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Utopies / uchronies /rétrofuturisme : transmondes, nouveaux mondes, antimondes (Toulon)

Utopies / uchronies /rétrofuturisme : transmondes, nouveaux mondes, antimondes (Toulon)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Valérie Michel-Fauré)

Colloque international

Utopies / uchronies /rétrofuturisme : transmondes, nouveaux mondes, antimondes
 
17-18 novembre 2022, Université de Toulon
 
Organisation : Valérie Michel-Fauré
 
Notre rapport au temps et à l’espace de l’Histoire, des histoires, s’est considérablement modifié depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle et ses évolutions/révolutions politiques, scientifiques, technologiques, industrielles, de transport et de communication. Du temps universel et universaliste structuré par nos civilisations occidentales, tout au long des XIXe et XXe siècles, nous sommes passés à une accélération puis à une relativité temporelle, compression puis expansion spatiale. Aujourd’hui, en ce XXIe siècle, héritiers de cette idéologie progressiste, nos regards sont tournés vers le postmodernisme et sa déconstruction, le postcolonialisme, le posthumanisme, le transhumanisme, les biotechnologies, les transidentités…

Si la notion d’Utopie et la cité d’Utopia, ce lieu de bonheur hors du temps et de l’espace des hommes, nulle part, ainsi définie et fondée en Europe par l’humaniste anglais Thomas More[1], à la Renaissance, a inspiré nombre d’écrivains, d’artistes, de scientifiques et d’explorateurs depuis sa parution, elle trouve sa source dans l’imaginaire antique méditerranéen aspirant à une expansion civilisatrice. Elle se prolonge dans sa structuration et son argumentation à travers la première utopie humaniste littéraire française, l’anti-couvent de l’abbaye de Thélème décrit par Rabelais dans son célèbre Gargantua en 1534[2]. Elle se développe avec une nouvelle dynamique de contestation et une énergie chimérique à travers le regard de Louis-Sébastien Mercier et son roman à succès dans l’ensemble de l’Europe, L’An 2440[3]. Ce récit d’anticipation programmatique de la philosophie des Lumières, cette nouvelle Utopie, inscrite dans le champ de l’Uchronie, se situe bien sur Terre, comme une « prophétie » de la révolution française selon son auteur. Elle sera revue et augmentée à trois reprises jusqu’en 1799 et propose une relecture de l’Histoire, une Histoire parallèle, préromantique et paradoxale.

Fascistes ou libertaires vont s’emparer de la notion d’Utopie, rêver à des mondes alternatifs, tenter d’imprimer sur le monde réel leur imaginaire, en dystopie, en paradigme.

Les portes de la perception ainsi entrouvertes par le poète et peintre anglais William Blake en 1790[4], réactualisées en 1954 par l’écrivain de Science-fiction Aldous Huxley[5], vont conduire les écrivains à réinventer le genre, autour d’une interpolarité temporelle.

Au XIXe siècle, cette crise d’historicité va produire des formes hétéroclites, mélangeant et revisitant de manière compulsive styles et époques. En 1857, le philosophe français Charles Renouvier invente l’Uchronie[6] mythifiant l’utopie et marque ainsi la naissance d’un nouveau genre littéraire, artistique et politique. Il construit ce terme sur le modèle étymologique de l’utopie : Non-temps et Histoire parallèle, alternative, réécrite, réinventée, fantasmée. À partir de ce postulat, le détournement du passé, du présent et du futur est rendu possible pour tous les créateurs et les penseurs… Les grands paradigmes de l’histoire occidentale vont être revisités, notamment les guerres, leurs issues inversées, la notion de « ground zero », d’un « temps zéro », point d’équilibre ou de bascule démarre à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, au milieu du XXe siècle. Aujourd’hui, l’infiltration de ces rétroprojections est multiple. Ce futur à rebours décrit dans le passé, dans l’anticipation, nous semble poétique, nostalgique, moins déshumanisé que notre présent du XXIe siècle. Cette distorsion et ces subversions légitimes de l’histoire nous permettent d’envisager de nouvelles approches perspectives et prospectives sur la mémoire collective / la mémoire singulière, l’individualité/l’humanité, la marge/la norme, le centre / la périphérie, l’homme / vivant, humain/non humain…

