas la source essentielle d’animation de la scène ? Conserver, dans un contexte fort grave, une capacité de jouer, n’est-ce pas donner la preuve d’une grande force d’âme (magnitudo animi ou magnanimitas ?). Un tel recours au jeu de l’esprit constitue-t-il à cette époque une originalité de la tragédie cornélienne ? Enfin, si les personnages créés par Corneille s’adonnent volontiers à ce type de jeu, l’auteur lui-même, quand il s’adresse aux lecteurs ou à tel destinataire, n’y prend-il pas plaisir également ?
On interrogera donc sur ce sujet aussi bien les tragédies de Corneille – peut-être particulièrement les tragédies non canonisées – que les comédies, mais on pourra également étudier sous cet angle les paratextes du théâtre cornélien.
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Envoi des propositions
Merci d'envoyer les propositions (10-12 lignes) avant le 31 juillet 2022 à mouvementcorneille@orange.fr et lilian.picciola@orange.fr. Les propositions devont comporter quelques pistes de recherche – en écartant celle du jeu de type théâtral (play), qui constituera le sujet d’un troisième numéro – ainsi qu'une brève note bio-bibliographique.
Les propositions seront étudiées par le comité de lecture de la revue.
Les articles, qui pourront atteindre environ 45000 signes (espaces compris) seront à remettre pour le 30 décembre 2022.
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Bibliographie indicative
CAILLOIS Roger, Les Jeux et les Hommes. Le masque et le vertige, Paris, Gallimard, 1958 ; édition revue et augmentée, Paris, Gallimard, 1967.
COTTEGNIES Line, « Jeux littéraires en France et en Angleterre au XVIIe siècle – des salons parisiens à Aphra Behn », Études Épistémè [online], 39 | 2021, mai 2021, URL: http://journals.openedition.org/episteme/9443; DOI: https://doi.org/10.4000/episteme.9443
DUFOUR-MAÎTRE Myriam, « L’éclat, l’ironie et la douceur », chapitre VII de La clémence et la grâce : Étude de Cinna et de Polyeucte de Pierre Corneille [en ligne], Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2014, disponible sur la toile : http://books.openedition.org/purh/3114.
EKSTEIN Nina, Corneille’s Irony, Charlottesville, Rookwood Press, 2007.
EKSTEIN Nina, « La pratique ironique de l’appel à l’autorité dans les péritextes du théâtre de Corneille », dans Pratiques de Corneille, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2012, p. 401-408, disponible sur la toile : http://books.openedition.org/purh/10389
HAMON Philippe, L’Ironie littéraire, Paris, Hachette, 1996.
PAILLET-GUTH Anne-Marie, « L'ironie dans Nicomède », dans L'Information Grammaticale, no 76, 1998, p. 20-24, https://doi.org/10.3406/igram.1998.2885
PICCIOLA Liliane, « Corneille et l’esprit de Gracián : une dramaturgie de la pointe », dans Papers on french seventeenth century literature. Volume XXXV (2008). Number 68, Edito Rainer Zaiser. Tübingen, PFSCL/Biblio 17, 2008, p. 159-169, et https://eduscol.education.fr/odysseum/corneille-et-lesprit-de-gracian-une-dramaturgie-de-la-pointe
POULET Françoise, « Les comédies de Corneille ou la mise en vers de l’honnête conversation », dans Pierre Corneille, la parole et les vers, dir. Myriam Dufour-Maître, avec le concours de Cécilia Laurin© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude », n° 26, 2020, URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=981.
POULET Françoise, « Le théâtre ou la « maison des jeux » : règles et stratégies du compliment dans quelques comédies et tragédies cornéliennes », dans Corneille : un théâtre où la vie est un jeu, dir. Liliane Picciola© Publications numériques du CÉRÉdI, « Revue Corneille présent », n° 1, 2021, URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=1213.
SCHOENTJES Pierre, Poétique de l’ironie, Paris, Seuil, 2001, p. 177.
SOREL Charles, La Maison des jeux, éd. critique par Marcella Leopizzi, Paris, Honoré Champion, « Sources classiques », 2017 (tome1) et 2018 (tome 2).