
Mythe & Histoire par Bernard Teyssandier et Marco Jalla (Séminaire TIGRE : Mythes & Illustrations)
Bernard Teyssandier (URCA, CRIMEL)
Minerva magistra : images et imaginaire de l’éducation royale au Grand Siècle
Dans la France bourbonienne du XVIIe siècle, les productions qui se donnent pour but d’initier l’enfant-roi aux savoirs n’eurent finalement de succès que passagers. A deux exceptions près, qui viennent contredire l’idée d’une littérature d’occasion : les six premiers livres des Fables choisies mises en vers que La Fontaine dédie au Grand Dauphin (1661-1711) en 1668 ; et Les Aventures de Télémaque que Fénelon adresse au Duc de Bourgogne (1682-1712), petit-fils du Roi-Soleil, dont la première édition date de 1699, mais que le célèbre prélat compose quelque dix ans plus tôt dans le cadre de son préceptorat. Deux textes majeurs de notre patrimoine littéraire, deux textes classiques aussi, longtemps étudiés dans les classes, du fait de leur orientation pédagogique. Or si La Fontaine choisit délibérément de tourner le dos à la grande mythologie, à la Fable, lui préférant l’apologue ésopique et les « peintures légères », ce qui le conduit notamment à introduire de la gaieté dans son enseignement, Fénelon renoue pour sa part avec le genre épique en donnant une forme de suite à l’Odyssée, ce qui l’amène à faire du sage Mentor la figure maîtresse de son roman d’initiation. J’ai pu montrer ailleurs que l’imaginaire du centaure avait pu contribuer à la fabrique de cette figure hybride, même si Mentor est avant tout, comme nous l’apprend Homère, le double de la déesse Minerve. Or Fénelon n’est pas le premier à user de cette référence dans le cadre d’un apprentissage royal. On se propose d’en apporter la preuve grâce à un certain nombre de visuels d’époque (estampes diffusées sous forme de feuilles volantes, productions gravées adossées à des textes) nous permettant d’évoquer à la fois l’art de la gravure et l’usage qui en est fait au XVIIe siècle dans l’espace du livre imprimé. On conclura sur les enjeux de cette appropriation : en quoi la figure de Minerve peut-elle s’avérer utile à la formation du prince des Lys, tant pour ce qui est des valeurs auxquelles elle fut associée que de leur mise en pratique ?
Marco Jalla (doctorant, Université de Genève)
"Qu’il ne faut pas croire à la légère à la calomnie": la discrète leçon de L’Ecole d’Apelle de Jean Broc (1800)
Dans une architecture qui s’inspire des modèles antiques, Jean Broc met en scène le peintre Apelle qui montre à ses élèves un dessin, la Calomnie, d’après un de ses tableaux, perdu et connu uniquement par une description de Lucien de Samosate. Ce tableau dans le tableau n’a jusqu’ici pas été appréhendé à sa juste mesure par la critique. Le choix de ce sujet par Broc, pour le Salon de 1800, répond, comme nous aimerions le montrer, à un événement bien particulier des premières années de la Révolution française, la double arrestation de son maître, le peintre Jacques-Louis David.