La dix-huitième livraison de la revue Exercices de rhétoriques est consacrée à la narration, ou plus exactement aux "Dispositifs rhétoriques dans la narration d’un personnage (xve-xviiie siècles)". Pascale Mounier qui coordonne ce riche sommaire nous y rappelle que le terme narration, emprunté au latin narratio, n’a pas le même sens dans le champ de la rhétorique que dans celui de la littérature. D’un côté il s’agit de l’exposé du fait tel qu’il s’est passé ou qu’il a pu se passer. Cela concerne des individus réels. L’orateur use de la narration pour soutenir une cause ou réfuter une cause adverse (Cicéron rend compte par exemple dans le Pro Milone des agissements de Milon, assassin de Clodius, de façon à discréditer les accusations de méchanceté et de préméditation qui pèsent sur celui-ci). De l’autre, la narration est l’acte de rapporter de façon détaillée les actions de personnages. L’auteur est amené à produire un texte plus ou moins long, selon le genre qu’il choisit, roman, nouvelle, fable ou épopée. La narratio oratoire rend compte d’une chronologie dans la perspective d’une démonstration. La narratio que l’on peut appeler "poétique", "fabuleuse" ou encore "mimétique" invente les événements et produit une organisation, conforme ou non au déroulement chronologique, qui capte en soi l’attention. Les deux types de narrations se prêtent en partie à une codification technique : les traités de rhétorique d’une part et les traités de poétique et les études de narratologie d’autre part scrutent les mécanismes mobilisés. Or, quoique distinctes à l’origine, les traditions théoriques antiques et modernes approchant la notion de "narration" ne sont pas complétement indépendantes : c'est tout l'enjeu de ce sommaire que de sonder leurs possibles interactions.
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Publié le par Marc Escola