F. Goyet, Penser sans concepts. Fonction de l'épopée guerrière. Iliade, Chanson de Roland, Hôgen et Heiji monogatari (rééd.)
Rééd. (1ère édition, Champion, 2006), bibliographie augmentée
L’épopée guerrière est une gigantesque machine à penser. La guerre qu’elle décrit est une métaphore, qui mime une crise contemporaine du public pour lui donner les moyens de l’appréhender intellectuellement. En l’absence des outils conceptuels que nous connaissons (historiques, juridiques, philosophiques), l’épopée permet une compréhension obscure mais profonde, efficace.
Les outils conceptuels étant absents ou inopérants, la compréhension se fait dans et par le récit. C’est lui qui est chargé à la fois de rendre compte de la confusion radicale du monde et d’y tracer des perspectives lumineuses. Tous les procédés proprement littéraires trouvent là leur justification profonde. Ce sont les conflits apparemment psychologiques, la ritualisation du combat, le recours aux récits annexes, la juxtaposition et la variation, les parallèles, homologies et antithèses, qui font jouer les notions problématiques et permettent d’élaborer une vision profonde de la réalité.
L’épopée est un moyen, et non une fin. Elle permet d’apporter la lumière sur un sujet encore bien plus confus que la mêlée guerrière : la crise qui secoue le monde des auditeurs. Elle est le lieu où s’élaborent les valeurs nouvelles, où se pense le nouveau modèle politique : pour l’Iliade, la naissance de la Cité qui va se substituer à l’univers patriarcal, pour le Roland le renouveau royal du XIIe siècle, pour le Hôgen et le Heiji monogatari, la naissance de la féodalité.
La question que toutes posent, de la première à la dernière ligne, celle pour laquelle elles emploient tour à tour tous les moyens à leur disposition, c’est ainsi la question du politique : quelle forme de gouvernement, quels rapports entre les êtres dans une société qui émerge d’un âge sombre.
Professeure de Littérature Comparée (Université Grenoble Alpes), Florence Goyet a créé et dirige le Projet Épopée et sa revue en ligne, le Recueil ouvert.
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TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION GÉNÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
I. L’ILIADE : VERS LA CITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
A. UN ORDRE PLAQUÉ SUR LE CHAOS . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1. Apprivoiser Arès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Le rituel du combat : formulaire et modèle implicite, 25-31 ;
Généalogie du monde: le foisonnement des récits, 32-34;
Diomède, Athéna, Arès, 34-40
2. Au cœur de la confusion : un monde instable . . . . . 41
Un monde sans hiérarchie, 42-48 ;
Le héros est-il homme, dieu, fleuve en crue ou lion? 48-51
3. Accepter l’indistinction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Des brebis et des hommes : une partialité affichée, 53-56 ;
La lente conquête de l’équilibre, 56-59;
«The Great Day of Battle », « ventre mou » de l’Iliade, 59-64 ;
Des rivaux indis- cernables, 64-67 ;
L’Iliade, une querelle de bornage, 67-70
Conclusion : Refuser les fausses solutions - les duels avortés . . . . . . 71
B. ÉLUCIDER, DÉSIGNER LES ENJEUX : LE PARALLÈLE-HOMOLOGIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
1. Monde des hommes, monde des dieux . . . . . . . . . . 77
Rupture et crise chez les humains, 77-87;
Le rapport de force chez les dieux, 88-95;
«Et leur cœur n’a pas à se plaindre du repas où tous ont leur part » : l’horizon d’harmonie, 95-97;
Un discours enfoui, 99; Rétrolecture du chant I, 99-102 ;
Mais que veut Thersite ? (le chant II), 102-113
Le paradigme d’Héraclès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Le paradigme de Clytemnestre (Marylin Katz sur l’Odyssée), 115-119;
La haine d’Héra pour Achille, 117-119;
Héraclès : « Gloire d’Héra », 119-132 ;
À propos des « péchés d’Héraclès » chez Dumézil, 132-133
Annexe : Note sur le terme de Dioné à sa fille Aphrodite, « skhetlios » . . . . . 135
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
C. LE DUEL DES VALEURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
La figure d’Hector : la sunkrisis Hector-Pâris-Diomède . . . . . . . . . . . . . 143
Un homme au cœur de sa société, 145-148 ;
Pâris, représentant de la troisième fonction, 148-153;
Ni Pâris ni Diomède, 153-162 ;
Conclusion, 162-163
Un héros absolu : la figure d’Achille . . . . . . . . . . . . 165
Le refus de l’institution, 166-174;
Des rites personnels (Achille) au rire devant le chaos (Zeus) :
la figure du roi gouvernant « autos », 174-184
La victoire du vaincu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
La contagion des valeurs, 185-194 ;
Le roi parfait : les jeux en l’honneur de Patrocle, 194-205