L’archéomodernisme et le rétrofuturisme, aller-retour hétéroclite entre passé et futur, dans un présent évolutif, une histoire alternative. Entre immobilité et mouvement, ce néologisme a été fondé par l’artiste et éditeur américain Lloyd Dunn en 1983. Ce genre se développe dans les arts graphiques, le design et l’architecture. Les narrations et l’iconographie représentent la conception du futur pensée dans les années 60, elles restituent la tension entre éléments d’anticipation et l’esthétique passéiste, anachronismes et disruptions.

Cette transtemporalité a donné naissance à différentes fictions de mondes parallèles anachroniques pour exemples le mouvement steampunk, « punk à vapeur »[7], trouve son origine dans un courant littéraire américain[8], mais aussi le courant cyberpunk, à l’imagerie cybernétique, détourné dans une esthétique victorienne. Autre exemple, dans le champ musical, le mouvement Syntwave ou rétrowave, apparu dans les années 2010, glorifie la musique et le cinéma des années 1980, nostalgie d’une époque révolue, et, à contre-courant, la Vaporwave , recycle les sons électroniques compressés des musiques d’ascenseur ou de spots publicitaires dévalorisés, dérisoires dans les années 80, réactualisés comme une critique dystopique du capitalisme mondialiste du XXIe siècle à travers le mouvement visuel transtemporel AESTHETIC.

Les sciences ont développé en interaction avec l’imaginaire littéraire et artistique, cette théorie des mondes multiples. Les multivers contemporains des romans, bandes dessinées, crées par Moebius ou Enki Bilal, et films de science-fiction ont recyclé les récits pionniers des XIXe et XXe siècles. L’inconnu menaçant, l’inquiétante étrangeté de Frankenstein[9] s’est prolongée en bouleversante humanité des Réplicants du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?[10] de Philip K. Dick transposés à l’écran par Ridley Scott dans le film Blade Runner en 1982, puis réactualisé en 2017 par Denis Villeneuve dans Blade Runner 2049.

Nous envisageons donc de voyager de multiples passés vers différents futurs dans lesquels notre présent n’aurait jamais existé, pour y échapper, prendre du recul, l’analyser en réaction au présentisme[11] et à l’apocalyptisme[12].

L’enjeu de ce colloque est d’interroger et d’analyser les réalités alternatives, transmondes, histoires parallèles construits à travers les récits et différentes formes de fictions écrites, histoires réécrivant les sources de la première modernité, dont l’imaginaire a envisagé ces évolutions et révolutions de notre rapport au passé, au présent et au futur.

Ce colloque permettra d’explorer ces histoires et mondes parallèles à travers les temporalités alternatives transversales et transmédiatiques proposées par les récits littéraires, narrations spéculatives, historiques, fictions ou mouvements artistiques, philosophiques, politiques, économiques et sociaux, écofictions, écocritiques, écoprospectives... La pertinence et la singularité de ces utopies et uchronies passées éclaire notre présent, dans leurs projections rétrofuturistes et archéomodernistes, leurs boucles transtemporelles, expérimentales ou fantastiques. Leurs auteurs se positionneraient-ils comme des lanceurs d’alerte ?

Sans exclusive, voici quelques pistes que nous nous proposons d’explorer :

-       Uchronies personnelles et collectives, qui fait l’Histoire ? 
-       L’argumentation politique, identitaire et militante des uchronies : à qui servent-elles ? 
-       Le postmodernisme et la complexité narrative qui permet de déconstruire la temporalité linéaire traditionnelle : comment questionner l’Histoire ?
-       Dyschronies / Dystopies
-       Uchronies et voyage temporel

Les propositions, composées d’un titre, d’un résumé (max 4000 signes) et d’une courte bio-bibliographie sont à envoyer avant le 31 juillet 2022 à l’adresse suivante : valerie.michel-faure@orange.fr

