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Les masques littéraires des politiques

Les masques littéraires des politiques

Publié le par Université de Lausanne (Source : Myriam Tsimbidy )

Travaux de littérature, n° XXXVI, 2023 
 
« Les Masques littéraires des politiques » 
 
Les liens entre la littérature et la politique ont été institutionnalisés en France au XVIIe siècle avec la création de l’Académie française. Parallèlement, l’une des conditions de la « naissance de l’écrivain » a été le mécénat princier. De fait, les écrivains semblent toujours avoir été présents auprès des princes, au point que leur présence contribue à la vitalité artistique d’une cour comme leur œuvre ajoute à la grandeur d’un règne. Si la littérature sert le pouvoir de bien des manières, jusqu’à constituer des genres destinés aux politiques (les miroirs des princes), les politiques se servent de la littérature pour façonner leur ethos d’hommes d’État. Il s’agira donc dans le présent numéro des Travaux de littérature d’interroger plus particulièrement le pouvoir et le rôle de la littérature dans l’élaboration d’une image de soi en politique et de la mobilisation de la littérature dans l’action politique.

La littérature joue tout d’abord un rôle dans la construction de l’ethos du politique. Elle offre un espace où s’élabore une personnalité, une conception théorique et éthique de l’action politique, elle est encore un prisme à travers lequel se dessine une idéologie. Ainsi avant de devenir de grandes figures politiques Retz a composé La Conjuration de Fiesque ; Léon Blum a collaboré à La Revue blanche… et de Gaulle a publié les premiers volumes de ses Mémoires de guerre avant 1958 tout comme son ministre des affaires culturelles avait reçu le prix Goncourt en 1933. Ces premiers écrits sont presque un préalable, au point que Bernis explique dans son Étude de l’Histoire « je voulais habituer les hommes à me considérer comme quelqu’un de sérieux » – et que le thème court chez Balzac comme chez Stendhal du nègre chargé de composer l’ouvrage qui posera un personnage en acteur politique.

Pour renforcer une légitimité politique, citations et pastiches ornent et enrichissent les discours. En conférant une image de profondeur, de sérieux, semblables références supposent une capacité à susciter des sympathies intellectuelles, à créer une empathie susceptible de compléter ou de corriger l’image du politique. Cependant certaines formes d’écriture peuvent représenter un risque : si l’on attend des œuvres théologiques d’un cardinal, attend-on de Richelieu La Comédie des Tuileries et L’Aveugle de Smyrne ? Edgar Faure a signé ses romans policiers Edgar Sanday… Dans quelle mesure l’activité  littéraire perçue comme un loisir est-elle compatible avec l’image traditionnelle du politique ?

S’agissant de la relation entre littérature et pratique politique, l’on examinera si le politique-écrivain transforme en expérience sa pratique concrète, la théorise et l’érige en modèle. Cette interrogation passe par une réflexion sur la forme des énoncés (lettres, programme, journal comme espace d’élaboration) ; elle considèrera encore les effets de la mobilisation de textes dans l’action ou de leur réemploi en fonction de l’actualité. Précisément, ce réemploi est-il seulement utilitaire ou bien exprime-t-il la volonté d’inscrire une pratique ou une vision politiques dans la continuité des livres ou des grands genres littéraires ?
L’écriture fait ainsi partie de l’exercice politique. Ce n’est sans doute pas une spécificité française, mais il importe de repérer les frontières entre l’engagement des écrivains et la littérature comme lieu et moyen d’élaboration d’une persona politique dans l’espace francophone, où les échos du J’accuse de Zola résonnent encore. 
 
Selon le cahier des charges de la revue, les contributions devront prendre pour objet la littérature francophone, du Moyen Âge à aujourd’hui. Les travaux pourront, à la faveur de ce thème, privilégier les analyses au croisement des disciplines (philosophie, histoire, histoire de l’art notamment). 
 
Les propositions sont à adresser à Myriam Tsimbidy (myriam.tsimbidy@u-bordeaux-montaigne.fr ) avant le 30 novembre 2022.

Dans le cas où la proposition est retenue, l’article sera à remettre impérativement avant le 1 juin 2023 pour une publication fin octobre 2023.