Conclusion : Ce que Shakespeare a lu dans l’Iliade . . . 207
D. CONCLUSION : Finalement, la Cité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
Le travail de l’épopée, 211-217;
La royauté en Grèce ancienne, 217-220
II. LA CHANSON DE ROLAND : PENSER LE RENOUVEAU ROYAL AUX XI-XIIe SIÈCLES . . . . 221
A. Une simplicité de surface : de l’usage paradoxal du schématisme . . . . . . . . . 227
Un texte lumineux, 228-239 ;
Invraisemblances et contradictions, 239-246 ;
Une « réduction » : construire pour penser, 246-248
B. Un seigneur sous les armes : le parallèle-différence entre Roland et Ganelon . .249
« Noble baron a ci ! », 250-257 ;
Faucons et colombes, 257- 266 ;
Un procès au cœur d’une œuvre littéraire, 266-269
C. Le service de Charles : le parallèle-différence entre Roland et Olivier . . . . . . . 271
« Roland est prodz et Olivier est sage », 271-277 ;
« A lei de chevaler » (comme il se doit pour un chevalier), 277-283 ;
Le service de Charles, 283-287 ;
Un héroïsme coupable ? avancée intellectuelle et brouillage, 287-290 ;
Brouillage, 290-293
D. La substitution de Charlemagne à Roland : l’homologie qui définit le nouveau roi . . . . . . . . . . . . . 295
« Deus nus a mis al plus verai juïse », 297-309 ;
Substitution, 309-316 ;
« Ordres » et « fonctions », ou le mythe au secours de l’Histoire, 316-320
E. La nouvelle donne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
Un monde remis en ordre, 322-326 ;
Légiférer pour aujourd’hui: le procès, 326-339;
L’intervention de Dieu: la conversion et l’euphorie, 339-344;
Un nouveau monde, auquel tous peuvent participer, 344-347
F. Conclusion : Un outil intellectuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349
Un outil parfait dans sa structure, et supérieur au raisonnement conceptuel, 349-353 ;
Un outil à visée politique, 353-355 ; Nouveauté, 355-358
III. DIT DE HÔGEN, DIT DE HEIJI : LA NAISSANCE D’UN NOUVEAU JAPON . . . . . . . . . 359
INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361
De l’épopée en fusion, 361-368 ; La fin du monde ? 368-383
A. L’ORDRE PLAQUÉ SUR LE CHAOS : LE RALLIEMENT IMMÉDIAT AU « NOUVEAU » . . . . . . . . . . 385
1. Créer des héros . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
Une ouverture, 387-390 ; Le « noble cadet », 390-394 ;
Le paradigme de l’héroïsme, 394-400;
L’ordre par la dispositio, 400-402;
Retour à la sauvagerie, 402-403;
Conclusion, 403-404
2. Inadéquation de l’ancien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405
Pragmatisme et pensée doctrinaire ; le « nouveau » et l’« ancien », 406-411 ;
De la protection des dieux, 411-418
Conclusion : Des ennemis déjà renvoyés dos à dos . . . 419
B. SYMÉTRIES ET HOMOLOGIES : LE CHAOS COMME VÉRITÉ ULTIME ? . . . . . 423
1. Échec de l’héroïsme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425
Symétrie: petitesse des grands, présomption des petits, 426-433 ;
Homologies : le paradigme de l’« inconve- nance », 433-442
2. Une stabilité illusoire ou monstrueuse . . . . . . . . . . . 443
Une polarisation en trompe-l’œil, 443-449; Rebelle ou parricide, 449-456 ;
« Des ordres de l’Empereur Retiré et de ceux du Souverain régnant, lesquels doivent l’em- porter ? », 456-457
3. Exacerbation et entropie : le diptyque comme dénonciation . . . . . . . . . . . . . . . 459
Exacerbation : la confusion absolue, 459-466 ;
Entropie, 466- 468
Conclusion : Un horrible bon mot . . . . . . . . . . . . . . . . . 469
C. ÉLUCIDATION, REFONDATION : LIRE LE HÔGEN À LA LUMIÈRE DU HEIJI . . . . 473
1. Les causes de l’exacerbation du chaos en Heiji : les devoirs du Souverain (1) . . . 475
Porte-à-faux : l’échec d’une perfection, 475-480 ;
Détruire les rebelles pour extirper la rébellion, 480-488 ;
« À contre- courant de toute bonne pratique de gouvernement », 488- 491
2. Les causes de la naissance du chaos en Hôgen : les devoirs du Souverain (2) . . . 493
Le bon sens de l’homme de la rue, 494-497 ;
La mécanique du pouvoir, 497-512
3. Dépasser le dilemme : les devoirs du sujet . . . . . . . 513
Juger le parricide par ses conséquences, 514-520;
Le renouveau de la vertu, 520-525;
Vers le bushidô ; un idéal pour tous, 525-534
Conclusion : Un nouveau Japon . . . . . . . . . . . . . . . . . . 535
D. CONCLUSION : L’« ANCIEN » AU SECOURS DU « NOUVEAU » . . 541
Encart dépliant : tableau des alliances et succession des Empereurs . . . . . . . 551
Sommaire des chapitres du Hôgen et du Heiji . . . . . . . . . . . . . . . 553
CONCLUSION GÉNÉRALE : LE « TRAVAIL ÉPIQUE » . . . 557
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 571
Ajout bibliographique à l'édition 2021. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 571
Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581
Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 583