Comité scientifique :

Kawthar AYED, Université de Tunis
Christine BARON, Université de Poitiers
Marino BIONDI, Università degli Studi di Firenze
Danilo BRESCHI, Università degli Studi Internazionali di Roma
José GARCÍA-ROMEU, Université de Toulon
Maud GAULTIER, Université d’Aix-Marseille
Matthieu LETOURNEUX, Université Paris-Nanterre
Laure LÉVÊQUE, Université de Toulon
Valérie MICHEL-FAURÉ, ESAD TPM, Université de Toulon
Émilie PÉZARD, Université de Poitiers
Maxime PRÉVOST, Université d’Ottawa
Gigliola SACERDOTI MARIANI, Università degli Studi di Firenze
Valérie STIÉNON, Université Paris XIII
Marta SUKIENNICKA, Université de Poznań
Carine TRÉVISAN, Université Paris Cité
Simone VISCIOLA, Université de Toulon
 
Bibliographie indicative :

ALDISS Brian, Terrassement, Le Masque Science Fiction, 1979 (1965).
ALDISS Brian, Le Monde Vert, Folio Science Fiction, 2009 (1962).
BALLARD James-Graham, Le monde englouti, Gallimard, Folio SF, 2011 (1962).
BALLARD James-Graham, Sècheresse, Paris, Gallimard, Folio SF, 2011 (1964).
BAREL-MOISAN Claire et CHASSAY Jean-François (dir.), Le roman des possibles : l’anticipation dans l’espace médiatique francophone (1860-1940), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, Cavales, 2019.
BARLIER Étienne, COLSON Raphaël, Tous le steampunk!, Bordeaux, Moutons électriques, Miroirs, 2014.
BARLIER Étienne, Le guide Steampunk, Éditions ActuSF, Les trois souhaits, Chambéry 2013.
BARRAU Aurélien, GYGER Patrick et KISTLER Max, Multivers : mondes possibles de l’astrophysique, de la philosophie, de l’imaginaire, La Ville brûle, Paris, 2010.
BASCHET Jérôme, Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits, Éditions La Découverte, L’horizon des possibles, Paris, 2018.
BAUMAN Zygmunt, Retrotopia, Premier parallèle, Paris, 2019.
BAYARD Pierre, Il existe d’autres mondes, Minuit, Paradoxe, Paris, 2014.
BILAL Enki, La Trilogie Nikopol, Roman graphique, Casterman, 2005 (1980-1992). 
BLAKE William, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer, Allia Bilingual édition, 2011 (1790-93).
BORGES Jorge Luis, Fictions, Folio, Paris, 2018 (1944).
BORGES Jorge Luis, Le livre des êtres imaginaires, Gallimard, Paris, 1987 (1967).
BOULLE Pierre, La planète des singes, Pocket, Paris, 2017 (1963).
BRADBURY Ray, tous ses ouvrages.
CALVINO Italo, Les villes invisibles, Folio, Paris, 2013 (1972).
CHAUVIER Stéphane, Le sens du possible, Paris, Vrin, Analyse et philosophie, 2010.
COLSON Raphaël, Rétro-futur !: demain s'est déjà produit, Les moutons électriques, La bibliothèque des miroirs, Bordeaux, 2012.
DAMASIO Alain, La Horde du Contrevent, La Volte, Clamart, 2004.
DAMASIO Alain, Les furtifs, La Volte, Clamart, 2019.
DELUERMOZ Quentin et SINGARAVÉLOU Pierre, Pour une histoire des possibles : analyses contrefactuelles et futurs non advenus, Paris, Seuil, 2016.
DICK Philip K., Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, J’ai lu, 2022 (1966), Le maître du Haut Château, J’ai lu, 2013 (1974), et tous ses ouvrages.
HARAWAY Donna, Manifeste cyborg et autres essais. Sciences - Fictions - Féminismes, Anthologie établie par Laurence Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, Paris, éditions Exils, Essais, 2007.
