Le poète Georges Séféris naît en 1900 à Smyrne, dans une famille grecque qui en sera chassée par les Turcs lors de la "grande catastrophe" de 1922 qui marque la fin de l’Hellénisme d’Asie mineure. Dès lors, dans les pages du journal qu'il tint pendant toute sa vie, Séféris tentera de répondre aux contradictions inhérentes à ce qu’est devenue la Grèce : un petit pays dont l’indépendance et l’intégrité territoriale sont sans cesse menacées, mais un pays avec une immense tradition. Comment, en poète qui a choisi d’écrire en grec, redonner une vie littéraire à la langue populaire de son pays, afin de renouer avec la vérité de l’Hellénisme, "caractérisé par l’amour de l’humain et de la justice" ? Comment, alors qu’on gagne sa vie comme fonctionnaire auprès des gouvernements successifs dans une période particulièrement troublée, affronter "l’épreuve inévitable" et ne pas céder au découragement quand on constate chaque jour que les hommes au pouvoir ne sauraient être à la hauteur de cet idéal ? L’édition grecque du journal compte neuf volumes, dont les premiers paraissent trois années après la mort de Séféris survenue en 1971, et le tout dernier en 2019. Denis Kohler en avait traduit en français des pages choisies au Mercure de France en 1988. Gilles Ortlieb, qui avait déjà traduit pour les éditions du Bruit du temps Six Nuits sur l’acropole, l’unique roman de Séféris, donne aux mêmes éditions la première traduction intégrale des quatre premiers volumes du journal, sous le titre Journées 1925-1944 : on y voit un poète mûrir son œuvre, pendant qu' autour de lui le monde s’effondre. Danielle Leclair en rend compte pour Acta fabula : "Les travaux et les jours de Georges Séféris"…
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La revue Europe consacre dans le même temps un cahier à Georges Séféris, coordonné par Myriam Olah. Le sommaire rend compte de l'éventail des formes pratiquées par le Prix Nobel de littérature 1963 ,tout à la fois poète, diariste, épistolier, romancier, essayiste, traducteur, et rend hommage à sa langue "si simple, proche du langage de tous les jours, de l’oraison du matin et du soir, mais toujours consacrée par la solennité poétique", comme l'écrivain Gaëtan Picon. Cette 115e livraison de la revue Europe lui offre de voisiner avec Gilles Ortlieb, "écrivain flâneur, voyageur sans bagages, aventurier de la lenteur, archéologue des friches et des jachères, scribe de l’effacement, géographe de l’âme du monde". Fabula vous invite à découvrir découvrir le détail de ce double sommaire…