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Faut-il faire l'éloge de la traduction ?

Faut-il faire l'éloge de la traduction ?

Publié le par Marc Escola

Tiphaine Samoyault faisait paraître l'an passé Traduction et violence (Seuil, coll. Fiction & Cie), dont Fabula avait donné à lire l'introduction : elle nous invitait à "ne ne plus voir dans la traduction le seul espace de la rencontre heureuse entre les cultures mais de la comprendre comme une opération ambiguë, complexe, parfois négative". Barbara Cassin défend une position qu'on aurait tort de croire plus irénique : après le catalogue de l'exposition tenue en 2017 à la Fondation Bodmer, publié avec Nicolas Ducimetière sous le titre Les Routes de la traduction. Babel à Genève, l'Académicienne publie un Éloge de la traduction, sous-titré Compliquer l'universel (Fayard). Dans le sillage du Vocabulaire européen des philosophies, Dictionnaire des intraduisibles, paradoxalement traduit ou en cours de traduction dans une dizaine de langues, Barbara Cassin invite à se méfier de l’Un et de l’universel, et se sert de l’outil sophistique pour faire l’éloge de ce que le logos appelle "barbarie", des intraduisibles, de l’homonymie. "Pour combattre l’exclusion, cette pathologie de l’universel qui est toujours l’universel de quelqu’un, elle propose un relativisme conséquent – non pas le binaire du vrai/faux, mais le comparatif du "meilleur pour". La traduction est un savoir-faire avec les différences, politique par excellence, à même de constituer le nouveau paradigme des sciences humaines. Parce qu’elles compliquent l’universel – dont le globish, langue mondiale de communication et d’évaluation, est un triste avatar – les humanités sont aujourd’hui passées de la réaction à la résistance".

Signalons aussi la récente parution de l'essai de Souleymane Bachir Diagne, De langue à langue. L'hospitalité de la traduction, qui nous invite quant à lui à imaginer Babel heureuse.