HARTOG François, Régimes d’historicité, présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil, 2003.
HENRIET Éric B., L’histoire revisitée : panorama de l’uchronie sous toutes ses formes, 2e édition, Amiens, Encrage éditions, 2004.
HENRIET Éric B., L’uchronie, 50 questions, Paris, Klincksieck, 2009.
HÜRTER Tobias et RAUNER Max, Les Univers parallèles. Du géocentrisme au multivers, CNRS, Paris, 2009.
HUXLEY Aldous, Les portes de la perception, 10X18, 2001 (1954) et tous ses ouvrages.
LANGLET Irène, Le temps rapaillé. Science-fiction et présentisme, Limoges, Presses de l’Université de Limoges, 2020.
LARUE Ian, Libère-toi Cyborg ! Le pouvoir transformateur de la science-fiction féministe, Paris, éditions Cambourakis, collection Sorcières, 2018.
LAVOCAT Françoise (dir.), La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, Éditions du CNRS, Paris, 2010.
LE BLEVENNEC Brice, Visions d’un monde meilleur, le futur en science et fiction, Paris, Racine, Société, 2021.
LIGNY Jean-Marc, Aqua TM , Nantes, L’Atalante, 2012 (2006).
MERCIER Louis-Sébastien, L’An 2440, rêve s’il en fut jamais, La Découverte, 1999 (1771).
MOEBIUS, L’œuvre Hermétique, Œuvre intégrale, Les Humanoïdes Associés, 2019.
MORE Thomas, Utopia, Louvain, 1516. L’Utopie, traduction rééditée chez Librio, Paris, 2003.
ORWELL George, tous ses ouvrages.
QUILLIET Bernard, La Véritable Histoire de France, Presses de la Renaissance, 1983.
GOBLED Karine, CAMPEIS Bertrand, Le Guide de l'uchronie (French Edition), Éditions ActuSF.
RABELAIS François, Gargantua, Hatier, Paris, 2021 (1534).
RENOUVIER Charles, Uchronie, l’utopie dans l’histoire, PRNG éditions, 2013 (1857, revue et augmentée en 1876).
REYNOLDS Simon, Rétromania : comment la culture pop recycle son passé pour s’inventer un futur, trad. de l’anglais par Jean-François Caro, Marseille, Le mot et le reste, Attitudes, 2012.
RICHE Daniel, Futurs antérieurs, Paris, Fleuve Noir, 1999.
SANZ Jean-François (dir.), Futur antérieur : rétrofuturisme, steampunk et archéomodernisme, Marseille/Paris, Le mot et le Reste/Galerie du jour Agnès B., 2012.
SCHMITT Eric-Emmanuel, La part de l’autre, Paris, Albin Michel, 2001.
SHELLEY Mary W., Frankenstein ou le Prométhée moderne, Le Livre de Poche, 2009 (1818).
VERNE Jules, tous ses ouvrages.
WELLS H.G., tous ses ouvrages.

 
[1] Thomas More, Utopia, Louvain, 1516. L’Utopie, traduction rééditée chez Librio, Paris, 2003.
[2] François Rabelais, Gargantua, Hatier, Paris, 2021 (1534).
[3] Louis-Sébastien Mercier, L’An 2440, rêve s’il en fut jamais, La Découverte, 1999 (1771). 
[4] William Blake, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer, Allia Bilingual édition, 2011 (1790-93).
[5] Aldous Huxley, Les portes de la perception, 10X18, 2001 (1954).
[6] Charles Renouvier, Uchronie, l’utopie dans l’histoire, PRNG éditions, 2013 (1857, revue et augmentée en 1876).
[7] Daniel Riche, Futurs antérieurs, Fleuve Noir, 1999.
[8] Auteurs de référence : K. W. Jeter, James P. Blaylock, Tim Powers.
[9] Mary W. Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne, Le Livre de Poche, 2009 (1818).
[10] Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, J’ai lu, 2022 (1966).
[11] Théorie selon laquelle seul le présent existe, ici et maintenant, en opposition à l’éternalisme.
[12] Évocation de la fin du monde.