Édition
Nouvelle parution
Georges Séféris, Journées 1925-1944

Georges Séféris, Journées 1925-1944

Publié le par Marc Escola

Compte rendu publié dans Acta Fabula (mars 2022, vol. 23, n°3) : Les travaux & les jours de Georges Séféris par Danièle Leclair

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Traduction Gilles Ortlieb

Le poète Georges Séféris naît en 1900 à Smyrne, dans une famille grecque qui en sera chassée par les Turcs lors de la « grande catastrophe » de 1922 qui marque la fin de l’Hellénisme d’Asie mineure. Dès lors, toute sa vie et dans les pages de ces Journées qu’il consigne à partir de 1925, Séféris tentera de répondre aux contradictions inhérentes à ce qu’est devenue la Grèce : un petit pays dont l’indépendance et l’intégrité territoriale sont sans cesse menacées, mais un pays avec une immense tradition. Comment, en poète qui a choisi d’écrire en grec, redonner une vie littéraire à la langue populaire de son pays, afin de renouer avec la vérité de l’Hellénisme, « caractérisé par l’amour de l’humain et de la justice » ? Comment, alors qu’on gagne sa vie comme fonctionnaire auprès des gouvernements successifs dans une période particulièrement troublée, affronter « l’épreuve inévitable » et ne pas céder au découragement quand on constate chaque jour que les hommes au pouvoir ne sauraient être à la hauteur de cet idéal ? Tout au long de ces pages, nous voyons Séféris vivre l’odyssée d’un perpétuel exilé : en Albanie où il est nommé avant-guerre puis — alors que la Grèce est vaincue, occupée, résistante, en proie à la guerre civile — en Crète, au Caire, en Afrique du Sud, à Jérusalem, à Londres, en Italie. Quelles que soient les circonstances, il mène de front deux existences parallèles : celle de l’homme de bureau — qui joue parfois un rôle de tout premier plan dans les événements historiques qu’il rapporte au jour le jour avec une acuité qui peut évoquer le Victor Hugo de Choses vues — et celle de l’écrivain qui rencontre André Gide, Henry Miller, Lawrence Durrell, commente Solomos ou Cavafis et publie de minces recueils qui permettront à la poésie grecque moderne de rivaliser avec celle de ses maîtres, Paul Valéry ou T. S. Eliot. La hauteur de vues, la lucidité et la probité dont il fait preuve, pendant toutes ces années, font de ce témoignage pour mémoire un monument sans équivalent dans son siècle et son pays d’origine. Et qui justifie d’autant, a posteriori, que lui soit attribué, en octobre 1963, le prix Nobel de littérature, pour la première fois décerné à un écrivain grec.

L’édition grecque du journal compte neuf volumes, dont les premiers paraissent trois années après la mort de Séféris survenue en 1971, et le tout dernier en 2019. Denis Kohler en avait traduit en français des pages choisies au Mercure de France en 1988. Mais cette traduction pour la première fois intégrale des quatre premiers volumes (de 1925 à 1944), abondamment annotée, devrait être, pour tous ceux qui s’intéressent à la littérature comme pour ceux que passionne l’histoire de la Grèce et des Balkans, une révélation.

Pour le Bruit du temps, Gilles Ortlieb a déjà traduit du grec moderne La Femme de Zante de Dyonisos Solomos et Six Nuits sur l’acropole, l’unique roman de Séféris.

Revue de presse